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Les fondations open source vues d’un bon œil par les investisseurs (Serena Capital)

Outre une croissance forte des investissements en provenance de l’Europe, Serena Capital observe un cercle vertueux. Les startups dont les solutions commerciales s’appuient sur des projets open source soutenus par des fondations open source seraient plus susceptibles de bénéficier d’un large soutien financier.

Dans son étude « Commercial Open Source Report 2024 », publiée le 24 avril, Serena Capital s’est intéressé de près aux tendances de financement de ce que le fonds nomme l’open source commercial (Commercial Open Source ou COSS).

Le VC (Venture Capitalist), qui a financé entre autres Dataiku, Odaseva ou Malt, distingue l’open source commerciale des logiciels open source sans support spécifique (FOSS) et des gratuiciels (freeware), accessibles gratuitement, mais propriétaires et potentiellement payants suivant certaines limites.

« Les entreprises qui proposent des logiciels open source commerciaux offrent un code source ouvert auquel on peut accéder et qu’on peut utiliser sans frais initiaux. Toutefois, elles peuvent facturer des services supplémentaires, des fonctionnalités ou une utilisation au-delà d’un certain point », décrit Matthieu Lavergne, Partenaire chez Serena, dans une note adressée aux rédactions.

C’est le modèle privilégié par bon nombre d’éditeurs, dont Confluent, Red Hat, Databricks ou encore GitLab… et par les investisseurs.

Les investisseurs européens prennent la vague GenAI

Selon le travail mené par Serena, 9,5 % des 500 dépôts les plus populaires sur GitHub sont issus d’éditeurs de solutions Open Core supportés financièrement par des fonds d’investissement. En revanche, ces acteurs seraient particulièrement influents auprès de la communauté et des entreprises.

Sans surprise, leur attache aux États-Unis est évidente. Pas moins de 74 % des 400 entreprises COSS étudiées sont Nord-américaines, tandis que 22 % proviennent de la région EMEA.

Ces quatre dernières années, pas moins de 82 % des fonds versés provenaient des États-Unis, preuve de la dominance du pays en matière d’économie logicielle.

Serena note toutefois que les VC européens sont en train de se réveiller. Alors que leurs efforts financiers ne représentaient que 4 % des sommes attribuées aux éditeurs de logiciels COSS en 2020, cette part est passée à 30 % en 2024.

Serena note que cette forte croissance est portée par deux levées de fonds d’importance : celle de Mistral AI, 385 millions d’euros, et d’Aleph Alpha, 500 millions de dollars. En clair, les fonds européens ont parié sur l’IA générative au quatrième trimestre 2023.

Cela serait néanmoins un bon signe pour l’Europe, note Serena. De fait, la part d’investissement en provenance de VC européens progresse depuis 2022. L’étude ne dit pas si l’argent investi profite majoritairement à des startups européennes.

Selon les données relatives aux 400 entreprises ayant reçu des fonds ces trois dernières années, la part des investissements dans l’open source commercial a franchement baissé au deuxième trimestre 2020, avant de repartir à la hausse puis de connaître une chute violente à partir du deuxième trimestre 2022, en tout cas plus importante que dans d’autres secteurs, note Serena. Pour autant, à la fin de l’année 2023, les entreprises COSS représentaient environ 4,43 % de part du portefeuille des investisseurs américains.

Ce rebond serait de bon augure pour les startups et les scale-ups à la recherche de fonds, anticipe Serena.

Les fonds s’intéressent à la « modern data stack », les usagers aux outils de développement

Les 20 entreprises qui ont bénéficié des plus gros financements en 2023 œuvrent dans les domaines de « la modern data stack » (40 %), l’observabilité (20 %), l’IA (15 %) et le DevOps (15 %).

Les 20 dépôts GitHub les plus populaires en étoile sont majoritairement consacrés à des outils de développement, puis de manière égale, à l’IA, l’observabilité, la modern data stack et les applications métiers. En nombre de contributeurs, le top 20 des dépôts concerne des outils de développement, la modern data stack, les applications métiers et le DevOps.

« Cela suggère que la popularité d’un projet au sein de la communauté des développeurs n’équivaut pas nécessairement à son attrait pour les investisseurs », écrit Matthieu Lavergne.

« À l’inverse, certaines entreprises COSS bénéficiant d’un soutien financier considérable ne présentent pas les mêmes niveaux de popularité sur GitHub (mesurés par le nombre d’étoiles et de contributeurs). Cette disparité indique que l’investissement financier ne garantit pas à lui seul l’existence d’une communauté dynamique ou d’une utilisation généralisée », ajoute-t-il.

Interrogé par Serena, Miguel Valdés, directeur marketing produit chez Kotzilla et fondateur de Bonitasoft, anticipe pour sa part des « investissements substantiels » dans les outils de développement puisque ces derniers bénéficient d’innovations grâce à l’intelligence artificielle générative et à l’automatisation.

L’aval des fondations open source compte pour les investisseurs

La maturité d’une entreprise n’est pas non plus un critère de financement évident. En revanche, une société plus âgée a logiquement plus de chance d’avoir obtenu davantage de contributions de la part de la communauté, et de bénéficier d’une plus grande fidélité de sa part.

Qu’en est-il du rôle des fondations open source dans la prise de décision des investisseurs ? Les investisseurs auraient-ils tendance à favoriser les éditeurs qui pourraient, au moment de croître, rendre propriétaire la licence du produit qu’il propose ? Pas forcément, dit Serena, chiffres à l’appui.

Ainsi, près de la moitié des entreprises COSS dans lesquels les VC ont le plus investi ont donné leur projet à une fondation open source ou appuient leur solution sur une solution maintenue par une fondation.

Et cette portion représente les entreprises qui ont bénéficié de davantage de fonds. Ainsi, 39 % des entreprises qui ont donné leur projet ou contribuent à un projet au sein d’une fondation ont levé plus de 100 millions de dollars, tandis que 38 % se situeraient dans la fourchette comprise entre 55 et 100 millions de dollars.

« L’engagement auprès des fondations est souvent considéré comme un facteur positif par les investisseurs et peut conduire à des résultats plus fructueux, ce qui suggère une voie stratégique pour les nouvelles entreprises COSS visant à améliorer leurs perspectives de financement et leur stabilité sur le marché », note Matthieu Lavergne.

De leur côté, les fondations open source (dont Apache Foundation et Linux Foundation) constatent que les entreprises, y compris les grands comptes, veulent s’appuyer sur des solutions soutenues par des fondations « neutres » par rapport à l’éditeur.

Le partenaire de Serena n’est pourtant pas certain de savoir si l’engagement auprès d’une fondation est un facteur d’investissement pour un VC ou si les entreprises ayant reçu davantage de fonds sont plus enclines à contribuer en retour aux projets FOSS.

Quoi qu’il en soit, les entreprises COSS misent en premier lieu sur des licences permissives. Selon Serena, les 20 entreprises ayant reçu le plus de financement privilégient les licences conformes aux propriétés définies par l’Open Source Initiative, dans près de 65 % des cas. Dans 20 % des cas, elles utilisent des licences copyleft. Seulement 10 % des licences utilisées ne sont pas conformes à l’OSI dans cette catégorie.

Les décisions prises par MongoDB, HashiCorp, Redis ou Elastic seraient donc minoritaires. « Les licences permissives restent dominantes malgré les débats sur les licences hybrides », note Mathieu Lavergne.

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