L’intelligence artificielle a atteint un nouveau degré de maturité qui fait qu’elle commence à aider les distributeurs dans des domaines qui vont du sourcing au service client. Elle a en tout cas été le sujet brûlant lors de la principale conférence du secteur.
par
Daphne Howland, Journaliste et Senior Reporter
Publié le: 24 janv. 2025
New-York – Lors du Big Show de la National Retail Federation au Javits Center cette année, le sujet de l’intelligence artificielle a été incontournable.
Azita Martin, vice-présidente et directrice générale pour le retail de Nvidia, a donné le ton dès le dimanche matin, en évoquant le « temps du changement » avec le président de Walmart U.S John Furner. Le lendemain, dans le même esprit, elle échangeait avec Seemantini Godbole, la directrice numérique et de l’information de Lowe’s, et avec Randy Lack de Dell Technologies, sur la manière dont le spécialiste américain de l’équipement pour le bricolage et le jardinage « utilise l’IA pour devenir un distributeur numérique agile ».
« L’IA est une réalité, et je vous encourage tous à commencer à l’utiliser », a lancé Azita Martin au public après que John Furner ait fait remarquer que l’IA pouvait être intimidante.
« Je recommanderais que les premières initiatives soient pilotées par le haut. En d’autres termes, vous avez besoin d’un parrainage exécutif pour votre IA. Les cadres supérieurs de votre entreprise doivent y croire. La deuxième chose que je regarderais, c’est “quels sont vos plus grands défis métiers ?”. »
En raison du grand nombre de sessions, de conférenciers et de vendeurs liés à l’IA au Big Show cette année, il est impossible de résumer tout ce qui a été dit sur ce vaste sujet. Mais il est tout de même possible de faire ressortir quatre grands thèmes émergents.
L’IA pourrait révolutionner les chaînes d’approvisionnement
Les responsables de la chaîne d’approvisionnement y sont peut-être venus après d’autres, mais ils ont finalement été séduits par le potentiel de l’IA pour rationaliser et améliorer plusieurs processus – de la prévision (forecast) à l’exécution des commandes.
La pandémie a perturbé les supply chains, ce qui a conduit à des problèmes d’inventaire auxquels certains distributeurs sont encore confrontés. Cette situation a montré qu’il y avait un besoin de nouvelles solutions technologiques.
Pour y répondre, Nvidia a par exemple dévoilé Mega, un produit d’IA qui utilise un jumeau numérique pour développer, tester et optimiser les systèmes avant qu’ils ne soient réellement déployés dans les installations. Lowe’s a utilisé le même type de jumeaux numériques dans 1 700 de ses magasins pour fournir des mises à jour opérationnelles et d’inventaire quotidiennes.
« La chaîne d’approvisionnement, plus que tout autre domaine du retail à mon avis, est celui qui va bénéficier le plus de l’IA », a lancé Azita Martin à John Furner.
Hyperpersonnalisation vs confidentialité
Les acteurs du commerce électronique se sont longtemps vantés d’avoir accès à des données clients que les magasins physiques ne pouvaient pas collecter. L’IA serait sur le point de rebattre les cartes grâce, par exemple, à une nouvelle génération d’assistants de shopping numériques et à d’autres évolutions de la communication.
Tapestry – le groupe d’articles de mode et de maroquinerie qui possède Coach, Kate Spade et Stuart Weitzman – utilise par exemple l’IA pour générer des images. Sa vice-présidente chargée de l’omnicanal, Trang To, explique que ces images faites par l’IA « ont le potentiel de débloquer l’hyper-personnalisation à grande échelle ».
« Alimenter notre IA avec des informations cross-domaines est critique. Cela permet de fournir des résultats plus perspicaces sur ce que le client veut voir », explique-t-elle. « Et la deuxième chose qui a été le plus grand obstacle, historiquement pour nous, dans la personnalisation, c’est la vitesse à laquelle nous pouvions créer du contenu pour adresser tous ces individus, un par un, par opposition à une réponse plus globale par segments. C’est quelque chose qui m’enthousiasme vraiment. »
Mais la confidentialité reste une préoccupation pour de nombreux consommateurs, ce qui en fait également une préoccupation pour les commerçants.
« Il y a une décennie, il y avait cette tension entre d’un côté la confidentialité et de l’autre la personnalisation. Cette tension continue », constate Tony Spring, PDG de Macy’s. « La réalité, c’est que nous sommes responsables de la relation avec notre client […] Nous devons être de meilleurs gardiens de l’information. Nous devons être plus intelligents avec l’information que nous avons déjà, et gagner votre confiance au fil du temps avec ce que nous en faisons ».
Les cas d’usage de l’IA ne sont pas encore clairs
Au Big Show, il était difficile (pour ne pas dire impossible) de trouver un commerçant qui n’était pas au moins en train de faire un pilote avec de l’IA, sur un périmètre donné de son entreprise. Mais cela ne signifie pas non plus que les professionnels du commerce en sont à la mise en production (phase d’industrialisation). Au contraire, beaucoup, sinon la majorité d’entre eux, semblent être encore en mode test.
« On apprend toujours quelque chose, n’est-ce pas ? », confirme Karen Etzkorn, directrice de l’information du groupe de vCommerce et de télé-achat, Qurate Retail Group. « Certains cas d’usage de la GenAI apportent une valeur significative. D’autres ont été mis de côté. Il faut essayer ».
Chez H&M, 2024 a également été une année d’exploration, avec un état d’esprit entrepreneurial, comme l’a qualifié sa chief digital information officer Ellen Svanström.
« Nos collègues ont montré un très grand intérêt, et le nombre d’explorations dans ce domaine a été très grand », confirme-t-elle. Ceci étant, « nous n’avons pas encore vu de cas d’usage très concrets avec une valeur réellement spécifique et positive. Mais nous anticipons un potentiel énorme ».
En parallèle, H&M a investi et travaillé « de manière très disciplinée pour construire une nouvelle plateforme de données, afin de garantir que nous puissions vraiment évoluer de manière sécurisée à l’avenir. C’est à dire être ouvert à ce que seront les vrais cas d’usage, et à capter de la valeur en nous concentrant sur ceux-ci. »
Pas de distribution sans humains
L’IA a peut-être dominé le Big Show, mais les 40 000 humains qui y ont assisté représentent les milliards de clients et d’employés qui font le monde du retail.
Chez American Eagle, le directeur marketing Craig Brommers confie que la chaîne de vêtements aborde l’utilisation de l’IA avec prudence, pour éviter le genre de bourdes très médiatisées commises par quelques marques l’année dernière. Et pour préserver l’authenticité et la diversité que ses clients valorisent.
« C’est l’équilibre entre la technologie et l’interaction humaine qui va tracer la voie pour l’avenir de la vente. »
Brian CornellPDG, Target
En fait, l’IA émerge comme un outil pour assister les humains, plutôt que pour les remplacer.
« Même dans un environnement où nous savons que la technologie va jouer un rôle de plus en plus important, écouter les consommateurs et avoir de l’interaction humaine compte toujours », acquiesce Brian Cornell, PDG de Target. « Je pense que c’est l’équilibre entre la technologie et l’interaction humaine qui va tracer la voie pour l’avenir de la vente. Donc, je pense que vous feriez mieux de passer du temps à vous assurer de construire de la confiance avec vos clients, d’avoir ces conversations honnêtes avec eux, et d’expliquer le “pourquoi” de ce que vous allez faire ».
« Dans un environnement changeant, nous savons qu’il faut une combinaison des deux – d’une technologie qui va stimuler la croissance et d’une confiance liée aux interactions humaines. Ce n’est pas l’un ou l’autre. C’est l’un et l’autre. », insiste-t-il. « C’est cette combinaison qui va être fondamentale, je pense, pour les années à venir. ».