Kurhan - stock.adobe.com

IA et données : Microsoft décline sa stratégie dans Cloud for Retail

Microsoft infuse des fonctions d’analytiques avancées et d’IA générative dans son offre « verticalisée » Cloud for Retail. Selon les analystes, ces ajouts incrémentaux doivent encore faire leurs preuves, alors qu’en matière d’IA, les entreprises demeurent attentistes.

Le géant du cloud a présenté ce lot de fonctionnalités le 11 janvier, en amont de NRF 2024 : Retail’s Big Show, une convention pour les distributeurs et commerçants qui se tient à New York du 14 au 16 janvier.

À l’instar de nombreux éditeurs de solutions de gestion et d’analytique de données tels que Databricks, Snowflake et SAS, Microsoft propose des versions verticalisées de ses plateformes et logiciels. En principe, ces suites sont conçues pour aider les clients à déployer et à rendre opérationnels ses outils de manière plus efficace afin qu’ils répondent aux besoins uniques des organisations d’un secteur particulier, selon Mike Leone, analyste au sein de l’Enterprise Strategy Group de TechTarget [également propriétaire du MagIT].

L’IA générative infuse les verticaux

Microsoft Cloud for Retail comprend l’accès à des produits de données développés par les partenaires du géant technologique, des connecteurs et des applications spécifiques au commerce de détail, des outils d’analyse des achats et des opérations, ainsi que des capacités de détection des fraudes.

« Nous observons actuellement dans le domaine de l’IA – et de la GenAI – un thème de plus en plus orienté vers les secteurs d’activité », avance Mike Leone. « Il est question de rapidité de mise en œuvre et de délai de rentabilisation. En adoptant ces solutions prépackagées, les clients peuvent bénéficier de fonctionnalités spécialement conçues pour leur secteur, ce qui se traduit par des flux de travail plus efficaces et une productivité accrue ».

De même, Doug Henschen, analyste chez Constellation Research, note que le principal avantage des « clouds » propres à un secteur, tels que le Cloud for Retail de Microsoft, est de précipiter le processus d’intégration et d’éliminer une partie de la personnalisation que les organisations doivent habituellement orchestrer pour adapter des systèmes sur étagère à leurs besoins.

« L’idée est d’accélérer le développement de capacités spécifiques à un secteur ou à un client en s’appuyant sur les solutions généralistes disponibles au catalogue du fournisseur », rappelle-t-il.

Outre Cloud for Retail, Microsoft propose douze autres versions sectorielles de ses outils, dont Cloud for Financial Services, Cloud for Government et Cloud for Healthcare.

Un Copilot pour guider les clients…

Lors de la présentation de son produit, Microsoft a noté que les acteurs du commerce de détail sont confrontés à des conditions difficiles du fait que les consommateurs modifient leurs habitudes d’achat.

L’une des conséquences est la forte rotation du personnel dans les magasins. Une autre est la baisse de la fidélité à la marque.

Pour faire face à l’incertitude, de nombreux distributeurs s’appuient de plus en plus sur l’analytique et sur l’IA. Une étude commandée par Microsoft et réalisée par IDC a montré que les détaillants obtiennent en moyenne un rendement de 3,45 dollars pour chaque dollar investi dans l’IA.

La belle aubaine pour Microsoft, dont les investissements et les annonces se sont dernièrement concentrés sur l’IA générative.

Inclus dans l’offre Cloud for Retail, un template Copilot, actuellement en préversion, doit aider les enseignes à créer plus rapidement des expériences d’achat personnalisées pour leurs clients.

Reposant sur le modèle GPT-4 fourni à travers Azure OpenAI Service, ce Copilot est fine-tuné à l’aide de données qui devraient permettre aux clients de rechercher et de voir des produits en langage naturel, comme s’il demandait au responsable d’un rayon de leur présenter des items avant de décider de les acheter ou non.

Au lieu de cliquer sur un menu déroulant, les consommateurs pourront décrire leur situation et réclamer de l’aide. Par exemple, un client pourrait écrire dans un chatbot : « Mon enfant commence la pratique du roller, trouve-moi les équipements adéquats » ou « J’assiste à un mariage cet été. Peux-tu me montrer des robes pour l’occasion ? ».

Le Copilot interrogera les données à sa disposition et répondra par des recommandations en langage naturel.

Ce chatbot, normalement plus performant que ces aînés, pourra être intégré aux sites Web et applications de l’enseigne ou de la marque.

… et des assistants pour les employés du retail

Selon le Work Trend Index de Microsoft, près des deux tiers des travailleurs en première ligne sont enthousiasmés par la promesse des outils numériques, mais environ un tiers d’entre eux ne croient pas que ces outils leur sont destinés.

Un autre template Copilot, lui aussi accessible en préversion depuis Azure OpenAI Service, est conçu pour permettre à ces entreprises de développer des outils d’IA générative à mettre dans les mains de leurs employés, dont les vendeurs. L’objectif est de leur rendre plus facilement accessibles des informations clés afin de simplifier les prises de décision et les recommandations.

« J’aime beaucoup le fait que ces capacités [de Copilot] ne se concentrent pas uniquement sur les clients », déclare Mike Leone. « L’amélioration et la personnalisation de l’expérience client sont bien sûr essentielles, mais il existe un besoin massif de mieux responsabiliser les vendeurs et les employés dans le secteur du commerce de détail. Ils ont besoin – et surtout, ils veulent – utiliser des outils de données plus efficaces pour améliorer la productivité et l’efficacité ».

Doug Henschen, quant à lui, considère qu’il faut accueillir ces annonces avec prudence. Tout comme ses concurrents, dont Google, Microsoft fournit actuellement des offres en préversion.

« Nous n’avons pas encore pu constater si l’une ou l’autre de ces annonces se traduira en gains de productivité réels et nous ne savons pas si elles seront adoptées une fois en disponibilité générale », prévient l’analyste. « La disponibilité générale… fait tout. Nous sommes encore au cœur du cycle de l’engouement pour la GenAI, et cet engouement est en train de s’estomper ».

« La disponibilité générale… fait tout. Nous sommes encore au cœur du cycle de l’engouement pour la GenAI, et cet engouement est en train de s’estomper ».
Doug HenschenAnalyste, Constellation Research

Pour autant, les équipes marketing des acteurs du retail auront également le droit à leur Copilot. Dans le cadre de l’offre Cloud Retail, Dynamics 365 Customer Insights se pare d’un outil pour décrire en langage naturel le résultat souhaité de leur projet. L’agent conversationnel répondra en générant un tableau de projet que les équipes pourront utiliser pour gérer leurs flux de travail. En outre, au fur et à mesure de l’avancement des dossiers, cet assistant peut formuler des recommandations.

Parallèlement, le Retail Media Creative Studio, disponible en préversion ce mois-ci, est un outil de la Microsoft Retail Media Platform qui permettra aux annonceurs de générer et d’éditer automatiquement des supports créatifs à l’aide de l’IA générative.

L’analytique en temps réel au service de l’e-commerce

Outre ces Copilots, la mise à jour de Cloud for Retail de Microsoft comprend trois nouveaux outils de données dans Data Fabric. Pour rappel, le géant technologique a lancé Data Fabric en novembre 2023. Cette solution généraliste combine les capacités de Power BI, Data Factory et Azure Synapse Analytics afin d’égaler les lakehouses de Databricks, Snowflake, AWS et Google Cloud.

Les trois fonctions spécifiques au retail sont les suivantes :

  • Un modèle de données pour le secteur de la vente au détail en disponibilité générale, qui peut être utilisé pour planifier, concevoir et développer des outils de données pour la gouvernance, la création de rapports, la veille stratégique et l’analytique avancée.
  • Un connecteur en préversion pour importer des données e-commerce en temps réel depuis la plateforme OrderCloud du partenaire SiteCore vers Fabric afin que les usagers puissent réagir aux actions des clients pendant qu’ils font leurs achats.
  • Des templates consacrés, entre autres, à l’analyse des « articles fréquemment achetés ensemble ». Ces modèles analytiques doivent fournir des recommandations aux détaillants qu’ils peuvent utiliser pour vendre plus aux clients et optimiser leurs opérations.

Des fonctions incrémentales, selon Constellation Research

Pris dans leur ensemble, Doug Henschen estime que bien que les nouvelles fonctionnalités de Cloud for Retail font progresser la plateforme, elles ne représentent pas une innovation significative étant donné qu’elles imitent d’autres fonctionnalités déjà disponibles au sein de l’écosystème analytique et IA de Microsoft.

« Il s’agit de fonctionnalités incrémentales destinées aux acteurs du commerce de détail ainsi qu’à leurs clients et employés », avance-t-il.

Les entreprises, attentistes

Notons que les enseignes de distribution et les marques sont parmi les premières entreprises à expérimenter l’IA générative. En France, certaines d’entre elles, dont Fnac-Darty et Carrefour s’appuient sur les services primaires (les modèles, les plateformes techniques et les API) de Google Cloud plutôt que de recourir à des solutions prépackagées. Le géant du luxe LVMH va plus loin et investit dans la recherche et le développement pour mieux contrôler les résultats des agents conversationnels qu’il rendra accessibles à ses clients.

De manière générale, en matière d’IA générative, les entreprises sont attentives. Selon les propos recueillis par LeMagIT, certaines directions estiment que les technologies et les modèles économiques associés ne sont pas encore assez mûrs pour y investir massivement. 

Cette prudence est particulièrement prégnante dans l’étude « AI Radar : From Potential to profit with GenAI » publiée la semaine dernière par la division BCG X du Boston Consulting Group et menée auprès de 1 406 dirigeants dans 50 pays. Le BCG constate que l’IA est l’une des trois priorités technologiques pour 89 % d’entre eux, avec le cloud et la cybersécurité. En même temps, 90 % des entreprises sondées « adoptent une position attentiste ou n’expérimentent l’IA qu’à petite échelle ».

Pour approfondir sur Intelligence Artificielle et Data Science

Close