Comment CMA-CGM s’est emparé de l’IA

Le troisième armateur mondial utilise des IA et a même entraîné la sienne pour optimiser son fonctionnement. Mais au-delà de l’usage interne, l’IA est pour le groupe un domaine d’investissement financier, via ses filiales Zebox et Zebox Ventures.

Le jour où la flamme olympique arrivait à Marseille, le 8 mai dernier, Rodolphe Saadé, président de CMA-CGM, accompagné du Président de la République, inaugurait le campus Tangram, un centre d’excellence de 6 000 m2 pour la formation et l’innovation. L’objectif y est de former plus de 5 000 collaborateurs par an sur les 180 000 qu’emploie l’entreprise. À nos confrères du monde, le magnat du transport maritime déclarait : « j’investis dans l’humain. Les collaborateurs sont la clé pour relever les défis du groupe », défis qu’il identifie comme étant le climat, la géopolitique et l’IA.

Ce dernier domaine est piloté par Séverine Grégoire, directrice générale de Zebox Ventures et membre du conseil d’administration de StemAI, une organisation dédiée à la promotion de l’enseignement des disciplines STEM (Science, Technologie, Ingénierie et Mathématiques) avec un accent particulier sur l’intelligence artificielle (IA).

Zebox est l’accélérateur international de startups fondé en 2018. Il a pour mission de connecter des startups innovantes avec de grandes entreprises, favorisant ainsi la co-innovation et l’accélération de solutions face aux défis mondiaux actuels et futurs.

Depuis sa création, Zebox a étendu son réseau avec plusieurs hubs d’innovation à travers le monde, notamment en Guadeloupe, aux États-Unis (Arlington, Virginie), à Singapour et en Côte d’Ivoire (Abidjan). À ce jour, Zebox a soutenu de nombreuses startups, facilitant plus de 100 collaborations entre ces jeunes entreprises et ses partenaires corporatifs. Ces efforts ont permis de lever un total de 235 millions d’euros pour les startups accompagnées.

En 2023, c’est au tour de Zebox Ventures de voir le jour, un fonds de capital-risque dédié aux startups œuvrant dans la logistique, la mobilité, la décarbonation et, bien sûr, l’IA. Parmi les investissements déjà réalisés, on retrouve Mistral, Poolside et de manière générale, la plupart des startups qui s’activent dans l’IA. Notons également la participation au projet Kyutai, un laboratoire de recherche IA Open source avec comme partenaires Xavier Niel ou Eric Schmidt (ancien PDG de Google). Moshi, l’IA conversationnelle a déjà vu le jour. Il s’agit du premier projet et d’autres vont être dévoilés dans les prochains jours.

Avant de rejoindre Zebox Ventures en 2022, Séverine Grégoire a cofondé et dirigé plusieurs entreprises. Citons Monshowroom, en 2006, une plateforme de commerce électronique, qu’elle a ensuite vendue au groupe Casino. Elle a également lancé MesDocteurs, une entreprise de technologie de la santé, qu’elle a cédée en 2018.

L’IA pour économiser 7 % des dépenses en carburant

Mais au-delà des investissements et partenariats, le groupe mise énormément sur l’IA en interne et cette responsabilité est également dévolue à madame Grégoire. Grâce au pilotage des navires assisté par l’IA, l’entreprise a économisé près de 7 % de la consommation de carburant sur les 8 millions de tonnes dévorés par an. C’est également 1 million de tonnes de CO2 en moins.

Rappelons que la flotte compte près de 600 navires, lesquels desservent 420 des 521 ports commerciaux du monde. L’objectif est d’arriver à zéro émission de CO2 à l’horizon 2050, « un objectif difficile », admet M. Saadé, même si la société s’est lancée dans un important renouvellement de sa flotte vers des bateaux fonctionnant au GNL ou au méthanol.

CMA-CGM travaille également avec des équipes de Google sur certains algorithmes d’optimisation dans de nombreux domaines : le chargement/déchargement des navires, l’optimisation de la navigation, la gestion des entrepôts, mais également tout ce qui concerne le support client. Il s’agit d’un partenariat sur cinq ans.

« Les outils d’IA nous permettent de mettre au même endroit toutes ces datas et de les interroger beaucoup plus facilement pour mieux répondre à nos clients. »
Séverine GrégoireDirectrice générale, Zebox Ventures et membre du conseil d’administration de StemAI

Madame Grégoire explique que 8 000 agents dans le monde répondent à plus de 5 millions de mails chaque mois. Elle considère que l’IA va pouvoir intervenir pour traiter plus efficacement tout ce courrier. Un premier déploiement est en cours. L’outil s’appelle Agassi (comme le joueur de tennis). Il s’agit d’un agent assistant qui est connecté à OpenAI et bientôt au CRM Salesforce. Les premiers témoignages semblent très satisfaisants, réduisant les temps de traitement par 4 ou 5.

« Une personne de notre service client témoigne que répondre à une demande lui prenait dix minutes auparavant, contre deux à présent. Le temps gagné lui permet de se concentrer sur des cas un peu plus complexes. Vous imaginez à la taille du groupe : nous avons énormément de règles, de sources d’informations. Les outils d’IA nous permettent de mettre au même endroit toutes ces datas et de les interroger beaucoup plus facilement pour mieux répondre à nos clients », raconte madame Grégoire.

Maia l’IA maison

L’entreprise a également développé un assistant IA baptisé Maia. « Au départ, il s’agissait d’un GPT-like déployé dans un environnement sécurisé. Maia était connectée à OpenAI. Nous ne savions pas trop comment nos personnels allaient réagir. En définitive, elle a été très rapidement adoptée pour assister les traductions. Dans un groupe tel que le nôtre, les traductions ne sont pas anodines. Nous en faisons énormément pour résumer des e-mails, des documents », assure madame Grégoire, qui explique que Maia est désormais connectée à Mistral, plus performant en ce qui concerne la langue française.

« Puis, petit à petit, nous avons fait évoluer Maia pour qu’elle devienne une experte de la CMA-CGM. Nous lui avons appris beaucoup d’informations de sorte que nos agents, nos collaborateurs puissent poser aujourd’hui toutes leurs questions à Maia et obtenir les réponses qu’ils cherchent », ajoute-t-elle, en précisant que Maia complète Copilot, l’IA que Microsoft propose dans tous ses logiciels.

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