Airbus explore la simulation quantique pour la biocatalyse
L’avionneur européen annonce un partenariat de recherche avec une start-up allemande, spécialiste de la simulation quantique appliquée à la chimie. L’objectif est d’optimiser les processus de biocatalyse. Un domaine prometteur pour l’aéronautique.
Airbus vient de s’associer à l’entreprise allemande Quantistry dans un programme de R&D de deux ans. La collaboration visera à appliquer l’informatique quantique et l’intelligence artificielle (IA) à la biocatalyse.
La biocatalyse repose sur l’utilisation d’enzymes pour accélérer des réactions chimiques. Elle pourrait offrir des alternatives durables aux procédés traditionnels polluants, en améliorant l’efficacité des réactions chimiques et donc en réduisant la consommation d’énergie.
Elle est devenue une discipline clé pour le développement de nouveaux matériaux et de procédés industriels. Et à ce titre, elle suscite de l’intérêt dans l’aéronautique.
Airbus en est aujourd’hui un bon exemple. L’avionneur européen cherche à exploiter le potentiel de la biocatalyse pour optimiser certaines étapes de ses procédés industriels et réduire leur empreinte environnementale.
Fondée en 2019, Quantistry doit lui apporter son expertise en simulations moléculaires pour modéliser ces réactions à l’échelle atomique et accélérer ainsi l’identification des solutions les plus viables.
La start-up de 15 employés revendique à ce jour 100 millions de simulations quantiques.
Quantistry, spécialiste des simulations chimiques et des matériaux
Fondée à Berlin, Quantistry propose une plateforme cloud qui combine IA, calcul quantique et modélisation multi-échelle.
La modélisation multi-échelle consiste à analyser un phénomène à différents niveaux de détail, en passant de l’échelle atomique à celle du matériau ou du système complet. Cette approche permet de mieux comprendre comment des réactions chimiques microscopiques influencent les propriétés et le comportement d’un matériau à grande échelle.
Ses technologies sont déjà utilisées dans plusieurs secteurs comme la chimie, les batteries et la biotechnologie.
David Cesar Malaspina, chimiste computationnel chez Quantistry, se montre particulièrement optimiste. « Ce projet très ambitieux va nous permettre d’exploiter l’ensemble de notre expertise en simulations multi-échelles atomistiques », a-t-il déclaré lors de l’annonce du partenariat.
Une combinaison de plusieurs techniques de chimie computationnelle
Le projet mobilisera plusieurs méthodes de calcul et d’analyse du domaine de la chimie computationnelle – une discipline qui mélange physique, mathématique et chimie pour simuler le comportement des molécules.
Elle combinera par exemple la chimie quantique (qui applique les principes de la mécanique quantique aux systèmes physiques des molécules) et les techniques dites de « docking moléculaire » – couramment utilisées en biotechnologie et qui anticipent les interactions entre les molécules et leurs cibles.
L’équipe de recherche s’appuiera également sur des simulations de dynamique moléculaire, qui observent en temps réel l’évolution des systèmes à l’échelle atomique.
Ces modélisations – qui s’assimilent à des tests virtuels de réactions chimiques – promettent de réduire le besoin d’expérimentation physique, tout en améliorant la précision et la vitesse des analyses.
Côté IA, des algorithmes de Machine Learning (ML) entraînés sur de grandes bases de données de réactions chimiques affineront les prédictions sur les comportements des molécules.
Airbus espère que le mélange de ces technologies lui permettra d’explorer plus rapidement des pistes d’innovation en matière de procédés chimiques et de conception de matériaux.
Le quantique pour accélérer la biocatalyse dans l’aéronautique
Ce projet illustre en creux la volonté du constructeur aérien de diversifier ses axes de recherche en intégrant de nouvelles approches computationnelles.
« Un simulateur quantique est un cas spécifique de processeur quantique qui utilise des systèmes physiques quantiques pour simuler des systèmes physiques complexes. »
Eleni DiamantiDirectrice de recherche au LIP6
Plus largement, ce projet tend à monter que certaines formes d’informatique quantique (notamment la simulation) ne sont plus seulement des outils de recherche fondamentale, mais qu’elles commencent à trouver des applications concrètes dans des secteurs technologiques et industriels.
Pour mémoire, il existe une différence significative entre un processus quantique pour le calcul et les simulateurs quantiques.
Un processeur quantique « classique » est un dispositif qui effectue des opérations mathématiques en s’appuyant sur les propriétés des particules à l’échelle quantique.
Un simulateur quantique est un autre type de processeur quantique (un processeur quantique « analogue »). Sa finalité est différente. « C’est un cas spécifique de processeur quantique », explique Eleni Diamanti, directrice de recherche au LIP6 (CNRS et Sorbonne Université). « C’est un dispositif réellement quantique [qui] utilise des systèmes physiques quantiques pour simuler des systèmes physiques complexes », différencie-t-elle pour LeMagIT.
La simulation quantique pourrait donc être un vrai booster de cet accélérateur qu’est la biocatalyse.
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