Empreinte écologique de l’IA générative : Capgemini tire la sonnette d’alarme
Une étude du Capgemini Research Institute alerte les entreprises sur l’impact environnemental de l’intelligence artificielle générative. Peu d’entre elles le quantifieraient et prendraient des mesures pour le limiter. Pourtant, des leviers d’actions existent, rappelle l’ESN.
Capgemini appelle à la prise de conscience. L’IA générative (GenAI) pose un défi environnemental majeur.
D’après son rapport « Developing Sustainable Gen AI », près de la moitié des dirigeants (48 %) qui utilisent la GenAI constateraient une hausse de leurs émissions de gaz à effet de serre (GES). Pourtant, à peine 12 % des entreprises mesureraient réellement leur empreinte environnementale liée à l’IA.
Mais quand elles la mesurent, les entreprises anticipent que la part de leurs émissions liées à cet usage par rapport à leurs émissions totales augmentera, en moyenne, de 2,6 % à 4,8 % au cours des deux prochaines années.
Peut-être plus préoccupant, Capgemini constate que moins de la moitié des cadres supérieurs interrogés (38 %) disent être conscients de cet impact écologique.
Les organisations seraient donc encore assez faiblement sensibilisées à l’impact énergétique des modèles d’IA générative. Conséquence, la performance et le coût – en tout cas le coût perçu initialement, puisque la consommation énergétique et le prix sont liés à moyen terme – restent les critères dominants de sélection.
Plus précisément, à peine un cinquième des dirigeants intégreraient la durabilité dans leurs cinq critères principaux lors de la sélection d’un fournisseur d’IA. Ce qui en fait un des moins considérés, si ce n’est le moins considéré, lors du processus d’achat.
Un manque de transparence des fournisseurs d’IA
Mais les responsables n’intègrent-ils pas cette dimension parce qu’ils s’en moquent, ou parce qu’ils n’ont pas d’information ?
Capgemini ne tranche pas la question. Mais l’ESN française pointe du doigt un autre facteur : la difficulté à quantifier cet impact.
Près de 75 % des organisations qui utilisent l’IA générative s’appuient sur des modèles développés par des acteurs tiers (OpenAI, Anthropic, DeepSeek, etc.), contre seulement 4 % qui conçoivent leurs propres modèles.
Or ces fournisseurs – qui ont pris en charge l’entraînement et sélectionné les jeux de données – manqueraient cruellement de transparence sur leurs infrastructures et sur leur consommation énergétique, dénonce Capgemini.
Des pistes pour réduire l’empreinte environnementale
Tout n’est cependant pas perdu. Il existe des pistes pour réduire l’empreinte des LLM, aussi bien lors de l’entraînement que lors de l’inférence.
Le rapport de Capgemini propose plusieurs leviers d’action. Le premier d’entre eux – qui semble de plus en plus faire consensus – consiste à évaluer en amont, pour chaque cas d’usage, la pertinence de l’IA générative par rapport à des alternatives plus sobres (NLP, ML, etc.). En résumé : limiter (le plus possible) le recours à la GenAI aux cas où elle excelle vraiment.
Une autre piste est d’utiliser des modèles plus petits et plus spécialisés – avec la promesse d’un coût écologique inférieur pour une performance a minima équivalente sur des domaines spécifiques.
Les leviers d’action et leurs applications réelles selon Capgemini Research Institute
Cette piste semble déjà faire son chemin. Plus de la moitié des entreprises interrogées par Capgemini utiliseraient – ou prévoiraient – d’utiliser ces Small Language Models (ou SML) spécialisés par opposition aux grands modèles de langage (Large Language Models) généralistes, tout en sélectionnant des infrastructures (des centres de données) alimentées par des sources d’énergie renouvelables ou non carbonées.
Le rapport de Capgemini Research Institute explore également les pistes du hardware (avec des GPU plus efficients), des données de meilleure qualité pour l’entraînement ou le fine-tuning, ou encore l’architecture des modèles eux-mêmes (mixture of experts, techniques de quantification, etc.).
La GenAI au service de « l’IT for Good »
Il y a le GreenIT (limiter l’empreinte de l’IT) et la Tech for Good (utiliser l’IT pour réduire l’empreinte d’autres domaines). L’intelligence artificielle dans son ensemble fait à la fois partie du problème et de la solution de la lutte contre le réchauffement climatique. L’IA générative ne fait pas exception.
Le rapport de Capgemini évalue qu’un tiers des entreprises disent qu’elles l’exploiteraient déjà pour le suivi de leurs indicateurs ESG, pour la conception de nouveaux matériaux industriels ou pour la création de nouveaux produits plus durables.
Mais Capgemini appelle à la prudence. L’ESN estime que ces bénéfices de « l’IA for Good » restent très difficiles à mesurer en raison du manque de suivi précis de l’empreinte écologique de l’IA par les entreprises.
Le levier de la gouvernance
Enfin, pour Capgemini, l’une des clés d’une IA générative plus responsable repose sur une gouvernance « multidisciplinaire ».
« L’ensemble du marché doit collaborer [et] élaborer des normes sur la façon de mesurer l’empreinte environnementale de l’IA. »
Cyril GarciaResponsable mondial des offres Sustainability et RSE, Capgemini
Près de deux tiers des dirigeants confirmeraient que l’instauration de garde-fous et de ce type de gouvernance permettrait d’atténuer efficacement l’impact environnemental de ces technologies.
En 2023, 6 % des organisations avaient intégré l’IA générative dans leurs activités. En 2024 elles sont 24 %, rappelle Capgemini. La mise en place d’une méthodologie commune pour mesurer l’empreinte de la GenAI pourrait par conséquent devenir un passage obligé dans les mois qui viennent, au même titre que les normes ESG qui s’appliquent dans d’autres secteurs que l’IT.
« L’ensemble du marché doit ouvrir la discussion sur la collaboration autour des données, en élaborant des normes sur la façon dont nous mesurons l’empreinte environnementale de l’IA », plaide Cyril Garcia, responsable mondial des offres Sustainability et RSE de l’ESN.
Le rapport a interrogé 2 000 cadres (un tiers IT, un tiers innovation, un tiers opérationnels et métiers) qui travaillent dans des entreprises utilisant déjà l’IA générative et dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 1 milliard de dollars. Ces entreprises étaient issues de 15 pays (dont la France et le Canada) et de 12 secteurs.
L’intelligence artificielle progresse. Son empreinte environnementale aussi. Pour mieux l’analyser, l’École normale supérieure vient de créer un observatoire avec Capgemini. Le but est de quantifier cet impact avec des données fiables et de proposer des pistes pour limiter les effets de plus en plus marqués de ces technologies sur la planète.
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