Cet article fait partie de notre guide: Guide pour améliorer ses critères ESG grâce à l’IT

Réussir son projet ESG grâce à l’IA et à la donnée

Les réglementations imposent aux entreprises de plus communiquer sur leurs activités polluantes et d’en réduire les effets. Le fondateur du spécialiste DreamQuark, Nicolas Méric explique pourquoi l’Intelligence Artificielle et la donnée sont deux pièces maîtresses de ces stratégies ESG/RSE à mettre en place.

Les consommateurs sont de plus en conscients et préoccupés par le changement climatique et les externalités négatives des entreprises sur le climat et la biodiversité. Les dirigeants constatent des changements dans leurs comportements d’achat. Prendre en compte ces effets négatifs sur le climat, les diminuer, et communiquer sur ces performances extrafinancières est donc aussi un moyen, pour eux, de se différencier.

Devenir « vertueux » est par ailleurs un facteur d’attractivité et de rétention des talents, et un vecteur de performance dans les secteurs où la demande pour certaines compétences est supérieure à l’offre.

À cela s’ajoute l’exigence renforcée des régulateurs – du fait de la pression de l’opinion publique, de leurs sensibilités propres, ou de la compréhension pragmatique qu’ils ont du fait qu’il est nécessaire de contrôler les effets néfastes des activités économiques.

Cette nouvelle réalité impose de mettre en place des projets de recueil, d’agrégation et de reporting des données ESG (environnement, social et gouvernance) – ou RSE (Responsabilité Sociale et Environnementale des Entreprises) – dans lesquels l’intelligence artificielle a toute sa place. Les entreprises doivent se doter de nouveaux outils pour mesurer leur impact, communiquer et tirer un bénéfice commercial de l’utilisation de ces données (au travers de la conception de nouveaux produits plus vertueux et d’un meilleur ciblage de leur commercialisation).

Un cadre réglementaire ESG très riche, et de plus en plus contraignant

Depuis les accords de Paris en 2015, un nombre grandissant de réglementations sont entrées en vigueur – ou ont été annoncées – dans le but de diriger les politiques publiques et les stratégies des entreprises vers des trajectoires bas-carbone, compatibles avec les priorités environnementales et sociales.

Dans de nombreux secteurs (énergie, bâtiment, transports, textile ou encore financier), ces réglementations imposent des normes et des obligations de reporting de plus en plus contraignantes. Ces textes doivent conduire les producteurs à concevoir des produits plus « verts » et plus respectueux du bien-être des salariés. Quant aux distributeurs, ils sont « invités » à mieux communiquer sur l’impact des produits et services qu’ils distribuent.

L’Union européenne a ainsi adopté en juillet 2021 un ensemble de propositions, appelé « Fit for 55 », qui vise au – travers de l’outil réglementaire – à réduire de 55 % d’ici 2030 les émissions de gaz à effet de serre du Vieux Continent, par rapport au niveau de 1990. S’y ajoute une série d’objectifs sectoriels et nationaux contraignants, ainsi qu’un prix du carbone pour accroître le prix des produits en fonction de leurs émissions de carbone.

En France, le décret d’application de l’article 29 de la loi énergie-climat a été publié au journal officiel en mai 2021. Il complète le droit européen dans 3 domaines : le climat, la biodiversité et la prise en compte des facteurs ESG dans la gestion des risques et la gouvernance des institutions financières.

Cet article complète par ailleurs l’article 173-VI de la Loi Transition Énergétique pour la Croissance Verte qui imposait déjà la prise en compte des critères ESG dans les politiques d’investissement et les procédures de gestion des risques.

Concrètement, il amène les entreprises à se fixer des objectifs chiffrés, en cohérence avec les objectifs internationaux de préservation de la biodiversité. Il amène à avoir des objectifs quantitatifs de réduction des gaz à effet de serre et à l’alignement des encours sur les activités durables de la Taxonomie européenne et sur les activités liées aux énergies fossiles. Enfin, il impose les critères ESG dans les dispositifs de gestion de risque ou la gouvernance des produits et des entreprises.

À cela s’ajoute une évolution de la réglementation financière MIFID 2, qui impose désormais que les caractéristiques ESG des fonds et des entreprises dans lesquelles ils investissent soient prises en compte au moment de conseiller des investissements, ou pour gérer les actifs. En clair, les acteurs financiers devront informer leurs clients sur l’impact de la soutenabilité de leurs actifs sur leur performance financière, ainsi que sur les conséquences de leurs décisions d’investissement sur la soutenabilité.

Ces réglementations introduisent par ailleurs de nouveaux standards et des outils pour donner un cadre de référence. Le but est de faciliter la communication et la compréhension des données et des indicateurs produits et limiter ainsi les effets du « greenwashing ».

Depuis la réglementation dite « disclosure » en 2019, l’Europe a établi des indicateurs standards de mesure. Ceux-ci doivent permettre aux entreprises de faire un état des lieux par rapport aux différents critères ESG et d’en mesurer l’écart par rapport aux objectifs communiqués à atteindre.

Par exemple une société d’investissement qui désire se fixer des objectifs de réduction d’émission de CO2 pourra les mesurer dans le détail par rapport aux trois piliers de mesure (scope 1, 2 and 3). Elle pourra aussi mesurer son exposition par rapport au secteur de la production de pétrole (mesuré en part de ses investissements dans l’industrie du pétrole). Si elle veut réduire son impact sur la diversité, elle pourra ainsi réduire sa part d’investissement dans des entreprises dont les opérations sont sur la liste rouge de l’IUCN.

Des indicateurs sociaux sont aussi établis tels que la différence de paie entre homme et femme, ou encore la présence de politique de protection des lanceurs d’alertes.

Émergence de taxonomies, l’exemple de l’Europe

À ces indicateurs sont associées par ailleurs des classifications (taxonomies) pour définir par exemple ce qu’est un investissement vert.

À date l’Union européenne a publié sa taxonomie verte pour le secteur financier, et un projet de taxonomie sociale pour le secteur financier est en préparation (une ébauche a été présentée en juillet 2021).

D’après cette taxonomie, un investissement est considéré comme « vert » s’il aide à atteindre un des six premiers objectifs ci-dessous, tandis qu’un investissement est « social » s’il est vert et qu’il permet d’atteindre un des cinq objectifs suivants.

  1. Réduction du changement climatique
  2. Adaptation au changement climatique
  3. Développement de l’économie circulaire
  4. Réduction de la production
  5. Réduction de la consommation en eau
  6. Préservation de la biodiversité

 

  1. Améliorer l’accessibilité des produits et services pour les besoins humains de base
  2. Aider à la lutte contre le chômage
  3. Améliorer le bien-être des salariés
  4. Améliorer le bien-être des usagers
  5. Améliorer le bien-être des communautés

S’adapter à ces évolutions grâce à la donnée

Par nature, un projet ESG devient un projet transverse. Il implique la conformité, la gestion des risques, les équipes de conception et de gouvernance des produits, les équipes commerciales et marketing, et le reporting financier. Sans oublier les équipes chargées de la donnée qui doivent acquérir, structurer et agréger les données utilisées par ces différentes fonctions.

Il ne sera de toute façon possible d’améliorer sa performance – au regard de ces indicateurs, et de suivre les trajectoires fixées par les régulateurs – que si l’ensemble des activités de l’entreprise sont vertueuses du point de vue de ces indicateurs ESG.

La stratégie ESG – bien que désormais encadrée par un cadre réglementaire strict – ne doit pas être vue seulement comme une contrainte, car elle peut aussi devenir un levier de croissance.

11 bonnes pratiques pour mener une politique ESG

Pour s’adapter à ce nouvel environnement réglementaire, les entreprises pionnières ont adopté un certain nombre de bonnes pratiques pour réussir leur transformation… Car, après tout, c’est un projet de transformation.

En voici 11 parmi les plus importantes.

1) Définissez une stratégie ESG (quels axes doivent être priorisés) et ce que cela signifie en termes de conception de produits, de distribution, de revue des pratiques internes, de reporting, de communication.

2) Établissez une gouvernance : définissez quelles personnes auront la responsabilité de porter ces initiatives et qui sera impacté (clients, équipes de développement produit, équipes commerciales).

Adoptez les outils pour supporter cette gouvernance (dashboarding, outils de reporting, outils de mesure et de suivi, etc.)

3) Identifiez les indicateurs ESG qui comptent, en vous appuyant sur les réglementations en cours d’élaboration, comme la directive « disclosure » ou les fournisseurs d’indicateurs.

Il faut commencer par le commencement. Il faut impérativement se mettre en capacité de mesurer ces indicateurs (de permettre une mesure régulière et facilitée de ces indicateurs).

Partagez ces indicateurs en interne, en toute transparence, pour que chacun se les approprie et comprenne comment ses actions peuvent aider à améliorer ces indicateurs.

Faites preuve de pédagogie.

Identifiez les objectifs d’amélioration de ces indicateurs (« science based target »). Vous pouvez vous appuyer sur des initiatives comme « Ambitious corporate climate action - Science Based Targets ».

En particulier, les accords de Paris imposent de se fixer un objectif quantitatif à horizon 2030 (puis tous les 5 ans, jusqu’en 2050) sur l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre, et d’estimer l’impact que cela a sur l’augmentation de la température terrestre (« la conception et la production de mes produits contribuent à augmenter la température de l’ordre de x° ») ou sur le volume total d’émission de gaz à effet de serre. Il est donc nécessaire de définir une méthodologie et la décrire précisément pour pouvoir communiquer en transparence sur celle-ci.

Adoptez les taxonomies existantes, et concevez-en de nouvelles si besoin. Il faut avoir un langage commun. Identifiez les activités qui sont déjà alignées avec ces taxonomies, et priorisez les activités qui ne le sont pas, pour maximiser votre impact.

4) Identifiez les actions qui peuvent aider à atteindre ces objectifs d’amélioration. Lancez des initiatives et appuyez-vous sur celles de vos collaborateurs.

Reliez-les à votre stratégie pour améliorer ces indicateurs.

Priorisez celles qui sont alignées avec votre stratégie

5) Identifiez les données qui existent déjà pour faire ces mesures.

Demandez-vous comment elles sont stockées ou mises à disposition ? Si ce sont des données internes (données sur les émissions de CO2 associées à votre chaîne de production, de votre supply chain) ou des données externes (données des fournisseurs, d’approvisionnement et/ou de distribution) ?

Identifiez quelles données manquent et commencez leur acquisition.

Appuyez-vous sur des données tierces et de l’open-data pour mesurer vos externalités (trajets en avion, en train, flotte automobile, données sur vos investissements, sur les émissions et l’impact des produits de consommation courante, etc.).

Travaillez avec vos partenaires (en les accompagnant éventuellement) pour obtenir des données sur leurs produits et les indicateurs que vous souhaitez mesurer.

Désilotez la donnée et centralisez là pour soutenir le développement de vos différents projets.

6) Utilisez les Data Hub ESG. Un certain nombre de ces « hubs » voient le jour pour faciliter l’usage et le partage de ces données, comme l’ESG Data Hub du Nasdaq. En parallèle les fournisseurs de données donnent accès à ces données via des APIs (comme Sustainalytics).

De nouveaux fournisseurs (comme EcoAct du groupe Atos) développent des indicateurs conformes aux nouvelles taxonomies et des indicateurs basés sur la science et les réglementations.

7) Structurez la donnée qui ne l’est pas. Pour cela, appuyez-vous sur des technologies de traitement du langage naturel pour, par exemple, extraire des informations dans des rapports produits par vos partenaires.

8) N’oubliez pas la standardisation et la qualité de la donnée ESG. Les différents fournisseurs de données ne mesurent pas les indicateurs de la même façon (ou n’ont pas les mêmes définitions). En particulier les indicateurs sociaux et de gouvernance sont plus dispersés que ceux sur le climat. Appuyez-vous sur plusieurs fournisseurs et identifiez ceux qui sont le plus adaptés à vos enjeux prioritaires.

9) Mettez cette donnée à disposition (interne et externe : employés, clients, actionnaires, investisseurs, fournisseurs, partenaires, etc.) et fournissez des outils pour que chacun puisse l’utiliser, mais aussi l’améliorer. Mettez en place des projets d’amélioration de la qualité de la donnée.

10) Explorez la donnée pour comprendre comment vos produits, votre chaîne de production et d’approvisionnement ou encore votre distribution et vos pratiques internes contribuent à une plus grande durabilité, ou au contraire ont un impact négatif. Identifiez les points qui doivent être modifiés pour répondre à l’objectif « Do not significantly harm ».

Utilisez cette donnée pour identifier comment vous pourriez aider vos clients à atteindre leurs objectifs en lien avec les indicateurs ESG au travers de vos produits ou de vos services.

11) Accélérez l’atteinte de vos objectifs (et de ceux de vos clients) avec de l’IA.

L’IA est un formidable outil d’optimisation pour identifier de nouvelles façons de produire en réduisant son impact environnemental, pour optimiser un portefeuille d’investissement par rapport à un objectif de réduction de certains indicateurs environnementaux ou sociaux, ou encore pour optimiser le fonctionnement d’un data center pour en réduire l’impact.

L’intelligence artificielle peut aussi accélérer l’identification des données associées à un indicateur, ou extraire les informations de certains documents dans des formats variés, ou encore analyser des données satellitaires pour suivre des indicateurs environnementaux précis.

Par ailleurs l’IA peut – comme chez DreamQuark (et en partenariat avec Atos et Ecoact) – aider les gestionnaires de patrimoine et les assureurs vie à cibler les investisseurs qui ont une réelle appétence pour les problématiques ESG et qui ont des objectifs d’impact ou des attentes face à ces enjeux.

Bref, l’Intelligence artificielle peut aider à atteindre des objectifs ESG de bien des manières.

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