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L’IA, un vrai risque pour l’emploi (ONU)

L’Organisation des Nations Unies met en garde contre une transformation radicale du tissu économique et social mondial. En cause : l’intelligence artificielle, qui pourrait détruire plus d’emplois qu’elle n’en crée, accroître la polarisation des métiers au sein des pays, et creuser les inégalités entre pays.

Pour l’ONU, la diffusion massive de l’IA dans l’économie pourrait entraîner une perte nette d’emplois, faute de créations de postes suffisantes dans les nouveaux secteurs liés à la technologie. Son Technology and innovation report 2025 s’inquiète aussi d’un accroissement des écarts de salaires, en particulier au sein des pays développés comme la France.

Ces pays seraient parmi les plus exposés aux premières vagues d’automatisation du fait qu’une part importante de leurs populations travaillent dans des fonctions managériales ou professionnelles – celles-là mêmes qui sont précisément les plus susceptibles d’être augmentées ou remplacées par l’IA.

Des pertes d’emploi pourraient également frapper les métiers administratifs ou techniques, prévient l’ONU.

Un risque d’inégalités et de polarisation des emplois

Près de la moitié des métiers qui pourraient théoriquement bénéficier de l’IA se heurtent en réalité à des barrières numériques, déplore le rapport.

Autre alerte : l’automatisation pourrait accentuer les inégalités entre les sexes. « La proportion d’emplois occupés par des femmes et exposés à l’automatisation peut être jusqu’à deux fois plus élevée que celle des hommes », souligne l’ONU.

« La proportion d’emplois occupés par des femmes exposée à l’automatisation peut être jusqu’à deux fois plus élevée que celle des hommes. »
ONU

L’organisation internationale évoque par ailleurs un écart d’accès aux compétences numériques et aux technologies de l’information entre hommes et femmes encore important.

Plus largement, l’IA doit – en théorie – augmenter la productivité en complétant le travail humain. Mais si elle est abordée avec une approche qui vise uniquement à remplacer ce dernier, alors l’effet global pourrait être contre-productif, alerte l’ONU, qui évoque des données récentes de l’OCDE pour appuyer son propos.

« Si l’IA est avant tout pensée comme une technologie de substitution du travail, la baisse de l’emploi dans les secteurs les plus “IA-intensifs” [N.D.R. : où l’IA est massivement utilisée pour automatiser des tâches] pourrait à plus long terme réduire les gains économiques de productivité [globale] », indique le rapport.

Concrètement, l’automatisation grâce à l’IA augmentera la productivité dans certains secteurs, mais si elle provoque un chômage structurel, ou pousse massivement les employés vers des emplois moins productifs et moins qualifiés, le solde global de productivité pour l’économie sera négatif.

Un risque direct est une polarisation encore plus grande du marché du travail et des inégalités de revenus.

Recommandations de l’ONU

Pour limiter ces effets, l’ONU recommande de promouvoir les usages dits « complémentaires », c’est-à-dire ceux qui « augmentent » le travail humain au lieu de le remplacer.

Un des leviers d’action est une politique d’investissements publics ciblés : financement de la recherche et développement, incitations fiscales, politique d’achat public orientée.

Investir dans la formation et le développement de nouvelles compétences est essentiel pour faciliter la transition des travailleurs vers des emplois de qualité, précise le rapport.

Par ailleurs, « proposer des parcours professionnels clairs et attractifs peut aider à retenir les talents [dans les secteurs en mutation] », recommande l’ONU.

L’IA, un facteur de domination géopolitique

D’un point de vue géopolitique, sans surprise, les États-Unis dominent de la tête et des épaules.

Le pays abrite la majorité des grands fabricants de semi-conducteurs, possède un tiers des 500 supercalculateurs les plus puissants du monde, et concentre plus de la moitié des capacités de calcul globales (selon le classement TOP500 de 2024).

La Chine, deuxième du classement, dispose certes de 80 supercalculateurs, mais leurs puissances cumulées restent inférieures à un dixième de celle des États-Unis.

À l’opposé, les pays en voie de développement ne disposent que de capacités très limitées en matière d’IA, tant du point de vue des infrastructures que du matériel. Ce déséquilibre pose des questions de souveraineté numérique, alors même que ces technologies seront déterminantes pour atteindre leurs objectifs nationaux de développement.

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