Processeurs : l’européen SiPearl étoffe son catalogue avec l’Athena1

Après le Rhea1 qui devrait arriver dans les supercalculateurs en 2026, l’Athena1, prévu pour 2027, sera une version sans mémoire HBM pour mettre les applications plus traditionnelles des secteurs critiques à l’abri de la dépendance américaine.

En attendant la disponibilité du Rhea1, le premier processeur de supercalcul européen, son concepteur français SiPearl annonce déjà qu’il le déclinera d’ici à deux ans en une version allégée, sans mémoire HBM embarquée, baptisée Athena1.

Cette version se destine à exécuter des applications moins intensives en calcul mais tout autant critiques : dans la défense, dans les communications gouvernementales ou encore dans l’aérospatial. Athena1 sera en effet doté des mêmes caractéristiques que le Rhea1 en matière de chiffrement temps réel et d’exécution massivement parallèle.

« Dans un contexte géopolitique incertain, marqué par l’augmentation des problèmes de cybersécurité et des conflits armés, la souveraineté technologique de l’Europe est plus que jamais indissociable d’un matériel souverain. Il était donc naturel pour SiPearl de capitaliser sur l’expertise développée par ses équipes de R&D pour le calcul haute performance, afin de créer une déclinaison de notre premier microprocesseur qui réponde parfaitement aux besoins des applications duales [qui peuvent servir aussi bien dans le civil que dans le militaire, N.D.R] », déclare Philippe Notton, le PDG de SiPearl.

La puce sera dotée des mêmes cœurs ARM Neoverse V1 que sa grande sœur, dans des configurations similaires : en 16, 32, 48, 64 ou 80 cœurs, avec un bus 256 bits vers la mémoire DDR5 et 104 voies PCIe 5.0.

En fait, il s’agirait a priori exactement d’un Rhea1, mais amputé des quatre modules de mémoire HBM2E que celui-ci intègre. Il est probable qu’il s’agisse d’une économie d’échelle : TSMC graverait indifféremment des mêmes lots de circuits pour SiPearl, mais seuls certains seraient in fine packagés dans une puce avec des circuits HBM. Pour sa part, le Rhea1 devrait arriver dans les premiers serveurs de calcul dans le courant de l’année 2026.

Commercialiser des processeurs non américains, le vrai défi

Attendu depuis plusieurs années, sans que ses caractéristiques techniques n’aient entretemps évolué, le Rhea1 devrait au final se présenter comme un processeur économiquement intéressant. Sa gravure en 7nm étant éprouvée depuis 2019 chez TSMC et ses cœurs Neoverse V1 étant connus depuis 2020, la puce devrait immédiatement se targuer d’être fiable. Prix et fiabilité étant sans doute nécessaires pour inciter des entreprises à se baser pour la première fois sur une puce européenne.

À date, on ignore si le seul fait d’être européennes suffira à garantir un succès commercial aux puces de SiPearl. Cependant, force est de constater que d’autres puissances économiques travaillent à ne plus dépendre de processeurs américains, systématiquement dans le but affiché de gagner une indépendance stratégique. En Chine, Huawei a mis au point la famille de puces Kunpeng, qui équipe ses serveurs depuis 2019. Au Japon, Fujitsu lancera d’ici à 2027 le processeur Monaka. Tous ces processeurs sont basés sur des cœurs ARM 64 bits, comme ceux de SiPearl.

Pour l’heure, ni l’Europe ni le Japon ne souffrent d’un embargo américain sur les puces les plus puissantes. Mais le risque qu’ils finissent par subir les mêmes interdictions que la Chine existe. L’administration Biden avait déjà mis en place un système de quotas qui conditionne la réexportation de systèmes européens basés sur des puces américaines à une demande d’autorisation auprès de Washington. Celai contraint par exemple énormément le secteur de l’armement en France, au bénéfice des fournisseurs américains.

Désormais, plane aussi sur tous les pays la menace du Gain AI Act, un projet de loi qui vise à interdire purement et simplement l’exportation de puces américaines au-delà d’un plafond de puissance largement obsolète.

Pour approfondir sur Processeurs et composants