Supercalculateurs : l’Allemagne atteint 1 ExaFLOPS, la France arrive
Le supercalculateur Jupiter Booster qu’Eviden a construit pour l’Allemagne fonctionne désormais à pleine vitesse et se classe 4e dans le dernier palmarès Top500. Eviden prévoit maintenant d’en construire un autre pour le CEA, en France.
Le dernier palmarès semestriel des ordinateurs les plus puissants de la planète est paru. L’information la plus notable de cette 66e édition du Top500 est qu’il y a désormais quatre supercalculateurs sur la planète capables de franchir le seuil du milliard de milliards d’opérations mathématiques à la seconde (ExaFLOPS). Surtout, l’un d’eux est le Jupiter Booster, une machine européenne, installée au centre EuroHPC de Jülich, en Allemagne, et construite par le français Eviden.
Contrairement aux trois premiers supercalculateurs du classement – les américains El Capitan, Frontier et Aurora, tous basés sur des processeurs x86 et fabriqués par HPE – Jupiter Booster repose sur la double puce GH200 à 3 GHz de Nvidia. Celle-ci comprend à la fois un processeur ARM Grace de 72 cœurs doté de 480 Go de mémoire LPDDR5X, ainsi qu’un GPU H200 doté, lui, de 144 Go de mémoire HBM3e. Jupiter Booster comprend environ 66700 exemplaires de ces puces pour atteindre une puissance d’exactement 1 ExaFLOPS. Sa consommation est de 15,8 mégawattheures.
Il est notable que Jupiter Booster est entré en production plus tôt cette année et figurait déjà au palmarès Top500 de juin dernier, mais avec un score de seulement 793 PetaFLOPS et une consommation de 13,1 MWh. En réalité, la machine était alors en rodage et ne fonctionnait pas encore à sa vitesse de croisière.
El Capitan possède 472 500 puces hybrides AMD MI300A à 1,8 GHz, qui comprennent à la fois un processeur Epyc de 24 cœurs Zen4 et un GPU MI300X pour un score de performances de 1,8 ExaFlops et une consommation de 29 MW.
Frontier a 141 659 processeurs AMD Epyc 9003 de 64 cœurs Zen3 à 2 GHz et des cartes GPU MI250X d’AMD. Son score de performances est de 1,35 ExaFLOPS et sa consommation de 24,6 MW.
Aurora, enfin, a 178 156 processeurs Intel Xeon Max de 52 cœurs et 64 Go de mémoire HBM à 2,4 GHz, ainsi que des GPU Max du même Intel. Son score de performances est de 1,01 ExaFLOPS et sa consommation de 38,7 MW.
Bientôt un supercalculateur Exascale en France
La prochaine grande étape dans les supercalculateurs devrait être la mise en production d’Alice Recoque, une machine qui dépassera elle aussi le seuil de l’ExaFLOPS et qui sera installée en France, au CEA. Elle sera construite par Eviden sur la base des futurs processeurs Epyc 9006 d’AMD (nom de code Venice). Ce processeur pourrait intégrer jusqu’à 256 cœurs. Alice Recoque intégrera aussi des GPU MI430X d’AMD. Ce modèle de GPU n’existe pas encore au catalogue d’AMD, mais il s’agirait essentiellement d’une déclinaison du MI450X dotée de 432 Go de mémoire HBM4.
On ne sait pas encore combien de processeurs et de GPU Alice Recoque contiendra, mais Eviden indique que la machine tiendra dans 94 baies racks, soit environ 25% de moins que les autres machines dites Exascale (qui atteignent le seuil de 1 ExaFLOPS). Les briques de calcul qui composeront la machine seront les nouveaux serveurs BullSequana XH3500, successeurs des BullSequana XH3000. Comme à son habitude, Eviden ne partage pas plus de détails.
Eviden annonce aussi que ce supercalculateur devrait être équipé de modules de calcul supplémentaires reposant sur le processeur ARM européen Rhea2 de SiPearl.
La date de mise en production d’Alice Recoque n’est pas clairement communiquée. Elle pourrait se situer aux alentours de la rentrée 2026.
Rappelons que l’intérêt particulier des supercalculateurs de HPE et d’Eviden par rapport à des serveurs traditionnels réside dans la très forte bande passante entre les nœuds de calcul. HPE utilise son réseau propriétaire Slingshot-11 qui se présente sous la forme de switches verticaux directement insérés à l’arrière des nœuds de calcul horizontaux via 64 ports en 200 Gbit/s.
Chez Eviden, la communication entre les nœuds passe par un composant BXI (en réalité, un FPGA d’AMD reprogrammé par Eviden) qui permet d’unifier la mémoire de plusieurs nœuds de calcul en les reliant via deux connecteurs de 400 Gbit/s chacun, pour l’actuelle version 3.
Alice Recoque
Le nom du prochain supercalculateur du CEA est un hommage à l’informaticienne française Alice Recoque (1929-2021) qui avait conçu l’architecture des premiers mini-ordinateurs français CAB500 (années 60) puis Mitra15 (années 70) chez les fabricants SEA et CII, ancêtres du fabricant Bull, lequel deviendra Eviden après son rachat par Atos en 2014.
Dans les années 80, Alice Recoque a développé chez Bull les architectures multiprocesseurs puis y a occupé le poste de directrice de mission pour l’Intelligence artificielle (années 80). En étroite collaboration avec l’INRIA, elle a mis au point, toujours pour Bull, plusieurs technologies de programmation pour l’interprétation du langage naturel. Alice Recoque a aussi participé à la création de CNIL.
Outre ses contributions très importantes pour l’informatique française, Alice Recoque incarne depuis sa mort le symbole des ingénieures européennes injustement invibilisées parce que femmes.
