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Big Data et ressources humaines, attention aux dérives
Le Big Data présente des avantages appréciables pour les ressources humaines, notamment en anticipation et en support à la stratégie de l'entreprise. Mais attention aux risques de surveillance massive ou de délégation de la décision à « la machine ». C'est ce qui ressort du débat organisé par l'éditeur Cornerstone OnDemand sur le thème « Big data RH : sommes-nous en train de confier les clefs de la maison à la machine ? ».
Qu'apporte le Big Data aux directions des ressources humaines (DRH) ? Beaucoup de choses, plutôt positives. Mais ce type d'analyses présente aussi des risques et des inconvénients s'il est manipulé sans précautions. « En matière d'analyses de données, les RH sont plutôt en retard par rapport à la finance ou au marketing », remarque Geoffroy de Lestrange, directeur marketing Europe de Cornerstone OnDemand, éditeur de solutions dédiées aux RH. « Or, le Big Data est un élément de l'ensemble logique qui permet de prendre de meilleures décisions ».
Dans le contexte tendu à la fois pour l'emploi, le recrutement et la fidélisation des collaborateurs, « le Big Data aide le service RH de l'entreprise à comprendre ce qui se passe pour anticiper les futurs besoins et il favorise le dialogue avec la direction générale », ajoute Geoffroy de Lestrange. En analysant les importants volumes de données dont elles disposent sur les employés, les DRH peuvent anticiper les besoins de profils ou de formation, ou identifier les compétences en interne en cas de création d'une nouvelle filiale, de lancement d'un nouveau produit ou d'un plan de succession.
S'approprier les outils
Pour faire bon usage de ces analyses de données, « il faut sortir de nos schémas de pensée et identifier les variables pertinentes. Il faut aussi expliquer et faire de la pédagogie », prévient François Geuze, consultant en informatique et RH. Si les algorithmes ou les règles de prise de décision ne sont pas connus, le risque est de faire de l'outil Big Data une « boîte noire ». « La DRH doit étayer les décisions prises qu'il s'agisse d'augmentations de salaires ou de recrutements. Chacun doit pouvoir comprendre pourquoi et comment on en est arrivé à telle ou telle décision ». Cela favorise l'acceptabilité par les collaborateurs.
Pour enrichir les données analysées par les algorithmes prédictifs qui servent à anticiper, Cornerstone consolide les données de tous ses clients. « Notre solution est en mode SaaS. Nous fournissons à nos clients les données produites depuis nos débuts il y a 17 ans par 26 millions d'utilisateurs, après les avoir anonymisées », explique Geoffroy de Lestrange. Le client y ajoute ses propres données historiques avant de procéder à ses analyses.
Se poser la question de la finalité
« La technologie n'est pas neutre. Il faut intégrer la question de l'éthique et de la protection de la confidentialité des données dès la conception des outils », souligne Eric Pérès, vice-président de la CNIL et secrétaire général de l'organisation syndicale FO Cadres. Pour lui, il est important de se poser la question de la finalité du traitement des données. « Certes, le Big Data ouvre de nouvelles perspectives, mais attention au risque de surveillance de masse ».
Les badges qui donnent accès aux collaborateurs aux locaux, à la cantine, au parking… produisent des données. Il convient de réfléchir à comment et où ces données sont stockées et quels sont les risques de piratage, par exemple. « Si l'entreprise enregistre l'empreinte biométrique de certains collaborateurs, vaut-il mieux stocker ces données en central ou localement dans un dispositif ? Et si ces données sont croisées, elles peuvent donner beaucoup d'informations sur le collaborateur, sa santé, ses déplacements… Il faut donc savoir précisément quels sont les éléments transmis à la DRH ».
Il reste un peu de temps aux acteurs concernés, DRH, entreprises, éditeurs et organisations, pour réfléchir à ce que Eric Pérès appelle un « pacte de conformité » avant la mise en application du Règlement général sur la protection des données (RGPD), au printemps 2018.