Amélioration des critères ESG : comment l’IT peut participer
Les consommateurs, les collaborateurs et même les investisseurs se tournent vers des entreprises respectueuses des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Voici les pistes d’action que votre entreprise et son IT doivent explorer, pour préserver l’avenir de la planète et son propre avenir, dans un contexte de plus en plus sensible à ces questions.
Partout dans le monde, dans tous les secteurs, les nouveaux mots d’ordre sont d’être « responsables » et « durables ». Des dirigeants aux ménages, de plus en plus d’acteurs s’appuient sur des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) pour orienter leurs investissements et leurs dépenses. La durabilité, notamment, est passée au crible depuis l’année dernière, en raison de l’attention croissante portée au changement climatique. Les entreprises n’ont plus le choix : elles doivent être proactives.
Durabilité et ESG désormais incontournables
Elles n’ont plus le choix, car il en va de l’avenir de la planète, mais aussi de leur survie. Mal gérer l’ESG revient à se tirer une balle dans le pied. On assiste en effet à une évolution rapide des modes de penser, constate Simon Mingay, vice-président de la recherche chez Gartner.
Les entreprises sont sommées de montrer l’exemple, d’être motrices dans la mise en place de nouvelles pratiques, ou a minima de s’adapter rapidement aux nouvelles réglementations et normes.
Dans cette évolution majeure globale, les DSI ont un rôle important à jouer. « Nous vivons dans un monde plus technologique – et plus dépendant de la technologie – que jamais. Pour les DSI, c’est à la fois une formidable opportunité et une énorme responsabilité », affirme Jahidul Khandaker, SVP et DSI le fournisseur de disques durs et de services de stockage Western Digital. « Les DSI doivent trouver un équilibre entre les nouvelles exigences [du marché] et la réponse à apporter aux problèmes cruciaux du monde actuel en matière d’environnement. »
« Toutes les entreprises sont sur la voie de la neutralité carbone, qu’elles l’aient ou non décidé d’elles-mêmes », ajoute Simon Mingay. « Il ne leur reste qu’un seul choix : prendre les devants et suivre le mouvement ; ou être entraînées malgré elles dans l’aventure ».
Simon MingayVice-président de la recherche, Gartner
Les DSI joueront plusieurs rôles dans cette aventure. Il pourra s’agir de soutenir les autres services en leur fournissant les bonnes informations. Il pourra aussi s’agir d’un rôle plus direct dans cette révolution vers plus de responsabilité sociale et plus de durabilité écologique. Dans tous les cas, vous serez confrontés à ces 10 tendances qui sont autant de leviers d’actions.
1. Mesure de l’impact sur la durabilité
De nombreuses organisations n’en sont qu’au début de leur parcours vers la durabilité. Cette première étape implique de définir les termes d’une amélioration des critères ESG dans le contexte particulier de l’entreprise concernée, et de commencer à en mesurer les répercussions en termes de stratégie concrète de développement durable.
Selon Simon Mingay, il convient de procéder à une évaluation qui recense les principaux impacts et les problèmes sur lesquels agir. Les catégories à examiner en priorité sont les émissions de gaz à effet de serre et la consommation d’énergie.
Mais la durabilité et l’écologie ne sont qu’une des composantes des actions ESG. Il est important de représenter tous les problèmes ESG (y compris les parties sociales et de gouvernances) sous la forme d’un quadrant pour mieux hiérarchiser les initiatives.
Ce quadrant, baptisé « Évaluation de Matérialité » par le Gartner, peut se structurer en fonction :
- de l’impact des problématiques sur l’entreprise (risques pour la croissance et les marges si la problématique n’est pas traitée),
- de leur importance pour les parties prenantes (clients, actionnaires, grand public, etc.).
Celles qui se trouveront dans le quart supérieur droit du quadrant demanderont le plus d’attention. Ces priorités varieront évidemment d’une entreprise à l’autre. Par exemple, l’élimination des déchets sera un enjeu bien plus important pour une société minière que pour un centre d’appels. En revanche, un centre d’appel se souciera davantage de la consommation d’énergie de son système informatique, un critère nettement moins capital pour l’exploitation minière.
« Cartographier les priorités en matière d’ESG est un élément de gouvernance crucial sur lequel axer les efforts », déclare Simon Mingay.
D’après lui, cette évaluation aide aussi les DSI à identifier les données qu’il faudra recueillir et intégrer dans divers processus analytiques. Elle lui donne également une vision afin d’orienter le débat au sein de l’organisation et de déterminer comment l’IT peut contribuer et intervenir au mieux, par exemple en utilisant l’IoT pour améliorer le rendement énergétique.
2. Cadres du protocole sur les gaz à effet de serre (Greenhouse Gas Protocol)
Les DSI doivent également se familiariser avec le Greenhouse Gas Protocol, qui normalise les modalités de déclaration et de gestion des émissions de gaz à effet de serre (GES) par les entreprises. Dans un premier temps, il convient de savoir ce que recouvrent les différents périmètres (scopes) de ce protocole.
Le Greenhouse Gas Protocol classe les émissions en trois catégories que les responsables techniques et opérationnels doivent connaître :
- Scope 1 : émissions provenant directement des actifs détenus ou contrôlés par une entreprise (usines, chauffage, véhicules, etc.).
- Scope 2 : émissions indirectes provenant de la production d’électricité, de chaleur, de froid et de vapeur qu’une entreprise achète.
- Scope 3 : émissions indirectes non couvertes par le scope 2. Celles-ci sont produites tout le long de la chaîne de valeur par des sources en amont (par exemple, l’extraction et le raffinage de matières premières) et en aval (par exemple, la distribution, le rendement énergétique des produits lors de leur utilisation ou l’impact du recyclage ou de la mise au rebut). Il s’agit presque toujours de la majorité des émissions générées par une entreprise.
« Si un DSI ne connaît pas dans le détail les objectifs de l’entreprise dans ces trois scopes, ni le calendrier [nécessaire pour les atteindre], il risque de se disperser en s’occupant de problèmes qui ne sont pas importants dans l’immédiat, ou [de ne pas accorder] suffisamment d’attention aux problèmes essentiels », explique Simon Mingay.
3. Économie circulaire
Des consommateurs aux éditeurs, de plus en plus d’acteurs s’intéressent à l’allongement du cycle de vie des produits via l’économie circulaire. L’IT doit étudier les moyens d’intégrer cette économie circulaire dans l’élaboration du SI.
Auparavant, la plupart des DSI se contentaient de mettre de côté le matériel hors d’usage jusqu’à ce qu’il soit envoyé au rebut, constate Simon Mingay. Mais de nouvelles réglementations remettent en question ce mode de fonctionnement. Pour le consultant, « il faut dès à présent commencer à examiner la stratégie numérique, l’architecture IT et les choix des fournisseurs en termes de processus de recyclage ou de réutilisation ».
Les DSI vont devoir trouver des solutions pour mesurer le pourcentage de déchets électroniques réutilisés, recyclés ou éliminés. Ils devront également arbitrer entre les différents impératifs de sécurité (comme le broyage des supports de stockage) et l’écoresponsabilité.
4. Atténuation vs adaptation
Il convient de bien distinguer deux concepts pour mieux agir sur deux domaines distincts, mais très liés : l’atténuation du changement climatique (« mitigation » en anglais) et l’adaptation au changement climatique.
L’atténuation passe par des mesures de prévention et de réduction de l’impact des activités humaines. L’adaptation concerne les évolutions possibles pour faire face aux effets du changement climatique. L’atténuation vise à réduire l’ampleur du réchauffement de l’atmosphère terrestre et ses conséquences (sécurité alimentaire, etc.). L’adaptation consiste à prendre en compte ces conséquences comme une nouvelle réalité. Par exemple, certaines villes côtières menacées par la montée des eaux des mers et des océans décident d’élever le niveau de leurs rues (c’est le cas à Miami).
Les entreprises vont de plus en plus devoir intégrer « l’adaptation » dans leur stratégie « d’atténuation ». Ce qui suppose d’étudier toutes les perturbations que le changement climatique peut entraîner au niveau des opérations, des chaînes d’approvisionnement et des clients, ainsi que les solutions opérationnelles et IT à mettre en œuvre.
Feux de forêt, cyclones, sécheresses vont peser de plus en plus sur les activités des entreprises. « Les responsables sont confrontés à une évolution rapide des modèles de risque sous-jacents », souligne Simon Mingay.
Les DSI devront donc collaborer avec d’autres équipes pour développer un processus plus agile de modélisation des risques. Il leur faudra également améliorer la cohérence de ces modèles avec des plans de continuité des activités, en élaborant des plans de reprise d’activité après sinistre (PRA) robustes et avec de nouveaux modèles de résilience, ajoute-t-il.
Cette démarche passera par des échanges plus fréquents et plus poussés avec les principaux fournisseurs, prestataires de services cloud et partenaires de la chaîne logistique. Le but est d’identifier les nouveaux risques et de planifier des stratégies pour les faire connaître et y répondre.
5. Durabilité de la chaîne logistique
La mise en place d’une chaîne logistique plus durable est un chantier essentiel pour les entreprises. C’est aussi un défi complexe et difficile à relever.
Pour Jahidul Khandaker de Western Digital, les DSI seront de plus en plus appelés à combler les « trous » dans les données qui seront nécessaires pour atteindre les objectifs de durabilité de la chaîne logistique. Il leur faudra combiner d’une part des données issues des ERP et des solutions de gestion logistique, et d’autre part des données tierces recueillies à l’aide des outils de reporting de CDP (anciennement Carbon Disclosure Project).
Pendant la pandémie, l’équipe de Jahidul Khandaker s’est attelée à bâtir l’infrastructure IT nécessaire pour permettre la consolidation des données de la chaîne logistique, analyser les lignes de fret et optimiser les itinéraires afin de réduire les coûts et l’empreinte carbone.
Leur projet visait trois objectifs principaux : expédier les produits finis plus efficacement, anticiper de manière proactive les problèmes logistiques et améliorer le respect des délais. L’équipe a conçu une application interne combinant l’intégration et la qualité des données, des outils d’IA et une intégration directe dans les applications logistiques existantes.
Par exemple, les données entrantes différaient parfois des valeurs attendues par les collaborateurs de Jahidul Khandaker. Ils ont donc développé un moteur de détection des anomalies afin d’identifier les problèmes, ainsi que des outils pour corriger automatiquement les données, lorsque cela était possible, ou pour alerter les équipes concernées dans le cas contraire.
L’équipe a également mis au point des algorithmes de machine learning pour identifier les changements au niveau des délais, puis communiquer ces changements aux outils de planification. Enfin, elle a développé d’autres outils pour identifier les différences entre les lignes de fret en fonction des transporteurs, des modalités ou des itinéraires, afin d’optimiser les coûts et de réduire le nombre d’expéditions. Le regroupement des expéditions est un objectif important qui présente de nombreuses facettes. Par exemple, il peut être plus efficace d’avancer l’expédition d’une partie d’une commande afin de la regrouper avec une autre destinée au même client ou à un second client à proximité du premier.
Le travail effectué par Jahidul Khandaker montre bien qu’améliorer la durabilité de la chaîne d’approvisionnement est un processus très complexe.
6. Plus de transparence en matière d’empreinte carbone
Les entreprises sont confrontées à un dilemme : que faut-il divulguer, et de quelle manière, au sujet de leurs empreintes carbone et des autres indicateurs ESG ? Certains responsables opérationnels et IT peuvent être tentés de donner une image plus positive en minimisant leur impact. Ce serait une erreur.
Les nouveaux cadres de référence pour les gaz à effet de serre exigent que les entreprises fassent preuve de rigueur et qu’elles rendent compte de toutes leurs émissions, rappelle Rita Soni, analyste principale dans le cabinet d’études international Everest Group.
« Les engagements reposent sur une réduction de l’empreinte carbone plutôt que sur des chiffres absolus », ajoute-t-elle.
Il faut également réfléchir à la manière dont les entreprises peuvent présenter ces résultats en fonction des indicateurs et des publics, dit-elle encore. Si les émissions de scope 1 sont plus facilement négociables sur les bourses du carbone, apporter des changements significatifs sur les autres scopes pourrait également contribuer à améliorer les relations avec les régulateurs, les investisseurs, les salariés et les citoyens.
Certaines grandes banques cherchent déjà des moyens de réorienter leurs investissements indirects depuis des secteurs à fortes émissions de carbone vers des secteurs qui réduisent activement leurs émissions, illustre l’analyste.
Et certaines entreprises clientes d’Everest Group se demandent comment mieux communiquer avec leurs salariés sur les critères de durabilité et comment les encourager à participer plus activement aux programmes de l’entreprise en la matière.
Des mécanismes semblables pour d’autres mesures ESG peuvent récompenser les progrès plutôt que de sanctionner les entreprises pour leur impact actuel.
7. Le « Green IT »
Les DSI peuvent – et devront – créer des solutions IT plus écologiques. Ce constat est particulièrement vrai dans les secteurs très technologiques comme la banque, la finance et les télécommunications, où les investissements numériques ont un impact considérable sur l’empreinte carbone de l’entreprise.
Un peu partout dans le monde, les pouvoirs publics prennent également des mesures dans ce domaine. Parmi les solutions possibles figure la migration vers des solutions moins énergivores – et/ou consommatrices d’énergies renouvelables – ou encore un meilleur suivi et des contrôles plus automatisés des consommations.
Par exemple, des entreprises rationalisent leurs data centers, passent à la colocation et/ou migrent vers le cloud. D’autres investissent dans l’autoscaling des workloads pour atténuer leur empreinte énergétique. Et, l’IA est mise à contribution pour optimiser le chauffage ou le refroidissement, la ventilation et la climatisation des infrastructures.
8. Externalisation socialement responsable (« impact sourcing »)
L’externalisation « socialement responsable » – ou « impact sourcing » – est un autre levier d’une stratégie ESG. Elle consiste à sous-traiter en priorité à des entreprises « vertueuses », c’est-à-dire qui emploient des personnes issues de groupes défavorisés, qui favorisent l’insertion (des travailleurs handicapés, des personnes non diplômées, etc.), et qui ont une politique sociale et de formations.
Everest Group a constaté une augmentation substantielle du nombre de clients demandant à mettre en œuvre l’impact sourcing.
L’IT est historiquement consommateur de prestataires externes. La DSI pourra donc travailler avec l’équipe RH, pour mettre en place des indicateurs et des remontées d’informations qui permettent d’évaluer les actions que l’entreprise souhaite mener.
Ce levier s’inscrit dans la continuité des politiques RH de l’entreprise pour favoriser la diversité sociétale dans les recrutements.
9. IA responsable
Les entreprises se tournent de plus en plus vers l’IA, notamment pour automatiser leurs processus. Mais les régulateurs (et les consommateurs) réclament de plus en plus une IA responsable, éthique, transparente, non biaisée et explicable.
Vinod PrashadCabinet de conseil international SSA & Company
Un des travers du Deep Learning – des algorithmes par ailleurs très efficaces – est souvent d’être une boîte noire. Or il devient essentiel de pouvoir ouvrir cette boîte, surtout lorsqu’il s’agit d’un usage dans le prédictif et le prescriptif, pour en comprendre le processus de décision.
Par exemple, si une IA effectue une analyse des risques financiers sur un portefeuille de prêts, il convient d’envisager la possibilité de cliquer sur une donnée pour comprendre pourquoi le modèle a fourni telle ou telle recommandation. Ce faisant, le décideur aura davantage confiance dans la prévision de l’algorithme.
10. Une meilleure analytique ESG
La question des données que les entreprises doivent recueillir selon les types de rapports ESG est une question nouvelle.
Le défi est important, car ces données sont souvent éparpillées au sein de l’entreprise, et des données externes doivent être collectées et combinées pour compléter ces données internes.
« Les entreprises n’ont qu’une expérience limitée en matière de KPI ESG, ce qui implique d’adopter une méthodologie rigoureuse afin de déterminer les bons indicateurs, d’identifier les bonnes sources de données sous-jacentes et de transformer les données pour calculer des indicateurs pertinents », résume Vinod Prashad du cabinet de conseil international SSA & Company.
À terme, les principales applications métiers – à commencer par l’ERP et le SCM – intégreront probablement l’analytique ESG. Mais en attendant, les DSI devront jongler avec toutes sortes d’outils pour faire ces reportings.
Ils ont également un rôle clef dans la sécurisation de ces données et dans le contrôle de leur qualité.
L’urgence, malgré la complexité
Assurément, les équipes IT utiliseront la technologie pour relever le défi de la durabilité et des autres enjeux ESG.
Mais ces solutions peuvent elles-mêmes poser des problèmes. Par exemple, une IA peut aider à mener à bien un projet ESG. Mais son entraînement peut aussi demander énormément d’énergie. Il en va de même pour le cloud, qui rationalise l’usage des serveurs, mais qui représente une part croissante des émissions, à mesure que le numérique prend une place centrale dans nos sociétés.
La blockchain, vers laquelle beaucoup se tournent pour améliorer la chaîne logistique, est particulièrement énergivore (même si les processus de consensus évoluent vers la sobriété). Quant au métavers, s’il est riche de promesses pour les uns (comme Facebook), il est aussi riche de gaspillage énergétique pour d’autres (même si le « métavers responsable » commence à pointer le bout de son avatar – lire par ailleurs dans ce numéro).
Bref, les DSI devront aussi faire attention à ce que le remède ne soit pas pire que le mal.
Mais une chose est sûre : les DSI peuvent (et devront) aider, de nombreuses manières, à améliorer les critères ESG.
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