Cloud : passer au GreenFinOps n’est plus une option, c’est une nécessité
L’objectif du FinOps – faire du bien à son portefeuille – doit aussi aujourd’hui faire du bien à la planète en diminuant l’impact carbone des usages cloud et IT des entreprises, analyse Magellan Partner. Qui explique comment faire.
Pour toujours plus de compétitivité, les entreprises sont soumises aujourd’hui à des exigences d’agilité et de vitesse d’innovation grandissantes. Les DSI, dont le rôle évolue vers celui de fournisseur de services pour leurs métiers, trouvent dans le cloud – grâce à sa promesse de consommation à l’usage – un des principaux accélérateurs de leur innovation digitale.
Selon Gartner, plus de la moitié des dépenses informatiques des entreprises dans les quatre principaux segments du marché (logiciels d’application, logiciels d’infrastructure, services de processus métier et marché des systèmes d’infrastructure) passeront au cloud d’ici 2025. De même, Gartner prévoit que d’ici 3 ans, 51 % des dépenses informatiques de ces quatre catégories passeront des solutions traditionnelles vers le cloud public, contre 41 % en 2022.
Le cloud, un levier de performance puissant à double tranchant
Pour la plupart des entreprises, les intérêts de l’usage du cloud sont nombreux :
- Réduction des coûts : Le cloud permet d’échanger les dépenses d’investissement matériel et logiciel (modèle CAPEX) contre des coûts variables qui reposent sur la quantité de ressources informatiques consommées (modèle OPEX Pay-As-You-Go, Auto Scaling, etc.).
- La fin de la gestion des stocks d’assets : Désormais, l’accès à l’information se fait via internet et à la demande.
- Davantage de mobilité et disponibilité pour l’utilisateur.
Mais avec l’essor permanent de nouveaux outils, technologies et services, le cloud est devenu un écosystème complexe qu’il faut savoir appréhender et maîtriser.
D’autant plus qu’il n’est pas dénué d’effets pervers. L’un des avantages du cloud est de consommer de la donnée, n’importe où et n’importe quand. Néanmoins, cet atout peut aboutir à un excès d’information et de sollicitation de l’utilisateur. Derrière ces pratiques se cache l’infobésité qui se matérialise par l’incapacité à traiter la quantité d’informations reçues. Selon P. Arin et C. Petit, cités dans le Livre « Infobésité, gros risques et vrais remèdes » de Caroline Sauvajol-Rialland : « l’humanité a produit au cours des 30 dernières années plus d’informations qu’en 2 000 ans d’histoire et ce volume d’informations double tous les 4 ans. »
L’infobésité a de nombreuses répercussions, par exemple :
- L’incapacité à hiérarchiser les données,
- Le risque de saturation de la part des collaborateurs qui tendent vers l’illusion du multitasking (parallélisation de plusieurs tâches) afin d’avoir le temps de traiter le plus d’informations possible,
- Des difficultés à la prise de décisions dues à la masse d’informations à digérer,
- Le principe de « Fear Of Missing Out » (FOMO) qui pousse les utilisateurs à la surconnexion et qui crée du stress et de l’anxiété.
Les nouvelles peurs du consommateur combinées à l’accessibilité des outils numériques ont considérablement augmenté le trafic internet. De plus, l’augmentation de la consommation n’est plus compensée par la progression technologique et passe de plus en plus par une prolifération des ressources matérielles.
20 % de l’électricité mondiale en 2025
L’infobésité entraîne donc une surconsommation de ressources. Rien que par la consommation directe d’énergie du numérique : The Shift Project constate par exemple une augmentation de 9 % par an des émissions de gaz à effet de serre (GES) pour un total de 3,7 % du total des émissions mondiales en 2019. Selon l’Alliance Green IT (AGIT), en 2025, sans changement de nos pratiques, le numérique consommera 20 % de l’électricité mondiale et rejettera 8 % des GES.
Si on y ajoute l’arrivée des solutions de connectivité moderne (téléphonie 5G…), l’usage croissant de l’Internet des Objets (IoT), il devient facile d’imaginer l’ampleur du problème.
Autre effet pervers, la dématérialisation totale des actifs informatiques induite par le cloud n’incite pas le consommateur (DSI et métier) à appréhender ce qui se trouve derrière ces technologies. Ce sont des millions d’ordinateurs, de serveurs, de routeurs et des kilomètres de réseau qui assurent la livraison des services des grands cloud Providers.
« Comme cette pollution ne se voit pas, nous sommes dans le ressort de l’impensé », indiquait le président de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) devant la commission le 5 février 2020.
La prise de conscience des effets négatifs du numérique pour la planète commence à émerger, en témoigne l’entrée en vigueur en janvier 2022 de trois lois « Anti carbone » ciblant le numérique. Et le cloud ne fait pas exception. Les consom’acteurs des années 2020 demandent aux entreprises des résultats écologiques qui s’étendent jusqu’à leurs fournisseurs. À titre d’exemple, Microsoft Azure publiait en 2020 sa calculatrice de durabilité et Amazon Web Service (AWS) s’apprête à en faire de même.
Le GreenOps ou quand la DSI prend ses responsabilités environnementales
Heureusement, le cloud offre des leviers d’optimisation de sa consommation, un ensemble de bonnes pratiques regroupées sous le terme de GreenOps.
Penser GreenOps, c’est avant tout penser Green et prendre conscience que sa consommation quotidienne de ressources informatiques, comme toutes les consommations de ressources, a un impact sur la planète.
Les pratiques GreenOps se divisent en deux grands volets :
- limiter sa consommation d’éléments neufs (polluants par leur production)
- limiter sa consommation de ressources informatiques.
Le premier volet concerne surtout le CAPEX (dépenses d’investissement), que ce soit en matériel en datacenter ou en outils pour ses collaborateurs. L’entreprise va ainsi limiter le rachat de nouveaux serveurs (habituellement tous les 3 ans), proposer à ses collaborateurs de récupérer leur poste ou encore favoriser le Bring Your Own Device (BYOD) pour tout le matériel connexe (souris, etc.).
Le second volet, quant à lui, traite plutôt des usages et de l’investissement OPEX (dépenses d’exploitation). C’est dans cette deuxième partie que se trouvent les leviers qui nous intéressent.
Penser Green dans le cloud revient à faire preuve de sobriété numérique en retrouvant l’essentiel et en éliminant le superflu.
En tueur à gages de la surconsommation, le GreenOps économise de la puissance calcul avec des solutions pratiques comme :
- Privilégier le right sizing : observer la consommation réelle en CPU et en RAM des machines pour ajuster leur taille ;
- Éteindre ses machines la nuit : un script déclenché tous les jours à la même heure va couper les machines « taguées » Dev, par exemple ;
- Installer l’auto scaling : la DSI gère la charge habituelle par des « petites » machines sans craindre les pics d’affluence grâce à la possibilité d’une augmentation rapide de la puissance de calcul ;
- Réduire la volumétrie des données par une meilleure gestion du cycle de vie…
Le GreenOps optimise aussi les services existants. On peut par exemple :
- Suivre son monitoring : les solutions natives proposées par les cloud providers peuvent être complétées par des solutions plus classiques ;
- Utiliser les composants les plus performants et donc les plus écologiques à sa disposition : AWS met en avant son processeur Gravition par exemple ;
- Choisir des « zones cloud » peu carbonées : la France et son électricité majoritairement issue du nucléaire en est une ;
- Utiliser les services les plus managés possibles qui permettent au cloud providers de mutualiser au maximum l’utilisation des ressources : construire des applications en serverless par exemple.
Le gagnant – gagnant entreprise planète
À lecture des mesures ci-dessus, l’utilisateur averti aura sans doute fait le lien avec les bonnes pratiques du FinOps.
Né du besoin de maîtriser les coûts de ces nouvelles infrastructures, le FinOps permet de comprendre sa facture cloud et d’être en mesure d’optimiser au mieux son usage. En se basant sur des audits, des indicateurs et une connaissance de l’écosystème technique, le FinOps permet d’évaluer la consommation cloud de son entreprise et représente un outil d’aide à la décision.
La conjonction des objectifs ne pouvait alors que se concrétiser, au moins en partie. Pour payer moins, je consomme moins ; et si je consomme moins, alors je pollue moins. C’est là toute la beauté du GreenFinOps ou « Griffond’or » comme on le surnomme chez Magellan Partners. Comme le griffon, bête mythologique à corps d’aigle greffé sur l’arrière d’un lion, les bonnes pratiques de la DSI alignent le meilleur des deux « best practice » dans une logique de gagnant-gagnant, bonne pour son entreprise et bonne pour la planète.
La carotte plutôt que le bâton
S’il faut tirer une leçon du passé des transformations écologiques, c’est bien que l’incitation soit plus forte que la sanction. Le protocole de Kyoto en bon élève a, par l’instauration de son marché carbone, permis aux bons élèves de profiter d’avantages économiques certains (au début) sur leurs concurrents les moins performants obligés d’acheter des permis de polluer (cf. note en bas de page).
Le GreenFinOps apparaît alors comme l’une des bonnes initiatives pour inciter les entreprises à mettre en place les leviers du Green dans l’IT.
Inverser la pression financière
Malgré les signes encourageants, il ne faut pas être naïf. Si les géants du Numérique, comme les entreprises qui utilisent leurs services, bougent les lignes en multipliant les investissements, c’est avant tout sous la pression des consommateurs.
Cette pression du publique va se traduire pour les entreprises par une nécessité de transformer son IT vers le Green au risque de perdre des clients. Total Energie a expérimenté à ses dépens cette réalité lors de ses négociations pour un contrat de parrainage des JO de Paris 2024. Les pouvoirs publics suivant la demande des consommateurs finaux s’alignent sur des objectifs forts : l’Union Européenne vise un bilan carbone en baisse de 55 % d’ici 2030. Acculées à faire des gestes pour la planète, les entreprises pourraient bien se retrouver à travailler davantage leur image que des réformes profondes.
Pas toujours si vert
Les géants du cloud restent des boîtes noires impossibles à examiner dans le détail. Si certains éléments sont publics, il est impossible aujourd’hui de confronter Microsoft sur la réalité de sa calculette « carbone » ou même de trouver les technologies utilisées.
Google est un autre exemple. Plusieurs interventions de son CEO, Sundar Pichai, mettent en avant que le groupe a atteint la neutralité carbone depuis 2007 alors même que les datacenters Google utilisent toujours dans certaines zones géographiques et à certains moments de l’année de l’énergie carbonée. L’astuce consiste à acheter de l’électricité verte ailleurs à hauteur de l’électricité consommée par leurs 22 datacenters, ce qui dans un tour de passe-passe permet de communiquer sur un bilan carbone neutre, alors même que Google consomme de l’énergie issue du charbon et du gaz.
C’est là que le GreenFinOps affiche ses limites. Les entreprises font confiance à leurs fournisseurs sans moyen de les contrôler. Et même si les mesures mises en place ont un impact bénéfique, il est pour le moment impossible à évaluer précisément.
Le cloud possède un nombre de leviers indéniables lorsqu’ils sont utilisés pour minimiser son empreinte écologique attention cependant au travers du Green devenu un argument de vente.
Les auteurs
Benjamin Foulfoin, Laurine Baoudi et Saber Laabidi sont respectivement consultant senior, manager et senior manager au sein de la practice Infrastructure & IT Zéro Carbone de Magellan Consulting. Toutes les mesures abordées dans cet articlesont disponibles dans le livre blanc GreenOps de Magellan.
Note et référence sur le protocole de Kyoto : Kim, Y., Tanaka, K., & Matsuoka, S. (2020). Environmental and economic effectiveness of the Kyoto Protocol. Plos one, 15(7), e0236299. Almer, C., & Winkler, R. (2017). Analyzing the effectiveness of international environmental policies: The case of the Kyoto Protocol. Journal of Environmental Economics and Management, 82, 125-151.
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