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Emissions carbone : Google rejette les accusations de manipulation de ses données

Google a riposté à un rapport critiquant ses affirmations en matière de réduction des émissions carbone. Le géant du cloud assure que l’analyse effectuée par l’ONG Kairos Fellowship « déforme les faits » contenus dans ses rapports annuels sur le développement durable.

Dans son rapport de 53 pages intitulé « Google's eco-failures report », l’organisation américaine Kairos Fellowship affirme que le géant de la recherche sur internet utilise ses rapports annuels sur le développement durable pour tromper le public sur les progrès qu’il réalise en matière de réduction de ses émissions de carbone.

Lors d’une conférence de presse organisée pour annoncer le lancement du rapport Google's eco-failures, Nicole Sugerman, directrice de campagne à la Kairos Fellowship et coautrice du rapport, a déclaré que celui-ci s’inscrivait dans le cadre d’un travail de deux ans et demi mené par le groupe pour mettre en lumière la contribution des grandes entreprises technologiques à la crise climatique.

Ce travail a consisté à passer au crible tous les rapports environnementaux précédemment publiés par Google et à effectuer des calculs détaillés sur l’ensemble de ses données environnementales, indique Kairos.

Selon l’association, les progrès que Google prétend avoir réalisés en matière de réduction des émissions dans son dernier rapport sur la durabilité environnementale, qui couvre l’année civile 2024, ne correspondent pas tout à fait à la réalité.

« Ce rapport […] examine les affirmations de Google, et nous avons constaté qu’elles sont loin d’être suffisantes », lâche Nicole Sugerman.

« Nous méritons la transparence quant à l’impact de Google sur notre Terre et nos vies… et l’entreprise et les dirigeants de Google ne nous la donnent pas. Ils ont donc besoin que nous les poussions à agir ».

Ce que dit Google

Google a publié son 10e rapport annuel sur la durabilité environnementale à la fin du mois de juin 2025. Un document dans lequel la firme de Mountain View fait état d’une réduction de 12 % des émissions énergétiques de ses centres de données, malgré une augmentation de 27 % de la demande d’électricité de ses fermes de serveurs.

L’entreprise a également indiqué que ses émissions totales de gaz à effet de serre (GES) – couvrant les scopes 1, 2 et 3 – ont augmenté de 6,2 % d’une année sur l’autre. C’est la troisième année consécutive que Google évoque une hausse en la matière.

« Dans l’ensemble, les émissions totales ont augmenté ces dernières années, parallèlement à la croissance de nos activités et à l’adoption croissante de nos produits par les utilisateurs du monde entier », concède Google dans son rapport. « La majorité de ces émissions sont indirectes et proviennent de notre chaîne d’approvisionnement. Nous nous efforçons activement d’infléchir la courbe de nos émissions pour atteindre notre objectif de zéro émission nette. »

Ces dernières sont classées en tant qu’émissions scope 3. Ailleurs dans son rapport, Google rapporte que l’entreprise a réalisé des « progrès significatifs en 2024 » en réduisant ses émissions de scope 1 et 2 de 8 % et 11 % d’une année sur l’autre, respectivement.

Dans le même temps, les émissions Scope 3 de l’entreprise ont augmenté de 22 % en glissement annuel. Et Google d’arguer que la demande croissante de capacité des centres de données pour soutenir les charges de travail de l’intelligence artificielle (IA) en est la cause.

« Nos émissions totales de Scope 3 ont augmenté […] principalement en raison de l’augmentation de la livraison de capacité des centres de données », poursuit le rapport.

Ces émissions Scope 3 correspondraient aux processus de fabrication et d’assemblage des infrastructures IA et la logistique associée, ainsi qu’à la fabrication des centres de données eux-mêmes.

Net zero ou zéro pointé ?

Malgré l’augmentation de ses émissions totales, Google a réitéré son engagement à atteindre son objectif « net zero carbon » dans l’ensemble de ses activités d’ici 2030, et a déclaré qu’il prévoyait d’y parvenir en investissant dans des « solutions d’élimination du carbone » afin de neutraliser ses émissions restantes.

Toutefois, Google a également reconnu dans le rapport que l’industrie technologique se trouve à un « point d’inflexion extraordinaire » en raison de la croissance rapide de l’adoption de l’IA. Ce paysage « introduit des incertitudes significatives qui peuvent avoir un impact sur [ses] trajectoires futures ».

Le géant du cloud envisage que l’IA connaisse des modèles de croissance non linéaires en raison de son « rythme de développement sans précédent ».

« L’incertitude quant à l’ampleur de l’énergie propre et des infrastructures nécessaires pour répondre à cette croissance rend plus difficile la prévision de nos émissions futures et pourrait avoir une incidence sur notre capacité à les réduire », ajoute le rapport.

Selon Franz Ressel, chercheur principal chez Kairos Fellowship, la hausse des émissions CO2 de Google n’a pas commencé il y a trois ans. C’est une tendance qui, selon l’ONG, se manifeste depuis près de 15 ans. « Google induit le public en erreur quant à sa prétendue réduction des émissions », juge-t-il. « Plus précisément, lorsque nous avons effectué nos recherches, nous avons constaté que l’entreprise avait augmenté ses émissions de gaz à effet de serre de 1 515 % entre 2010 et 2024 ».

« En réalité, cela signifie que Google a rejeté 21,9 millions de tonnes équivalent carbone de plus en 2024 qu’il y a 14 ans », affirme Franz Ressel. « Cela équivaut à ajouter 4,7 millions de voitures sur les routes américaines en un an. À titre de comparaison, le comté de San Diego, cinquième comté des États-Unis par sa population, compte 2,2 millions de voitures immatriculées ».

La quantité réelle d’émissions générées par Google est « énorme », avance-t-il. « Google annonce une diminution de 12 % des émissions dues à la consommation d’énergie des centres de données, mais il ne le fait qu’en déclarant des émissions basées sur le marché, qui utilisent de l’énergie décarbonée achetée pour masquer les émissions réelles ».

L’IA au cœur de la croissance des émissions de Google

Là où les résultats de la Kairos Fellowship s’alignent sur le rapport de Google, c’est dans sa conclusion que l’IA est au cœur de la croissance des émissions du géant de la technologie.

« Nous avons constaté que l’investissement agressif de Google dans l’IA générative et son infrastructure est un facteur majeur de ses échecs en matière de climat », confirme Franz Ressel. « Les émissions de Scope 2, qui mesurent les émissions provenant de l’énergie que Google achète pour alimenter ses centres de données, ont augmenté de 820 % depuis 2010 ».

« Non seulement cela, mais les seules émissions que Google a diminuées depuis son année de référence 2019 sont issues de la catégorie Scope 1, qui représente à peine 0,31 % des émissions totales de Google pour 2025. Donc [c’est] absolument minuscule. »

Bien que le géant du cloud ait été franc concernant l’impact de l’IA sur son objectif net zéro en 2030, Franz Ressel considère que le fait que Google se présente comme un « bon acteur » sur les questions climatiques est un problème. Il juge que le groupe tente d’obfusquer l’augmentation des émissions et les détails de sa consommation d’eau en utilisant un jargon et d’autres méthodes.

« Google dissimule ces données dans les annexes de tous ses rapports environnementaux », poursuit-il. « Si l’on ajoute à cela un jargon difficile à comprendre et la sélection de données par Google, il en résulte qu’une grande partie de ces données est passée inaperçue ».

« C’est pourquoi elle sélectionne les données et publie de manière sélective des chiffres qui semblent montrer que Google s’améliore, alors qu’en réalité ses émissions et autres impacts sur l’environnement s’aggravent rapidement », considère Franz Ressel.

Computer Weekly, une publication sœur du MagIT, a contacté Google pour obtenir une réponse au contenu du rapport de Kairos Fellowship.

« L’analyse de la communauté Kairos déforme les faits », écrit un porte-parole dans ce mail. « Nos émissions carbone sont calculées selon le protocole GHG, largement utilisé, et vérifiées par une tierce partie ».

« Notre ambition en matière de réduction des émissions CO2 a été validée par le principal organisme du secteur, l’initiative Science Based Targets. Cette année, nous sommes heureux d’annoncer que les émissions de nos centres de données ont baissé de 12 % et que nous avons mis en ligne plus de 25 projets d’énergie propre ».

Dans les faits, les mêmes reproches ont été faits à Amazon et à Microsoft. Eux aussi présentent des estimations prenant en compte l’offset, c’est-à-dire la compensation par crédit carbone, la plantation d’arbres, les volumes d’énergie renouvelable achetés sur le marché et l’installation de fermes solaires ou éoliennes. L’apport d’énergie renouvelable est « mélangé » avec les autres sources d’énergie. Dans ce cas précis, les fournisseurs cloud dépendent du mix énergétique des pays dans lequel leur data centers sont installés. De manière générale, les fournisseurs ont tendance à se reposer sur la notion de responsabilité partagée et préfèrent vendre des outils et conseiller leurs clients.

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