Cet article fait partie de notre guide: Le guide 2023 de l’infrastructure en cloud hybride

Cloud hybride : Qu’est-ce qui coince ?

Les fournisseurs IT incitent les entreprises à rénover leur datacenter pour le rendre synchrone avec le cloud. Les analystes répondent que les applications n’ont pas besoin de fonctionner à cheval entre le cloud et le datacenter.

Après le cloud, les prestataires IT pressent désormais leurs clients de passer au cloud hybride. Il y aurait quantité d’avantages à répartir les applications, les données et leurs copies de secours à cheval entre un site et des ressources en ligne.

Il faudrait juste remplacer l’équipement local par des versions plus modernes prévues pour fonctionner en mode hybride. Mais les entreprises ne sont pas aussi enthousiastes que ce que les fournisseurs auraient souhaité.

« Avec une approche en cloud hybride, les entreprises gagnent la capacité de changer de projets plus rapidement, une redondance qui préserve leur marque des risques d’indisponibilité. »
Felicity MarchDirectrice conseil en sécurité et résilience, Kyndry

« Une approche monosite, ou même monocloud, concentre les risques et n’assure ni les fonctionnalités ni la disponibilité nécessaires aux entreprises », argumente ainsi Felicity March, directrice de conseil en sécurité et résilience chez le prestataire Kyndry, ancienne entité d’infogérance d’IBM.

« Avec une approche en cloud hybride, les entreprises gagnent la capacité de changer de projets plus rapidement, une redondance qui préserve leur marque des risques d’indisponibilité, et même une optimisation possible de leurs investissements », ajoute-t-elle.

Pour elle, le frein à un déploiement multisite tient essentiellement à la crainte des entreprises d’être encore plus submergées par la gestion d’une multitude d’équipements et de solutions IT issus de fournisseurs différents. « Au contraire, les fournisseurs IT sont à l’œuvre pour unifier techniquement les architectures hybrides, afin d’assurer la cohésion, la sécurité et la résilience dont les entreprises ont besoin », promet-elle.

Le cloud ou le datacenter, mais pas les deux en même temps

Paul Stapley, consultant au cabinet Logicalis, n’a pas exactement la même analyse. Il veut croire que les entreprises sont désormais très matures sur le sujet du passage au cloud. « La frénésie initiale s’est calmée. Nous faisons désormais un usage plus raisonné du cloud. Les entreprises ne souscrivent à une offre qu’après s’être demandé quels efforts cela va impliquer de leur part et dans quelle mesure le projet est pertinent. »

Il pointe en particulier que les entreprises ont très rapidement été rattrapées par les réalités tarifaires du cloud : selon une étude réalisée par le cabinet Flexera, 25 % des entreprises dépassent leur budget cloud avant la fin de l’année et 39 % envisagent de l’augmenter l’année suivante.

« Les entreprises ont finalement compris que la complexité du cloud signifiait surtout savoir investir de façon bien plus stratégique – en talents, en réécriture des applications, en création d’environnements. Elle signifie même souvent trouver un moyen de se dégager d’investissements cloud déjà réalisés », estime-t-il.

Dans un tel contexte d’investissements, Paul Stapley réfute que des raisons de sécurité justifient à elles seules de répartir les mêmes applications et les mêmes données à cheval entre un datacenter et un cloud.

« Quitter le cloud pour revenir en local n’est pas très bon signe en termes de gouvernance. »
Paul StapleyConsultant, Logicalis

« Quitter le cloud pour revenir en local n’est pas très bon signe en termes de gouvernance », dit-il. « La maturité du cloud inspire une certaine confiance. Les sempiternelles questions de sécurité justifiées il y a encore trois ou quatre ans ne le sont plus vraiment. Le cloud est une véritable source d’innovation, et c’est son grand avantage. »

Selon lui, les clients préfèrent aujourd’hui actualiser leurs projets au compte-gouttes au lieu d’opter pour une solution hybride. En clair : faire migrer le datacenter existant petit à petit vers le cloud, plutôt que remplacer de manière précoce ses équipements par d’autres, capables de fonctionner en cloud hybride. D’autant que ceux-ci sont souvent commercialisés par souscription.

« Personne ne souhaite abandonner ses investissements dans les datacenters pour se calquer sur de nouveaux modèles économiques ! Ce que souhaitent les entreprises, c’est que leur IT évolue pour être de plus en plus conforme aux exigences en matière d’impacts environnementaux », lance-t-il.

Il bat également en brèche les arguments qui expliquent plus ou moins ouvertement que rendre hybrides les datacenters permettrait de faire l’économie d’un personnel IT sur site – en mode hybride, les serveurs physiques bénéficieraient soi-disant des capacités d’administration automatisée du cloud.

« Les nouveaux projets d’objets connectés, d’informatique de proximité (“edge”) nécessitent de contrôler les services, de surveiller les événements, de gérer la sécurité, d’analyser les données. Les services IT n’ont pas fini de batailler et auront toujours besoin d’équipes compétentes en interne », conclut-il.

Juste une question de complexité

Pour Martin Percival, architecte solution chez Red Hat, le seul problème du cloud hybride est qu’il n’est pas clair. « Tout cela n’est pas toujours évident pour les clients, et ils ont besoin d’une personne de confiance pour les guider. Le secteur se doit de mieux expliquer toutes les étapes possibles. »

« Mieux vaut encourager les clients à adopter une approche stratégique plutôt que de simplement réagir aux problèmes. »
Martin PercivalArchitecte solution, Red Hat

De son point de vue, il y aurait d’un côté des entreprises qui décident d’une solution pour un type de projet, en font un standard dès le départ et n’en changent plus ensuite, que cette solution fonctionne sur site ou en cloud. Et de l’autre, des prestataires avides de leur vendre une alternative en cloud hybride dès que le prétexte d’une panne existe.

« Il faut parfois être très convaincant pour libérer certaines entreprises de fournisseurs éprouvés ou d’offres bloquées et les faire passer à une solution hybride qui est pourtant bel et bien plus avantageuse », observe-t-il.

« Mieux vaut donc encourager les clients à adopter une approche stratégique plutôt que de simplement réagir aux problèmes. D’autant que le cloud hybride ne va pas les empêcher de se retrouver dans une situation compliquée qu’ils n’avaient pas imaginée au départ. »

« En réalité, le vrai problème du cloud hybride à l’heure actuelle est que, dès qu’un aspect en a été simplifié, on s’empresse d’ajouter une foule hétéroclite d’éléments avant de se demander comment tout cela va bien pouvoir fonctionner ensemble », conclut-il.

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