Confinement : comment OpenIP a basculé dans le télétravail en 48 heures

L’entreprise a multiplié les réunions d’information durant deux jours. L’objectif : rassurer ses salariés et les former à l’usage des PC, modems 4G et routeurs sécurisés qu’elle met à leur disposition.

Jeudi 12 mars 2020, au matin. La première allocution du président de la République liée au confinement des populations pour contrer l’épidémie de Covid-19 n’aura lieu que le soir. Mais Laurent Silvestri, le patron de l’opérateur télécom virtuel OpenIP, se doute déjà qu’il faudra bientôt mettre en télétravail les 75 salariés de son entreprise.

« La problématique est de maintenir notre service alors que l’ordre allait bientôt être donné de quitter les bureaux. Nous recevons en moyenne 200 appels par jour pour des questions commerciales, logistiques ou de maintenance. Nos salariés, qui se situent à Paris, à Tours, à Nantes et à Marseille, ont besoin de leur ligne téléphonique et de l’accès à tout notre système d’information pour répondre à nos 12 000 clients et 1 300 partenaires intégrateurs », explique le dirigeant.

« Problème, jusque-là, nous n’avions pas beaucoup cherché à savoir s’ils avaient l’équipement nécessaire pour travailler chez eux. » Or, effectivement, ils ne l’avaient pas.

Laurent Silvestri se donne alors 48 heures pour mettre tout le monde sur le pied de guerre. Six réunions de crise sont programmées avec tous durant ce laps de temps. La première consiste à faire l’inventaire des ressources domestiques des collaborateurs : quelle connexion Internet, quel téléphone, quel PC, celui-ci est-il susceptible d’être mobilisé par d’autres membres du foyer pendant les heures de bureau ?

« Le PC portable personnel est la base. Nous avons puisé dans notre stock pour en fournir un à tous ceux qui n’en possédaient pas. »

Des modems 4G pour s’assurer que les salariés ont Internet

« Nous avons calculé qu’il faut une bande passante de 200 kbit/s : téléphonie sur IP, accès à nos interfaces métier et nos documents sur l’intranet et manipulation de nos outils bureautiques en SaaS. »
Laurent SilvestriOpenIP

Pour le reste, ça tombe bien : OpenIP est justement un spécialiste des solutions télécoms pour collaborer en mode tout-terrain. Certains salariés pensent se réfugier dans des endroits sans connexion Internet connue, d’autres ne sont pas sûrs que leur connexion sera fiable. Dans les deux cas, OpenIP les équipe d’un modem 4G.

« Nous avons calculé qu’il faut une bande passante de 200 kbit/s pour tout faire : téléphonie sur IP, accès à nos interfaces métier et nos documents sur l’intranet et manipulation de nos outils bureautiques en SaaS. Une connexion 4G est donc suffisante. L’ADSL l’est généralement aussi », indique Laurent Silvestri, qui précise que la voix sur IP consomme quant à elle une bande passante de 64 kbit/s.

Techniquement, les cartes SIMs « OpenSIM » qu’OpenIP met dans ses modems 4G sont compatibles avec les réseaux d’Orange, SFR, Bouygues. Un logiciel sert à passer de l’un à l’autre pour choisir celui qui propose la meilleure couverture.

« En France, il n’est pas autorisé de proposer la bascule automatique entre les différents opérateurs. Lors d’une seconde réunion consacrée à la formation des outils que nous leur mettions à disposition, nous avons donc montré à nos salariés comment utiliser le logiciel pour passer d’un opérateur à l’autre jusqu’à trouver la meilleure réception. Bien entendu, quel que soit l’opérateur, OpenIP paie l’abonnement », explique le dirigeant.

L’enjeu technique : déplacer le réseau de l’entreprise chez le télétravailleur

Une fois la connexion physique opérationnelle, il faut résoudre la connexion logique. En l’occurrence configurer un VPN pour que le PC du salarié fonctionne comme s’il se trouvait toujours sur le réseau local de l’entreprise. Mais le temps est compté : il n’est pas question de s’embarquer dans des formations techniques. L’entreprise propose donc de confier un routeur OpIOS. Il suffit de brancher ce boîtier à tout faire entre le PC portable du salarié et sa box Internet pour que tous les services réseau soient automatiquement configurés. Et cela marche en Ethernet, comme en Wifi.

« Pour l’interlocuteur, tout se passe comme si notre salarié était toujours physiquement sur l’un de nos sites. »
Laurent SilvestriOpenIP

« La magie de cette solution est qu’elle prend en compte la téléphonique sur IP que nous utilisons dans nos bureaux. Nous avons ainsi demandé à nos salariés de rentrer chez eux avec leur téléphone de bureau. Ils n’ont qu’à brancher l’appareil sur le routeur OpIOS pour être joignables et passer des appels avec le même numéro de téléphone que s’ils étaient encore au bureau. Pour l’interlocuteur, tout se passe comme si notre salarié était toujours physiquement sur l’un de nos sites », se félicite Laurent Silvestri.

Le routeur OpIOS faisant office de SD-WAN, c’est lui qui assure le meilleur équilibrage de bande passante entre les communications vocales et les accès aux données. Il est aussi capable de basculer entre la connexion Internet domestique et le modem 4G pour parer à tout problème de connectivité.

La solution du routeur OpIOS et du téléphone de bureau à ramener à la maison a le mérite d’être prête à l’emploi. Mais elle a le défaut d’être encombrante. Pour les salariés qui l’acceptent, il est possible de plutôt installer sur leur poste un client VPN préconfiguré – OpenIP a choisi en l’occurrence OpenVPN – et la suite MetaCentrex. Ce logiciel, édité par OpenIP lui-même, permet de faire de la téléphonie sur IP depuis la machine de l’utilisateur, qu’il s’agisse d’un PC, d’un Mac, ou d’un appareil mobile.

« Cela fonctionne sur le même principe que le routeur OpIOS : une fois que le client OpenVPN a connecté la machine de l’utilisateur à notre réseau privé, la téléphonie sur IP se configure automatiquement avec le bon numéro de téléphone », dit Laurent Silvestri. Il précise que l’entreprise a encouragé les salariés qui ont privilégié cette option à ramener chez eux le casque mains libres qu’ils utilisent au bureau.

Le problème, ce n’est pas la connectivité, mais la cybersécurité

Voilà pour la connexion. Reste l’outillage logiciel. OpenIP n’a pas le temps d’installer la suite Office sur toutes les machines personnelles. Mais qu’importe, car, comme bon nombre d’entreprises en France, l’opérateur est déjà passé à Office 365 : « les licences que nous avons achetées permettent à nos salariés d’utiliser les versions SaaS de Word, Excel, etc. Il leur suffit juste d’y accéder depuis un navigateur web. »

« Nous ne savons pas si les hébergeurs de solutions SaaS supporteront la connexion simultanée de toute une population passée au télétravail. »
Laurent SilvestriOpenIp

Laurent Silvestri assure que les tests menés au pas de course n’ont pas montré de problème particulier, ni d’ergonomie, ni de bande passante. « Après, il faut bien reconnaître que nous vivons une situation inédite. On suppose volontiers que des connexions Internet capables de transporter la télé ou Netflix le soir seront capables de transporter du Microsoft Office la journée. En revanche, nous ne savons pas si les hébergeurs de solutions SaaS supporteront la connexion simultanée de toute une population passée au télétravail. »

Mais selon lui, le risque le plus important en télétravail, ce n’est pas que l’utilisateur n’arrive pas à se connecter. C’est qu’il se fasse pirater sa machine. « La protection de la machine personnelle échappe par définition à l’autorité de notre DSI. Donc, nous avons investi au pied levé dans des licences de l’antivirus Avast pour tous nos salariés. Nous leur avons montré comment l’installer, comment l’utiliser. Nous leur avons dit de toujours commencer la journée par une vérification avant même de lancer la connexion VPN. Maintenant, nous croisons les doigts » explique, fataliste, le patron d’OpenIP.

Le point le plus critique : gérer l’aspect humain 

Dernier point, et c’est celui qui aura en définitive le plus occupé les réunions de crises menées pendant les 48 heures de préparatifs : l’aspect humain. « Évidemment, les personnes s’inquiètent. Animer des réunions de crises successives nous a permis d’expliquer notre plan d’action. Puis, les managers ont pu en discuter avec leurs équipes. Au bout de quelques heures, ils sont revenus avec des questions, dont nous avons de nouveau débattu en réunion. Il nous a fallu rassurer, trouver des solutions, aussi bien sur la faisabilité technique que sur les questions sociales, mais aussi sur les moments d’absence pour s’occuper des enfants qui sont tout autant confinés. »

À ce titre, l’entreprise a souscrit à une plateforme en ligne de gestion des jours d’absence, de présence, de télétravail, de congés : Azuneed. « Nous avons paramétré dans son interface toute la logique de télétravail. Chaque jour, nos salariés indiquent ce qu’ils font. Ainsi, il n’y a pas d’équivoque. Ni pour nos collaborateurs, ni, d’ailleurs, pour les assurances. Car celles-ci couvrent différemment les salariés qui se déplacent sur le lieu de travail et ceux qui sont confinés chez eux », indique-t-il.

Le feu vert de ce nouveau mode de travail a été donné ce lundi 16 mars au matin. Il est encore trop tôt pour en tirer des conclusions.
« Les seules métriques que nous avons pour l’instant sont celles de nos clients, qui utilisent déjà nos cartes SIMs OpenSIM, nos routeurs OpIOS et notre environnement MetaCentrex depuis un moment. À date, nous observons une augmentation soudaine des communications téléphoniques de l’ordre de 15 % », observe Laurent Silvestri.
« Pour le reste, nous avons prévenu nos partenaires que notre activité continuait comme en temps normal », conclut-il en posant, pour LeMagIT, devant ses bureaux désormais vides.

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