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Deep Learning : pour sauver les abeilles, le World Bee Project fait son miel des données

L'organisation de recherche va continuer et approfondir son partenariat pour aller encore plus loin dans l'exploitation de l'IoT, du Big Data et de l'Intelligence Artificielle pour mieux comprendre les signaux envoyés par les abeilles. Et donc mieux protéger ces pollinisateurs indispensables à la planète.

Maya l'abeille est en grand danger et Oracle entend bien la sauver. Après une première phase de test lancée en Octobre 2018, l'éditeur et le World Bee Project viennent en effet d'annoncer à Londres qu'ils allaient approfondir leur collaboration.

Le projet commun repose sur l'IoT (avec des ruches connectées), le cloud d'Oracle et son Autonomous Database (pour le stockage des données et le traitement Big Data) et sur le Deep Learning. Le but est de mieux comprendre les populations d'abeilles et les dangers qui pèsent au-dessus de leurs ailes, aussi bien pour le travail d'analyse des scientifiques que pour le travail préventif des apiculteurs sur le terrain.

Les « Smart Hives », des ruches intelligentes connectées

Le Hive Data Network - comme a été baptisé un des projets concrets de l'organisation - a d'abord consisté à observer plusieurs facteurs comme la température, l'humidité ou l'acoustique au sein de ruches connectées (des « smart hives ») réparties entre l'Angleterre (Londres, Reading) et Israël (Tel Aviv). La nouvelle phase va étendre ce réseau avec 30 nouvelles ruches destinées à la recherche et 30 ruches de démonstration pour la sensibilisation du public et des décideurs.

Selon Simon Potts, professeur de biodiversité à la Reading University, explique que comprendre la santé des abeilles revient un peu à faire un diagnostic de médecin généraliste, qui vérifie un ensemble de variables comme la pression artérielle ou la température du patient.

« C'est un mélange très subtil d'indicateurs qui permet de déterminer si un essaim est en bonne santé ou non », explique le professeur. « Nous utilisons des capteurs pour collecter une grande quantité de données sur toutes ces petites choses, puis nous cherchons des corrélations et des schémas récurrents dans tout cet écosystème pour trouver les bons indicateurs de santé ».

Par exemple, les capteurs acoustiques ont permis de déterminer que l'augmentation de l'intensité des basses fréquences signifiait qu'une colonie s'apprêtait à constituer un nouvel essaim. L'information est intéressante pour l'apiculteur qui peut capturer cet essaim et le mettre dans une nouvelle ruche pour augmenter la production de miel et la pollinisation.

A l'inverse, une augmentation significative du niveau de bruit marque une agitation d'une colonie quand la ruche est attaquée par un frelon. Un frelon peut décimer une colonie en quelques minutes en tuant la reine mère. Le système connecté peut alors envoyer une alerte sur le smartphone de l'apiculteur pour qu'il puisse prendre les mesures appropriées contre les frelons.

Un gros pot de Edge Computing et de Big Data

Selon Sabiha Rumani Malik, fondatrice du World Bee Project, le but du réseau est de produire beaucoup plus de données et d'en tirer plus d'enseignements.

« Le cloud d'Oracle nous a permis d'atteindre un autre niveau », se réjouit-elle. « On ne peut pas progresser sans données - nous avons besoin de preuves et de savoirs ».

A date, chaque ruche génère environ un million de données par jour. Soit un historique de plusieurs milliards de lignes aujourd'hui pour l'ensemble du réseau. Concrètement, les données sont prétraitées directement par le capteur (Edge Computing), puis envoyées au cloud d'Oracle où elles sont retravaillées avant d'être injectées dans un Data Lake.

Puis, via un connecteur, elles sont ingérées dans une base autonome (Oracle Autonomous Database) où elles alimentent des algorithmes de Machine Learning - plus exactement où elles participent à l'entraînement d'un réseau de neurones artificiels.

« Avec une telle masse d'informations et un tel niveau de vélocité, cela revient un peu à chercher une aiguille dans une botte de foin », compare John Abel, VP en charge du cloud et de l'innovation chez Oracle.

Mais, ajoute-t-il, plus les données affluent dans le système, plus celui-ci est capable d'identifier des récurrences et plus il améliore ses capacités prédictives et ses diagnostics.

Une menace aussi pour l'humanité

Cette meilleure compréhension devrait - espère-t-on - faciliter la protection de la population mondiale d'abeilles, qui est en baisse constante depuis les années 1950 passant d'environ 330 000 ruches à seulement un peu plus de 100 000 au début des années 2000.

La menace vient de ce que Simon Potts qualifie de « cocktail mortel » de facteurs, un mélange de destruction des habitats, d'utilisation croissante des pesticides dans l'agriculture moderne, de changement climatique et de multiplication des bioagresseurs (nuisibles, vermines, etc.) et des maladies.

« 77 % de toute la nourriture que nous mangeons dépend des abeilles et des autres pollinisateurs. »
Simon PottsProfesseur de biodiversité, Reading University

« Nous avons récemment connu une légère remontée, mais nous sommes loin du niveau où nous voulons être - ou nous devrions être », constate le professeur qui souligne que l'impact économique et agricole de la perte des abeilles serait catastrophique. « Pour remettre les choses dans leur contexte, 77 % de toute la nourriture que nous mangeons dépend des abeilles et des autres pollinisateurs ». Leur disparition aurait un impact direct sur la santé humaine.

Prochaine étape du projet

La suite du programme d'Oracle et du World Bee Project passera donc par 30 ruches supplémentaires - qui seront dévoilées ultérieurement - pour développer des solutions grâce à une recherche scientifique approfondie.

Cette recherche scientifique prendra du temps, prévient John Abel d'Oracle. Les experts voudront pouvoir requêter un ensemble de données de très haute qualité avant d'avoir des résultats probants et de les valider. Mais il reste optimiste sur le fait que les données seront en mesure d'offrir des perspectives et des enseignements uniques sur la vie des abeilles.

« C'est un processus qui ne s'arrête jamais », constate-t-il. « Nous avons une preuve de faisabilité ; maintenant nous devons améliorer tout cela et monter en puissance avec les étapes de développement et de validation ».

De son côté, le professeur Simon Potts pense que ces recherches et cette collaboration technologique auront des bénéfices au-delà du milieu universitaire et du monde du miel. « Pour tous les agriculteurs, cela peut aider à surveiller et à sécuriser la production alimentaire. Et pour les décideurs politiques, cela peut aider à surveiller la santé des populations locales de pollinisateurs ».

« Nous voulons ces outils pour que tous ces groupes puissent les utiliser, parce que nous luttons tous pour la santé des abeilles », conclut-il.

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