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IA dans les PME et ETI : une adoption en demi-teinte (Bpifrance)
Une majorité de dirigeants de PME et d’ETI françaises percevraient l’IA comme un enjeu stratégique, voire vital, à moyen terme. Mais l’adoption opérationnelle resterait freinée par des obstacles structurels, économiques et humains.
Les promesses de l’intelligence artificielle (IA) sont nombreuses. Mais la réalité terrain dans les entreprises françaises de taille intermédiaire s’avérerait plus nuancée. Selon une enquête menée par Bpifrance Le Lab (publiée en juin 2025) auprès de 1 209 dirigeants de PME et ETI, 58 % d’entre eux estimeraient que l’IA est « importante, voire très importante » pour la pérennité de leur entreprise à un horizon de trois à cinq ans. Pourtant, seuls 43 % auraient défini une véritable stratégie IA.
Concernant la vague d’lA générative (GenAI), à peine un quart (26 %) utiliseraient concrètement cette technologie. Et parmi ceux qui ont franchi le pas, la moitié se contenteraient de solutions gratuites ou prêtes à l’emploi, sans personnalisation métier ni intégration poussée dans leurs processus.
Cette proportion d’utilisation de la GenAI est encore modeste, mais, dans une vision plus optimiste, elle est déjà supérieure à celle des entreprises qui utilisent une IA non générative (16 %).
Les entreprises optimisent plus qu’elles ne se transforment avec l’IA
Globalement, l’approche des PME et ETI françaises restent avant tout défensives.
L’IA est avant tout perçue comme un levier d’optimisation : réduction des coûts, automatisation, performance opérationnelle. Moins de la moitié des répondants (54 %) y voient un potentiel de développement commercial ou d’ouverture de nouveaux marchés.
La « révolution des usages » annoncée par les technologies d’IA reste donc largement à concrétiser dans le tissu entrepreneurial français. « Beaucoup de dirigeants sont encore sans boussole stratégique dans cet environnement technologique aussi mouvant que complexe », constate Élise Tissier, directrice de Bpifrance Le Lab.
Les freins les plus souvent cités concernent les coûts, jugés trop élevés, le manque de cas d’usage identifiés, et la complexité à structurer une stratégie data préalable.
Sur ce dernier point, 43 % des PME et ETI ne réaliseraient aucune analyse de leurs données. Or exploiter et déployer l’IA est fortement corrélé à cette « fondation ».
« Une entreprise engagée dans la digitalisation est 5 fois plus susceptible d’utiliser une IA, et une entreprise réalisant des analyses de données est 2,5 fois plus susceptible d’utiliser une IA », note Bpifrance.
Des clivages générationnels, sectoriels et sociaux marqués
L’étude met également en lumière d’importants écarts selon le profil des dirigeants.
Les plus jeunes, les plus diplômés et les hommes auraient tendance à adopter l’IA plus rapidement. 67 % des moins de 35 ans utiliseraient l’IA générative dans leur travail quotidien, contre 46 % chez les plus de 45 ans. Les dirigeantes seraient également sous-représentées dans les entreprises dites « innovatrices ».
Sur le plan sectoriel, les usages sont très hétérogènes. Les technologies de l’information, les services aux entreprises, la finance et l’assurance figurent parmi les plus avancés.
À l’opposé, les secteurs du transport, de la construction ou du commerce resteraient en retrait.
Quatre profils de dirigeants émergent dans l’étude : les « Sceptiques » (27 %), peu ou pas convaincus de l’intérêt de l’IA ; les « Bloqués » (26 %), conscients des enjeux, mais paralysés par un manque de moyens ; les « Expérimentateurs » (28 %), ouverts, mais limités dans le déploiement ; et les « Innovateurs » (19 %), déjà structurés et stratégiques dans leur approche.
Un appel à l’accompagnement stratégique
Bpifrance insiste sur l’importance d’un accompagnement ciblé pour faire passer les PME-ETI d’une logique d’expérimentation à une adoption structurée, qui prendrait plus en compte les priorités métiers.
La première étape reste, encore et toujours, un travail sur la « culture de la donnée ». Viennent ensuite la formation des équipes, l’implication des directions opérationnelles, et la création de cas d’usage avec un ROI mesurable et un réel impact métier.
« L’adoption de l’IA va bien au-delà d’une simple question technologique », résume Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance. « Les entreprises qui en tirent profit sont celles qui l’intègrent stratégiquement pour renforcer leur avantage compétitif. »
L’étude souligne, enfin, que dans les PME et les ETI, l’IA ne sera pas une rupture, mais plus une transformation, progressive. Celle-ci dépendra de la maturité numérique des organisations, de l’implication des employés et de la direction, et « last but not least » de la qualité de l’accompagnement qui sera proposé.
Des recommandations qui sont d’ailleurs à la base du plan de l’État « Osez l’IA », dévoilé dans la foulée de cette étude.