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Comment Pierre & Vacances a fait le choix du multicloud

Pierre & Vacances Center Parcs a initié son voyage vers le cloud en 2020 et prévoit de le terminer en 2025. Entretemps, il organise des vacances définitives pour son Exadata X5-2 et certains de ses serveurs, remplacés avantageusement par l’offre multicloud d’Oracle OCI et de Microsoft Azure.

Au travers de ses marques Pierre & Vacances, Center Parcs, mais aussi Adagio et Maeva, le leader européen du tourisme de proximité emploie plus de 12 200 collaborateurs. Il propose trois lignes de produits : des résidences, des villages dans des domaines préservés, et des appartements hôtels. Au total, son parc compte plus 43 500 appartements répartis sur 284 sites.

Après dix exercices déficitaires consécutifs, et une année 2020/2021 difficile marquée par la crise du COVID, le groupe a renoué avec la croissance en 2022.

Entretemps, le spécialiste de la résidence de tourisme a connu une restructuration difficile, un sauvetage même, selon la presse économique. Les fonds d’investissements britanniques Fidera et Alecentra, au côté de l’investisseur en immobilier Atream, sont devenus les principaux actionnaires du groupe en mars 2022.

Au début de l’année 2021, Franck Gervais, directeur général de Pierre & Vacances Center Parcs a succédé à Yann Caillère. L’ancien directeur arrivé en 2019 avait mis en place le plan Change Up, afin d’entraîner une « modernisation radicale et une montée en gamme généralisée » de l’offre d’hébergement et de services du groupe.

Franck Gervais inscrit sa stratégie dans la droite lignée de ce plan et y ajoute une dimension (éco) responsable à travers le plan stratégique « Réinvention 2025 ».

Le numérique, un vecteur de croissance important pour Pierre & Vacances

Cette modernisation de l’activité s’accompagne d’une évolution en profondeur des SI du groupe.

Déjà, dans le document de présentation du plan Change Up, PVCP avançait sa volonté « d’améliorer et simplifier l’expérience client sur le mobile » qui représentait, en 2020, 70 % du trafic de ses sites Web. Outre un effort sur les parcours clients et la refonte de l’UX, l’entreprise notait que l’analytique en temps réel et à large échelle permet de générer des revenus importants (le document évoque quelque 16 millions d’euros engrangés grâce aux procédures d’A/B testing en 2019).

C’est dans ce contexte qu’à la fin de l’année 2019, le besoin s’est fait sentir « de lancer un plan global de rationalisation des infrastructures IT », rapporte Ernesto Pereira, responsable de la gestion des systèmes chez le groupe Pierre & Vacances Center Parcs. « Ce service comporte deux pôles, l’exploitation avec un support applicatif 24/24 et l’administration des bases de données », indique-t-il.

Cette réflexion commence par le fait de déterminer si oui ou non, il convenait de renouveler les équipements Oracle Exadata X5-2 achetés en 2016. Le matériel commençait à être obsolète, tandis que le coût de son support annuel pesait sur le budget de la DSI.

Une option est apparue au fil des discussions. « Il y avait l’opportunité de trouver un ROI entre l’acquisition de nouveau matériel on premise et une migration vers le cloud », constate Ernesto Pereira.

Son équipe – tout comme Christian Kuttler, DSI du groupe, et Audrey Brayer, la DSIO – en est venue à la conclusion qu’une migration progressive vers le cloud permettrait de « gagner en souplesse et en agilité dans la gestion des équipements ».

Des impératifs opérationnels et financiers

En effet, le groupe Pierre & Vacances avait également la volonté de réduire l’empreinte de ses deux data centers, dans le cadre d’une démarche RSE. En migrant vers le cloud, l’entreprise envisage, à terme, de fermer un des centres de données. Oui, mais quel cloud ?

Les instances Exadata motorisent principalement les bases de données Oracle. « Le groupe déploie d’autres bases de données en fonction des besoins et des projets, MSSQL, PostgreSQL, MariaDB, MySQL notamment pour les plus connus », précise Ernesto Pereira.

La DSI aurait pu décider de migrer ses SGBD et ses applications vers les services d’AWS, de Microsoft Azure ou de GCP, et dans la foulée opter pour d’autres technologies.

Plusieurs facteurs ont orienté sa décision. Bien qu’un tel mouvement vers le cloud ne se fasse pas en un jour, la DSI de Pierre & Vacances devait encourager une transition rapide. « Le projet de base était de faire du Lift & Shift sans replatforming de nos applications », rappelle Ernesto Pereira.

Aussi, les différentes applications métiers, critiques pour le groupe, ont une « forte adhérence » avec les SGBD Oracle. « Plus de 80 bases de données sont concernées ». L’outil de réservation Pierre & Vacances, Polo, le calcul de catalogues pour les différentes résidences, « par exemple les prix pour Booking.com, entre autres », des AS400, des ESB, l’ERP SAP, ou encore les outils ETL de Talend s’appuient sur ces bases de données Oracle. Les applications associées sont utilisées par des milliers d’utilisateurs et manipulent les données d’environ 8 millions de clients.

« Une architecture autour d’un Exadata donne des garanties de continuité et de résilience ».
Ernesto PereiraResponsable System Management, Pierre & Vacances

« La question se pose pour quelques applications moins critiques de migrer vers d’autres bdd, notamment vers PostgreSQL », envisage le responsable.

De plus, les compétences en interne ont acquis une bonne connaissance des technologies Oracle. La DSI aurait pu orienter la migration de ces bases de données en BYOL vers les services d’un des trois géants du cloud, mais elle avait fait la preuve par le passé qu’une « architecture autour d’un Exadata donne des garanties de continuité et de résilience ». Celle précédemment mise en place avait connu « très peu d’incidents critiques ».

Or le seul fournisseur à offrir des instances propulsées par des machines Exadata n’est autre qu’Oracle Cloud Infrastructure (OCI). Toutefois, PVCP n’est pas partie de but en blanc sur OCI.

Pour rappel, en juin 2019, Oracle et Microsoft ont signé un partenariat pour connecter directement leurs datacenters respectifs dans certaines localités, une option disponible dès le mois de septembre de la même année au Royaume-Uni. Oracle met en place un réseau dédié - nommé Fast Connect, entre deux data centers géographiquement proches – auquel se greffe la passerelle de réseau virtuel ExpressRoute d’Azure généralement hébergée dans les datacenters d’Equinix.

Cette option proposée par Oracle à son client a suscité son intérêt. Il s’agissait alors de migrer la plupart des bases de données vers OCI, plus précisément sur des instances Exadata X8M, et les applications sur des machines virtuelles hébergées sur Azure.

« Nous avions besoin d’un certain type de machines que nous n’avions pas chez OCI (entre autres) ».
Ernesto PereiraResponsable System Management, Pierre & Vacances

« Nous avions besoin d’un certain type de machines que nous n’avions pas chez OCI (entre autres) », explique Ernesto Pereira. « Nous avons entrepris dans un premier temps de faire un POC chez Azure/OCI pour vérifier que nos applications étaient éligibles », ajoute-t-il.

En 2020, cinq applications pilotes sont testées. Les essais sont concluants. La connexion entre deux datacenters d’OCI et d’Azure des régions cloud voisines choisies par Pierre & Vacances offrait une latence de moins de dix millisecondes.

Un voyage réussi, malgré la COVID (car bien planifié)

Il fallait maintenant organiser ce voyage. « Passer cette phase de test, nous nous sommes organisés autour d’une gouvernance interne », poursuit le responsable de la gestion des systèmes.

La DSI s’est occupée d’identifier et de distribuer les rôles en interne. Avec ses partenaires, elle a planifié les workshops de travail. En parallèle, elle a « mis en place une gouvernance autour de la gestion du projet et du FinOps ».

« Il est important de préparer en amont la gouvernance du projet et de bien réfléchir à l’architecture et de penser au suivi budgétaire », conseille Ernesto Pereira.

Concernant la migration des bases de données, des membres des équipes internes ont été épaulés par Oracle. « En avance de phase et avant migration de nos bases de données, nous avons monté de version les bases en 12c vers des moutures 19c », indique le responsable. Oracle a, entre autres, conduit les études pour adapter les charges de travail à l’architecture X8M hébergée sur OCI.

 Pour mener à bien la migration des applications sur Azure, PVCP a fait appel à l’aide d’Exakis Nelite, un spécialiste français des technologies cloud de Microsoft.

Après cette phase d’organisation menée au cours de l’année 2020, Pierre & Vacances Center Parcs a mené une première phase de migration portant sur un périmètre de 300 VM et de 50 bases de données au cours de l’année 2021. Et ce, malgré la COVID.

En effet, le groupe a souhaité poursuivre les projets de transformation numérique. Dans le bilan financier 2020/2021, PVCP rapporte qu’il a investi sur cette période environ 5,2 millions d’euros dans ses « systèmes informatiques (améliorations techniques et fonctionnelles, serveurs informatiques, sites Web, CRM…) ».

De son côté, Ernesto Pereira note des gains de performance et de montée à l’échelle. « Il y a trois générations entre les X5-2 et le X8M, les performances ne peuvent être que meilleures », assure-t-il. Le comparatif demeure complexe, puisque – au vu de l’hybridation de l’architecture cloud – les « workflows ne sont plus les mêmes. L’avantage, c’est surtout la scalabilité de la plateforme ».

Concernant la gestion des bases de données, les gains opérationnels, eux, sont probants. « Le patching se fait en journée et sans intervention de notre part », se réjouit Ernesto Pereira. En clair, il n’y a pas d’interruption de service lors de cette phase de « rolling update ».

Un fort accent mis sur l’approche FinOps

 De manière plus générale, l’évolution des SI du groupe a déjà des effets positifs sur son activité. Dans le bilan financier 2021/2022, PVCP rapporte que la numérisation de l’expérience client et sa stratégie commerciale revisitée ont permis une hausse de la satisfaction client de 15 points et que 48 % de ses ventes directes (80 % de son chiffre d’affaires) s’effectuent désormais sur le Web.

« Un comité FinOps a été créé de façon hebdomadaire dans le but de suivre et d’ajuster les coûts par répartition et de les imputer aux demandeurs ».
Ernesto PereiraResponsable System Management, Pierre & Vacances

Dans un même temps, il y a une volonté affichée de réduire les coûts de fonctionnement. Est inscrite dans le plan Réinvention la volonté de réduire de 13 millions d’euros les dépenses dans les outils informatiques d’ici à 2025.

Justement, l’année 2022 a été l’occasion pour Pierre & Vacances de surveiller et de contrôler ses nouvelles instances récemment hébergées en cloud. « Nous avons créé en fonction de nos métiers, via les applications des ressources groupe, afin de suivre les coûts et dépenses liés au cloud », explique Ernesto Pereira. « Un comité FinOps a été créé de façon hebdomadaire dans le but de suivre et d’ajuster les coûts par répartition et de les imputer aux demandeurs ».

Pour la DSI du leader européen du tourisme, 2023 est l’année de la reprise de la migration vers le cloud. Il s’agit de terminer la transhumance de 20 bases de données Oracle vers OCI et il reste « environ 184 VM » à basculer sur Microsoft Azure. Le projet est d’éteindre l’Exadata on premise d’ici à la fin de l’année, puis de terminer le « move to cloud » d’ici à 2025. En tout cas, Pierre & Vacances est prêt pour la fin du voyage : la DSI a déjà noté les dates dans son planning prévisionnel.

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