Rio Tinto : du fond de la mine à la pointe de l'IT

Le géant de l'extraction minière a créé un cercle vertueux entre la transformation de ses RH et celle, globale, de ses métiers. L'unification de son SIRH dans le cloud s'est fait en préservant des marges de manœuvre locales pour ne pas perdre en flexibilité opérationnelle.

On pourrait imaginer qu'une entreprise qui fait de l'extraction minière est plutôt conservatrice. « Il n'y a pas de nouveautés tous les jours », admet le Directeur SIRH et Planning de Rio Tinto, Rémi Lévêque. Et pourtant.

Pourtant, derrière cet apparent traditionalisme (pourquoi changer des pratiques robustes dans un environnement industriel), se cache en fait « une très grande agilité au niveau des procédés et de l'utilisation de la technologie ».

Pour accompagner la transformation IT de la multinationale - assez peu connue en France mais avec une présence et une notoriété très forte en Australie et au Canada - sa DRH a entamé sa propre transformation, en amont, il y a quatre ans.

Une entreprise traditionnelle à la pointe de l'IT

« Nous avons des camions de 350 tonnes sans chauffeur qui font une hauteur de cinq étages et qui sont pilotés à 1500 kilomètres de distance. Nous avons des drones pour gérer la configuration de la mine, des trains sans chauffeur, de la réalité augmentée (AR) pour que les géologues voient où sont les gisements et comment avancer dans la mine », liste Rémi Lévêque. « Nous avons un usage technologique très développé et très orienté process et opérationnel [...] La transformation, on en fait tout le temps », résume-t-il. « Utiliser l'informatique pour améliorer les process c'est quelque chose de classique. Je pense que l'un des enjeux aujourd'hui c'est qu'il y a une accélération et que cela touche des domaines qui, jusqu'à présent, étaient épargnés ».

A posteriori, les choses semblent simples. Mais en réalité, cette transformation numérique pose une question permanente : celles des compétences à venir et de leur recrutement. De sorte que la problématique RH précède la problématique IT.

« De quels métiers allons-nous avoir besoin ? Par exemple, nous allons avoir besoin de moins de chauffeurs, mais de plus de pilotes de drones et de plus de compétences pour gérer un centre de contrôle à 1500 kilomètres de la mine [...] Le vrai défi aujourd'hui c'est de définir où nous allons, pour déterminer les compétences dont on va avoir besoin ».

Or dans un contexte mouvant, « il y a beaucoup d'interrogations. Il ne s'agit pas de regarder dans une boule de cristal, mais il faut faire l'effort pour aller dans la bonne direction ».

Transformation des RH

Le premier chantier de transformation a donc touché les RH. « Notre alignement avec les métiers est bon. C'est probablement lié au fait que nous avons également enclenché une transformation digitale de notre fonction », analyse Rémi Lévêque. « Nous sommes dans une optique plus proactive où les RH essayent d'aider le reste de l'organisation à se transformer ».

« Les deux vont de paire : la transformation de la fonction RH, et la transformation digitale de l'entreprise dans laquelle les RH doit jouer un rôle d'accompagnement »
Rémi Lévêque, Rio Tinto

Un autre élément RH clef de l'évolution technologique de Rio Tinto a été la conduite du changement. « C'est une vraie opportunité pour les Ressources Humaines. Nous sommes probablement les mieux placés dans l'organisation pour accompagner les différentes entités opérationnelles [...] Les deux aspects vont de paire : la transformation de la fonction RH, et la transformation digitale de l'entreprise dans laquelle les RH doit jouer un rôle d'accompagnement ».

La transformation des RH commence il y a un peu plus de 3 ans, « de manière volontariste ».

L'ensemble de l'organisation est revu. Tous les employés RH ont dû re-postuler sur une nouvelle structure repensée à partir d'une page blanche. « Nous avons repensé nos process [en redistribuant] les rôles et les responsabilités entre les services partagés (NDR : livraison des services RH) et les centres d'excellence, qui appuient les métiers. C'est assez classique en soi comme modèle, mais nous l'avons repensé process par process ».

Cornerstone OnDemand

Puis est arrivé le volet de l'outillage. Rio Tinto sélectionne une des entreprises montant du SIRH en mode SaaS : Cornerstone OnDemand. Et prend tous les modules.

« La spécificité de notre projet est d'avoir géré cela de manière globale, avec la volonté de traiter toutes les activités RH de toutes les zones géographiques. En revanche, nous avons fait attention de ne pas aller trop loin dans la standardisation ».

Certaines procédures sont par nature globales, comme la revue de salaire des managers (20.000 chez Rio Tinto). « Elle s'applique pour tout le monde, que vous soyez dans nos gros pays comme l'Australie ou le Canada, ou [dans les moins gros comme] au Chili et au Mozambique ».

D'autres actions ont besoin d'être plus localisées avec une marge de manœuvre laissée au pays, comme pour le recrutement. « L'approche n'est pas la même quand on recrute en Islande, sur un petit marché de 300.000 habitants et quand on recrute en Australie ».

Lors du choix de l'outil SaaS, Rio Tinto souhaite donc une solution qui permette de faire les deux. Et d'améliorer la formation. Sans sacrifier les fondamentaux des RH.

« On ne peut par parler du 21ème siècle aux métiers si nous ne sommes pas capables de sortir la feuille de paie du mois dernier »
Rémi Lévêque, Rio Tinto

« La crédibilité de notre fonction implique que le côté administratif fonctionne », insiste-t-il. « Si les feuilles de paie sont fausses ou que le recrutement ne s'en sort pas, on n'est pas crédible quand on va voir les métiers. On ne peut par leur parler du 21ème siècle si nous ne sommes pas capables de leur sortir la feuille de paie du mois dernier ».

Mais quand l'administratif fonctionne, pour Rémi Lévêque, les RH sont en position de force dans la stratégie de transformation numérique. « Quand on regarde l'histoire, il y a quelques années, la RH ne s'appelait pas Ressources Humaines. Elles s'appelaient "Administration du Personnel". On en est sorti par le haut. La transformation digitale doit nous permettre d'aller un cran plus loin, parce que nous sommes les mieux placés pour aider à bâtir les nouvelles compétences, pour mettre de l'agilité, pour aider la transformation de l'organisation, et aider les employés à être moins rigides et plus en mode projet ».

Pour soutenir la transformation globale, la RH dispose de fait de nombreux leviers - dont les évaluations de performance (pour la progression de carrière des éléments les plus prometteurs) et les modèles de rémunération. A conditions qu'ils soient efficaces, ce qui suppose un outil SIRH adapté.

« La RH est la mieux placée pour aider à bâtir les nouvelles compétences, pour mettre de l'agilité, pour aider la transformation de l'organisation, et aider les employés à être moins rigides et plus en mode projet »
Rémi Lévêque, Rio Tinto

A la question de pourquoi Cornerstone (plutôt qu'un SAP ou un Ultimate Software), le Directeur SIRH et Planning de Rio Tinto revient sur la méthodologie employée : « Nous avions revu et réfléchi à nos process RH. Quelles activités devaient faire les managers, les leaders, les employés ? Nous avons réfléchi à l'utilisation du service partagé, etc. Cela nous a donné une liste de besoins sur le recrutement, la rémunération, la formation, la gestion des talents et des performances ».

Une fois cette liste établie, Rio Tinto a lancé un appel d'offres global auprès des principaux fournisseurs de solutions SIRH. « Puis on a fait une évaluation. Il n'y a aucun fournisseur qui est le meilleur partout, mais en comparant les avantages et les inconvénients, on a choisi Cornerstone ». L'élément de flexibilité sur des besoins spécifiques a, semble-t-il, aussi joué à plein en faveur de Cornerstone. « Nous n'arrivions pas forcément au même résultat de la même manière avec les autres fournisseurs ».

La migration de toutes les solutions RH vers le prestataire SaaS a ensuite pris 18 mois.

Soutien du Top Management

Le cercle vertueux entre transformation des RH et transformation numérique du groupe est soutenu au plus haut niveau de la multinationale.

« Nous sommes dans un groupe qui bouge. Nous avons un nouveau PDG depuis deux ans, qui insuffle du volontarisme. Cela se traduit à tous les niveaux ».

Au niveau des ressources humaines, donc, mais pas que. « Par exemple dans la manière de communiquer de notre nouveau PDG. Nous avons lancé Yammer (NDR : le RSE de Microsoft). Il communique dans tous les sens avec ça. Il a annoncé qu'il n'enverrait plus de mail. A partir de maintenant, tout sera dans Yammer ».

Résultat, « ceux qui n'y seront pas n'auront pas d'infos ». Côté positif, Yammer diffuse une culture de la collaboration en interne.

Prochaine étape : dépoussiérer les entretiens de performances

Une des prochaines étapes du cercle vertueux entre transformation RH et transformation numérique va toucher aux entretiens de performances. Ceux-ci se font deux fois par an chez Rio Tinto. Ils impactent les bonus et la revue de la rémunération salariale.

« Mais on se demande si c'est vraiment ce qu'il nous faut », s’interroge Rémi Lévêque, qui répond à la question dans la foulée : « ce n'est probablement pas la bonne approche ».

« La démarche me parait intéressante : aller chercher les besoins utilisateurs, les mettre au centre de la réflexion, faire des tests avec des PoC, accepter de se tromper et prévoir qu'il y aura de la flexibilité et non une réponse unique »
Rémi Lévêque, Rio Tinto

De ce constat nait le projet de lancer autre chose. Mais quoi ?

De manière originale, la réponse ne viendra pas des RH, en tout cas pas des RH seules.

« Nous avons lancé une cinquantaine d'ateliers de Design Thinking partout dans le monde pour faire ressortir les attentes [au sein de Rio Tinto], et voir comment faire évoluer ce process pour qu'il soit vraiment pertinent. [...] Auparavant on aurait mis trois DRH et un manager dans un bureau. Là on est allé le chercher sur le terrain [...] La démarche me parait intéressante : aller chercher les besoins utilisateurs, les mettre au centre de la réflexion, faire des tests avec des PoC [preuve de concept] et accepter de se tromper ».

La réflexion sur ces entretiens de performances - qui seront nécessairement très liés au nouvel outil Cornerstone - est en cours. L'objectif est d'arriver, à partir de ces retours, à des conclusions en septembre et de faire des recommandations pour 2019.

Rémi Lévêque estime que le résultat est à l'image de la démarche : original.

« Nous sommes ressortis avec plusieurs solutions possibles, pas forcément la solution. Là aussi je pense que c'est quelque chose de nouveau en terme d'approche [...] En fonction du positionnement de l'unité d'affaires, une électrolyse au milieu du Canada n'a pas forcément les mêmes besoins que la mine d'uranium que l'on a en Namibie. Donc à partir du moment où les principes sont respectés, et que l'objectif de cette évaluation de performance d'un point de vue business est atteint, on peut laisser plus de choix au niveau manager ou patron de l'usine ».

Et de conclure : « On est à la croisée des chemins... mais la sortie risque d'être plusieurs chemins ».

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