Franck Cohen, SAP : "In-Memory, c'est l'antithèse d'Oracle"

Successeur de José Duarte à la tête de SAP pour la zone EMEA (Europe, Moyen-Orient, Afrique), après en avoir été le bras droit, Franck Cohen détaille les ambitions du premier éditeur européen en 2011. Accélération de la croissance dans les pays d'Europe du Sud, déploiements de In-Memory, nouvelles synergies entre les produits Sybase et SAP (autour de IQ et de la BI) : ce bon connaisseur du marché de l'ERP - il a passé de nombreuses années chez Intentia puis chez Lawson - livre quelques unes des dernières orientations de l'éditeur.

LeMagIT : Quel bilan tirez-vous de l'activité dans la zone EMEA (Europe, Moyen-Orient, Afrique) en 2010 ?

Franck Cohen : Afficher une croissance à deux chiffres (17 %, NDLR) dans une année de transition comme 2010 est une satisfaction. Tout comme le chiffre de progression des ventes de licences sur l'année : +21 %. La dynamique est également positive car le second semestre a été particulièrement prometteur. L'Europe du Nord est clairement en avance par rapport à l'Europe du Sud, où la croissance a été plus molle et limitée à un chiffre. En 2011, si on oublie les inquiétudes macro-économiques, l'objectif est d'assurer le rattrapage des pays du Sud par rapport à ceux du Nord, pour que la zone devienne un réel poumon de croissance. Le groupe a fixé un objectif de croissance des ventes de licences allant de 10 à 14 % sur l'année. Mon objectif est bien sûr que la zone EMEA se situe dans le haut de la fourchette.

LeMagIT : A  cet égard, comment jugez-vous les résultats de la filiale française ?

F.C. : On peut mieux faire. Le second semestre a toutefois été bien meilleur, avec l'arrivée d'un nouveau management (le dirigeant de la filiale, Nicolas Sekkaki, est arrivé en février dernier en provenance d'IBM).

LeMagIT : Vous mentionnez les éléments macro-économiques comme susceptibles d'altérer vos prévisions de croissance...

F.C. : La crise de la dette dans la zone euro et la situation au Moyen-Orient sont préoccupantes. Si une nouvelle crispation des marchés à l'égard par l'exemple de l'Espagne ou du Portugal survenait, cela aurait des répercussions sur les dépenses du secteur public, donc également sur notre activité. Concernant la situation au Moyen-Orient, nous avons certes effectué des investissements récents en Egypte, mais ceux-ci restent limités tout comme notre activité sur place. Par contre, un effet de contagion à d'autres pays de la région serait à coup sûr une réelle menace.

LeMagIT : Le marché traditionnel de l'ERP apparaît saturé. Où SAP va-t-il aller chercher sa croissance à deux chiffres ?

F.C. : D'abord, SAP doit parvenir à étendre ses solutions verticales, centrées sur les besoins de telle ou telle industrie, auprès de ses clients. Car notre porte-feuille de produits en la matière est très large. D'autre part, le marché va tout de même être animé par le cycle de remplacement des ERP installés à la fin des années 90 et qui arrivent aujourd'hui en fin de vie. Enfin, nous avons amené des innovations sur le marché. D'ici quatre à cinq ans, on peut anticiper une migration assez large vers nos systèmes In-Memory.

LeMagIT : Cette approche In-Memory, qui se traduit par une convergence de la base de données transactionnelle et du datawarehouse, suscite tout de même des réticences ou au minimum de la prudence chez vos grands clients...

F.C. : Les clients sont prudents certes, mais aussi intéressés par l'approche. L'adoption du In-Memory dépendra bien sûr de ce facteur, mais aussi de la baisse des prix des mémoires. Aujourd'hui, nous avons commencé à déployer cette approche sur le décisionnel, parce qu'il s'agissait de l'usage le plus évident. Avec déjà des résultats : le Groupe Casino s'est ainsi lancé, via cette approche, dans un projet visant à croiser en temps réel 15 millions de profils - ceux de ses clients - avec les 500 000 produits présents dans ses rayons. Ce profiling individuel, visant à fournir des promotions réellement adaptées à chaque client, n'est possible que grâce aux technologies In-Memory. Dès cette année, d'autres solutions verront le jour par exemple autour de la gestion des effectifs, afin par exemple de reprogrammer en temps réel des tournées de livraison.

LeMagIT : Cela ressemble aussi au virage pris par Oracle avec ses solutions intégrées, comme Exadata...

F.C. : Pour moi, In-Memory, c'est au contraire l'inverse de ce que propose Oracle. Notre objectif consiste à se passer de base de données et à se baser sur des architectures matérielles standards, il est donc très différent de celui d'Oracle.

LeMagIT : Trouvez-vous que SAP aille assez vite dans son virage vers le Saas ?

F.C. : Non bien entendu. Il est d'ailleurs temps de combler ce retard. Nous entendons mettre les bouchées double sur notre ERP pour PME en mode Saas, Business ByDesign, où nous visons quelques centaines de nouveaux clients en Europe en 2011, ainsi que sur nos offres On Demand. En Europe, nous avons d'ailleurs créé une structure dédiée afin de se focaliser davantage sur ces offres en mode Saas.

LeMagIT : SAP a-t-il une organisation adaptée à ce bouleversement du marché, recentré sur des affaires plus petites ? Votre histoire tourne plutôt autour de grands contrats avec des multinationales...

F.C. : De facto, le marché a déjà changé et nous nous sommes déjà adaptés. En 2010, le nombre de transactions a augmenté de 30 % alors que le chiffre d'affaires ne progressait que de 10 %. Nous avons ainsi déjà créé une structure de télévente, pour cibler les PME-PMI. Toutefois, SAP continue à penser que les entreprises ont besoin de projets de transformation, même si elles ont moins d'appétits pour les grands projets de restructuration. Nous sommes déjà prêts pour cela.

LeMagIT : Comment s'organise la collaboration entre les équipes de Sybase et de SAP en Europe ?

F.C. : Nous conservons les deux activités en parallèle. Les deux entreprises sont complémentaires sur le marché de la mobilité. Notre objectif est de développer des applicatifs mobiles grâce aux technologies de Sybase, car nous pensons que les entreprises vont devoir faire cohabiter - et orchestrer - des applications tournant sur site, en mode Saas et sur des plates-formes mobiles.
En 2011, nous envisageons également de promouvoir Sybase IQ (entrepôt de données, utilisant le stockage en colonnes, NDLR) au sein de notre offre BI partout dans le monde. Dans nombre de cas, nous proposerons des offres couplées rassemblant IQ et nos outils de BI. IQ va également se rapprocher de nos solutions d'EIM (Entreprise Information Management, les offres de GED de SAP, NDLR).

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