Cession annoncée d'Alcatel-Lucent Entreprise

Dans un courrier aux autorités de régulation des marchés financiers, Alcatel indique étudier toutes les options stratégiques pour son activité Entreprise et confirme notamment des discussions avec des tiers pour ce qui pourrait se terminer par une éventuelle cession. Nos confrères de SearchNetworking font le point avec Steve Hilton, le directeur des études entreprises du cabinet Analysys Mason.

Après des mois de spéculations, l'équipementier réseaux franco-américain Alcatel-Lucent a déclaré dans une lettre aux autorités de régulation de marché françaises qu'il entend «examiner toutes les options stratégiques" pour l'avenir de son activité entreprises. La division Entreprises d'Alcatel-Lucent comprend notamment Genesys, qui fournit des systèmes de centres de contact, ainsi que les activités de réseaux LAN / WLAN et les systèmes de ToIP d'entreprises de la firme. On ne sait pas, pour l'instant, si Alcatel-Lucent entend vendre cette division par appartement ou en totalité, ou s'il a d'autres plans pour l'entité. Des discussions seraient en cours avec plusieurs tiers et avec les représentants du personnel.

Selon, Reuters, la société de capital-risque Permira aurait fait une offre de 1,3 milliard de dollars pour cette activité. Pourtant, un certain nombre de tiers pourraient être intéressés, y compris des constructeurs cherchant à muscler leur offre de communication et de réseau, à l'instar de ce que vient de réaliser Dell avec Force10. Alcatel-Lucent pourrait également être une cible de choix pour un équipementier cherchant à se développer en Europe en reprenant la base installée du constructeur.

Pour Steve Hilton, qui dirige les études entreprises du cabinet d'analyse Analysys Mason, cela n'est pas vraiment une surprise qu'Alcatel-Lucent cherche à se débarrasser de sa division entreprises, une unité qu'il considère comme secondaire pour la firme et dont les performances n'ont pas été stellaires au cours des dernières années (Hilton est un ancient de Lucent ou il a travaillé entre 1999 et 2001 avant de devenir vice-président du Yankee Group, N.D.L.R.).

Nos partenaires de SearchNetworkingUK ont discuté avec Hilton pour discuter des implications qu'aurait une vente de la division entreprises d'Alcatel-Lucent.

Lors de communications passées avec la presse, Alcatel-Lucent avait évoqué son intention de se développer sur le marché des entreprises. Qu'est-il arrivé pour que la société change ainsi de cap?

Steve Hilton: Au cours des deux dernières années, ils ont de plus en plus perdu leur focus. Il y a deux ans, ils sont passés par une phase de restructuration, et je ne peux pas dire si elle s'est jamais terminée. C'est un peu comme s'ils n'avaient jamais retrouvé leur "mojo".

Si vous regardez l'histoire d'Alcatel et celle de Lucent, le second s'est débarrassé de son activité d'entreprises il y a des années. La cession d'Avaya remonte ainsi à plus de dix ans. Alcatel a, quant à lui, une activité d'entreprise depuis très longtemps. Mais lorsque les deux sociétés ont fusionné, je ne pense pas que Lucent avait vraiment envie de se relancer dans l'entreprise.

Alcatel-Lucent est une société de réseaux et de télécoms qui vend essentiellement aux opérateurs télécoms. Et puis elle a ce petit appendice qui vend aussi aux entreprises. Je ne crois pas cette situation puisse se renverser. En fait je pense que quelqu'un chez Alcatel-Lucent s'est enfin dit : "Vous savez quoi? Cette activité est une distraction pour nous, mais elle a probablement une certaine valeur pour une autre entreprise, et franchement nous aurions bien besoin de cet argent. "

Est-ce que cette activité a vraiment une valeur pour une autre entreprise?

Hilton: Il y a toujours un prix. J'essaie pour ma part de comprendre qui pourrait être intéressé. Du côté des constructeurs, je vois le bénéfice que pourrait en tirer un équipementier plutôt européen qui pourrait marier ses propres actifs à ceux d'Alcatel-Lucent et ainsi avoir une plus grande part de marché en Europe. Une autre option serait l'acquisition par un constructeur chinois souhaitant se développer en Europe. C'est un moyen de démarrer une activité en s'appuyant sur une base installée.

Mais au final, le rachat par un fonds d'investissement privé me paraît plus vraisemblable. L'objectif serait de faire la même chose qu'avec Avaya, il y a quelques années: acquérir la société, lui faire subir une cure d'amaigrissement, déterminer les vrais joyaux de la firme, investir dans leur développement, afficher une croissance et remettre la firme sur le marché.

Que faut-il pour être un acteur dominant dans les communications unifiées, la collaboration et les PABX sur le marché européen?  

Hilton: Je ne suis pas sûr qu'il faille agir différemment qu'aux [Etats-Unis]. Je pense simplement qu'Alcatel a une histoire en Europe et que les entreprises locales ont l'habitude de traiter avec Alcatel sur marché du PABX et des équipements réseau depuis longtemps.De sorte que les relations sont établies,  que ce soit avec les clients ou les partenaires.

Est-ce que la décision d'Alcatel a à voir avec le décollage des solutions de communication dans le cloud, qui pourraient remplacer progressivement les solutions de communications internes ?

Hilton: Je n'ai entendu aucun fournisseur exprimer ce genre de peur quant au déplacement des services de communications vers le cloud. Et je ne vois pas pourquoi cela aurait plus d'impact sur Alcatel que sur Siemens, NEC ou Cisco.

Est-ce qu'une cession pourrait avoir un impact notable sur le marché européen?

Hilton: tout dépend de qui rachète cette compagnie. Si c'est un investisseur privé, cet investisseur aura un focus sur le développement d'Alcatel sur ses marchés existants. Si c'est un autre équipementier, il faudra prendre du recul et mesurer ce que cela signifie pour la roadmap produit existante d'Alcatel? C'est la même question que chaque entreprise a dû se poser  lors de la fusion Avaya-Nortel.

Il est également intéressant de noter qu'au sein de cette activité d'entreprise il y a un grand nombre de lignes de produits différentes, et l'une d'elles est la gamme Genesys. C'est une activité rentable et elle est connue comme l'une des meilleures solutions sur le marché. Je me demande si Alcatel-Lucent ne pourrait pas la vendre séparément des autres activités.

Il y a eu beaucoup de discussions sur l'achat éventuel par IBM d'un acteur du monde réseau. Un IBM pourrait-il être intéressé par Alcatel-Lucent Enterprise?

Hilton: Je ne pense pas qu'IBM s'intéresse à une société venant du monde des communications. Je ne crois pas que Siemens ou Alcatel-Lucent fassent sens pour eux. Historiquement, IBM n'a tout simplement pas voulu participer à une industrie qui touche à la voix ou à d'autres choses dans le genre.

Adapté d'un texte en anglais de Rivka Gewirtz Little par Christophe Bardy, LeMagIT

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