Et si la R&D mondiale avait élu domicile en Inde ?

Un nombre croissant d'entreprises occidentales, dans l'IT notamment, ont recours à l'Inde pour leurs activités de recherche et développement. Un mouvement de fond déjà largement engagé. Mais cette évolution peut-elle suffire à faire du sous-continent le nouveau centre de la R&D de la planète, une sorte de nouvelle Silicon Valley ? Si, pour l'essentiel, les donneurs d'ordre sont encore en Europe, au Japon ou Etats-Unis, les entreprises locales développent elles-aussi leurs activités propres de recherche et développement. Avec la bénédiction du gouvernement indien.

Dans une tribune publiée dans les colonnes de l’Economic Times of India, Vivek Wadhwa s’interroge : l’Inde prend des airs de centre de R&D mondial mais peut-elle devenir une nouvelle Silicon Valley ? Vivek Wadhwa est directeur de recherche associé du programme Travail & Vie professionnelle à Harvard. Il est également à l’origine de travaux de recherche sur la globalisation des travaux de recherche & développement et de l’innovation. Et, pour l’essentiel, son interrogation semble légitime. De fait, ce n’est probablement pas un hasard si le gouvernement indien veut aider les chercheurs locaux à améliorer leur capacité à faire breveter leurs trouvailles. Certes, seules 4 entreprises indiennes figurent dans le Top 1000 des investisseurs mondiaux en R&D établi par les consultants de Booz & Co. Mais ce classement laisse de côté les nombreuses entreprises étrangères qui comptent de plus en plus sur l’Inde pour leurs activités de recherche et développement – 50 % des multinationales s’appuieraient sur Bangalore pour leurs activités de R&D, selon Zinnov Management Consulting.

L’Inde, une composante clé de la R&D IT

Quelques exemples récents viennent d’ailleurs illustrer le phénomène : le Xeon Dunnington d’Intel a été entièrement conçu par les équipes indiennes du fondeur ; le chipset GeForce 9400M de Nvidia – qui continue de faire des merveilles – est le produit des équipes de R&D de Nvidia à Bangalore. Et c’est sans compter avec les résultats des équipes indiennes de R&D d’AMD,  Freescale ou encore Texas Instruments. Mais ce n’est pas tout.

L’IT : une industrie qui vit de la R&D
L’industrie des technologies de l’information semble ne pas pouvoir se passer de R&D, du moins en ce qui concerne les applications. De fait, l’étude du cabinet Booz & Co. fait état d’une intensité record de l’investissement en recherche et développement dans le secteur du logiciel et d’Internet :  11,4 % du chiffre d’affaires est en moyenne consacré à la R&D par les entreprises de ce secteur. Seule l’industrie pharmaceutique fait mieux avec une intensité de 12 %. L’industrie de l’informatique et de l’électronique arrive en seconde position à 7,1 %. L’industrie des télécoms fait presque figure de mouton noir à 1,4 %.
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Nokia – en seconde position dans le classement de Booz & Co. - dispose de centres de R&D en Inde. Nokia Siemens Network a décidé d’y étendre considérablement sa présence pour ces activités. Alcatel-Lucent s’appuie également de manière croissante sur les pays asiatiques pour sa R&D (et vient de nommer son nouveau vice-président R&D pour l’Inde). Dassault Systèmes réalise 40 % de sa R&D entre Pune et Bangalore. Même chose pour SAP – qui aura investit 1 Md$ en Inde entre 2006 et 2010 – et un peu plus pour un Cisco qui arrive en 19ème position du classement de Booz & Co. De son côté, IBM (13ème plus important budget R&D au monde) ne donne pas de chiffre. Mais un CA doit investir 30 M$ en Inde et y recruter un 1000 de personnes, en R&D, au cours des trois à cinq prochaines années. CA India a déjà déposé 60 brevets en seulement 12 moins de fonctionnement. Microsoft, également, en quatrième place dans le classement de Booz & Co., n’emploie que 60 personnes à Bangalore, mais l’éditeur leur doit déjà certaines fonctionnalités de Bing, son moteur de recherche. Le centre de R&D d’Accenture en Inde est son quatrième, au monde, en termes de taille.

Des spécialistes de la sous-traitance en R&D

Dans un tout autre secteur, l’automobile, ce sont les syndicats de Renault qui ont tiré la sonnette d’alarme sur la délocalisation des activités de R&D vers la Roumanie et l’Inde. Un Renault qui dispose d’équipes de design à Mumbai. Hyundai vient d’ouvrir son centre de R&D à Hyderabad. Et bien sûr, l’électronique grand public, avec des Philips, LG ou Samsung, ne manque pas de s’appuyer sur l’Inde pour sa R&D. Et il en va de même pour de nombreux autres secteurs d’activité.

Enfin, il faut compter avec les spécialistes de l’externalisation de R&D, comme MindTree, mais aussi Wipro, Infosys ou encore TCS. Pour l’anecdote, rappelons aussi que les systèmes de « caisse nomade » équipant les Apple Store sont nés dans le centre de R&D de TCS à Chennai. Selon Booz & Co., si les entreprises nord américaines, européennes et japonaises ont compté pour 94 % de la dépense mondiale de R&D en 2008 – une enveloppe de 532 Md$ –, ce sont les entreprises indiennes et chinoises qui font progresser le plus rapidement leurs dépenses de R&D avec une croissance de l’ordre de 30 % entre 2003 et 2008.

R&D logicielle : de petits éditeurs tentés par l'offshore
Lors de sa récente conférence, le Syntec Informatique s'est inquiété d'un phénomène naissant : la délocalisation des équipes de développement chez de "petits" éditeurs. "On pensait que seuls les gros employeurs avaient intérêt à délocaliser. Depuis le début de la crise, des intermédiaires proposent pourtant à des éditeurs de moins de 50 personnes, et parfois plus petits, de transférer leurs développements en Afrique du Nord ou en Europe de l'Est", explique Romain Hugot , président de la commission marchés et tendances de la chambre syndicale des SSII et éditeurs. Selon lui, la démarche a tenté certains éditeurs français, dans l'applicatif. "Ce qui veut dire, qu'en dépit des surcoûts engendrés par la gestion d'une équipe distante, le différentiel de prix facial (donc de salaires, NDLR) est suffisamment intéressant pour que ces sociétés se risquent dans ce processus". Ce rapport atteint fréquemment 1 pour 3.

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