Renault remercie des prestataires techno en R&D et lorgnerait vers la Roumanie

La rumeur persistante et émanant des syndicats bruisse à la veille des états généraux de l’automobile, demain à Bercy : Renault supprimerait 2 000 postes de R&D dont 1 200 liés à des prestataires technologiques, notamment sur le Technocentre de Guyancourt. Un risque très important pour ces sociétés d’ingénierie qui pourraient voir une partie des recherches en cours migrer vers des centres roumains voire indiens.

C’est plus d’un millier de postes de prestataires de services d'ingénierie qui, selon la CGT, devraient être supprimés au technocentre de Renault, à Guyancourt, dans les Yvelines. En fait, les contrats n’auraient pas été reconduits au 1er janvier de cette année qui débute. Parmi les sociétés directement concernées par cet arrêt des développements, on compte notamment Alten, Altran et Assystem. Chez cette dernière, selon une information de la Lettre A, un recours forcé aux congés payés a été mis en place et la direction pourrait même être amenée à procéder à des licenciements.

Akka, Bertrandt, Consort, Polymont, Idestyle, Ligeron, Matra Automobile, MSI, et Segula sont également touchés par cette décision unilatérale. Pour toutes ces sociétés, la mise au chômage technique, les licenciement ou les mise en intercontrats long risquent de devenir la règle dans les semaines qui viennent.

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Face à cette hécatombe – qui pourrait concerner jusqu'à 2 000 postes au total, si l’on tient compte de l’ensemble des activités de l’ancienne régie automobile – une intersyndicale, rassemblant tant les représentants du constructeur automobile que ceux des sociétés prestataires, c’est pour la première fois mise en place. Elle aura cependant du mal à contrer une stratégie pour l’instant rampante chez Renault. Lequel a confirmé auprès de l’AFP recourir à une politique « d’ajustement des effectifs » qui concerne tant les salariés du groupe que ses prestataires.

Une décision en contradiction du plan de relance concernant l’automobile

Concernant les activités du technocentre, la question de l’avenir se pose. Evoquant en décembre dernier la crise que traverse le secteur, Carlos Ghosn, son président, avait estimé que Renault doit continuer à innover. Difficile de comprendre dans quelle mesure cela sera possible avec un technocentre – qui réunit l’élite du groupe en matière de R&D – aux capacités réduites. En termes de technologie, tous les développements qui touchent le logiciel embarqué devraient prendre du retard.

A titre d’exemple, Assystem est le concepteur d'une voiture urbaine hybride en terme de carburation et largement communicante. Mais les activités autour des futurs véhicules électriques pourraient également en pâtir. Hors, lors du dernier salon de l'automobile, Nicolas Sarkozy avait annoncé un plan de 400 millions d'euros sur quatre ans pour favoriser la R&D en matière de véhicules propres. Si le technocentre est vidé d’une part importante de ses forces vives côté ingénierie, on peut se demander comment seront utilisés ses fonds.

Pour Pierre Nicolas de la CGT, cité par l’AFP, il s’agit d’une « décision brutale qui s'ajoute au plan de départs volontaires. Il y a beaucoup de gens qui ont des postes clés; le fonctionnement de l'établissement [le technocentre de Guyancourt, ndlr] va s'arrêter". D’autant plus que l’automobile est l’un de secteurs qui externalise le plus sa R&D pour mieux se consacrer à la production de masse et à la vente. La conception initiale de l’Espace – qui a ouvert chez Renault l’ère du monospace – est ainsi le fait du personnel de Matra.

A Guyancourt travaillent près de 12 000 salariés, dont 2 400 issues de prestataires. Se sont souvent des profils rares qui sont externalisés et Renault vient donc de se séparer d’un ingénieur sur deux à ce niveau.

La voie royale vers une R&D near/offshore

Selon le cabinet de conseil Nelson Hall, Renault a – ces derniers temps – envoyé un certain nombre de signaux en faveur d’un changement de structuration de sa R&D. Le centre roumain hérité du rachat de Dacia - et développé depuis – pourrait lui permettre une opération de nearshore d’une partie de son ingénierie afin de réduire ses coûts. Une orientation d’autant plus crédible que Carlos Ghosn n’a pas manqué de souligner au cours de l’exercice 2008 que le succès de Dacia et de ses lignes low cost avait interpellé l’ensemble de la société. Prévues initialement pour des marchés plutôt émergents à faible pouvoir d’achat, les voitures à bas coûts de Dacia ont trouvé leur place dans les pays plus développés.

Les syndicats ont tiré depuis quelque temps les sonnettes d’alarme concernant la délocalisation des activités de R&D vers la Roumanie, donc, mais également vers l’Inde. Renault aurait même – selon Nelson Hall – demandé, dés 2006, à des prestataires comme Assystem et Alten de développer des présences en Roumanie.

Le constructeur automobile a annoncé une baisse de ses ventes de 4,2 %, à 2,38 millions d'unités pour 2008. Sur la seule marque Renault la chute est de 5,4 %, à un peu plus de 2 millions. Et le mois de décembre n’augure rien de bon pour 2009 : les ventes se sont effondrées de 31 %. La semaine dernière, Renault a annoncé vouloir supprimer quelque 4 000 postes en privilégiant les départs volontaires. Et aujourd’hui, Luc Chatel, Secrétaire d’Etat à l’industrie, a déclaré au Figaro – à la veille de l’organisation d'états généraux de l'automobile – que l'Etat français pourrait monter dans le capital de certains groupes automobiles en échange de son soutien financier.

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