HP France : la direction démine la restructuration, mais bute sur son système de notation

Moins de postes supprimés, un accord avec la plupart des organisations syndicales : durant l'été, la direction de HP France est parvenue à écarter le spectre d'un conflit social dur dans la mise en œuvre de sa nouvelle organisation. Mais se heurte à un nouvel obstacle : une affaire de quotas sur les notations de ses salariés.

750 suppressions de postes, au lieu de 1 100 prévus au printemps. Comme l'avait laissé entendre Yves de Talhouët, Pdg de HP France, le total des destructions de postes chez le constructeur s'est un peu allégé à la faveur de l'été. Principal bénéficiaire de cette embellie (toute relative) : EDS, la branche services de HP France née de la fusion de ses activités dans le domaine et de celles de la SSII américaine, rachetée par le groupe en mai 2008 et dont la filiale française a déjà subi une sévère cure d'amaigrissement. Au lieu des 580 postes initialement annoncés, la saignée se limitera à 300 licenciements environ (soit environ 20 % du total). Les postes sauvés sont notamment liés à la signature du contrat d'infogérance avec Alcatel-Lucent, si on en croit les déclarations de la direction de HP à l'AFP en juin dernier. La portée réelle du PSE affectant la branche services, après le transfert de 600 salariés de HP vers EDS France, ne sera toutefois précisée qu'à la fin du mois, lors de l'ouverture des discussions avec le CE.

S'y ajoutent entre 140 et 150 postes supprimés (selon les sources) au sein de l'entité commerciale (contre 180 initialement annoncés), soit 10 % environ des effectifs. Et, 306 postes (contre 360) au sein d'HP Centres de Compétences France (CCF), qui regroupe des activités à vocation internationale (support, marketing, développement). Une entité qui connaît elle précisément le sort qui lui sera réservé site par site et service par service, la consultation des représentants du personnel ayant débuté dans cette société. Une entité durement touchée, 15 % environ des salariés étant appelés à quitter l'entreprise.

La R&D sacrifiée...
Le profil que dessine en creux le futur HP France, allégé de 750 personnes, ne laisse guère place aux doutes quant aux intentions du groupe. L'Hexagone n'est plus vu comme une terre d'accueil pour les activités de R&D. Ni pour les fonctions support comme l'IT, qui perd 40 postes. Le sacrifice le plus brutal touche toutefois le développement logiciel autour de la gamme BTO (Business Technology Optimization) - où la quasi totalité des 70 postes vont disparaître - et autour de CMS (Communication and Media System). Même si, dans ce dernier cas, des transferts de personnel sont prévus de Sophia à Grenoble et qu'une spin-off reprenant une partie des activités pourrait être créée.
Autre victime du coup de torchon : le consulting avant-vente sur le stockage et les serveurs, une des racines du site de Sophia époque Digital. Autant d'activités déplacées vers d'autres pays. Et, pour un délégué CFE-CGC, les coupes claires dans l'activité industrielle (HP CCF) ne sont peut-être pas terminées. A Sophia, un représentant du personnel considère ainsi que "le PSE fera de nous un tout petit site pour un groupe comme HP, un site à peine viable. D'ailleurs, la direction française a annoncé plusieurs fois notre disparition"
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Le volontariat seul ne devrait pas suffire

Au total, ce sont donc 750 emplois que le groupe prévoit de supprimer dans l'Hexagone. Selon Jean-Paul Vouiller, délégué syndical central CFTC chez le constructeur, les départs s'effectueront entre janvier et avril 2010. Directions et syndicats peuvent s'appuyer sur le protocole d'accord, approuvé par une large majorité des salariés lors d'une consultation en juillet. Même si, la CFDT et une section CGT restent opposées au texte - la première contestant toujours la restructuration devant la justice (audience prévue le 25 septembre) -, une certaine forme d'apaisement semble devoir épargner à la société un conflit social dur. "Même si personne n'est dupe de la stratégie de la direction : annoncer un nombre de licenciements gonflé pour ensuite faire mine de lâcher du lest", remarque un délégué CFE-CGC.

Mais plusieurs difficultés attendent encore la direction d'HP sur la mise en œuvre du PSE. Si le volontariat sera privilégié, rien ne garantit que les licenciements secs pourront être évités, car les départs "sont répartis de façon très inégale sur les différents sites", explique la CFTC. Ainsi, pour HP CCF (seule entité où la répartition des licenciements est connue), le site de Sophia Antipolis verra ses effectifs amputés de plus de 50 % (134 postes supprimés sur 259). Même si un pan des activités abandonnées doit être repris dans le cadre d'une spin-off (une vingtaine de salariés concernés), "il y aura sûrement des licenciements secs", explique un délégué syndical, qui parle de panique dans les équipes, surtout que le bassin d'emplois est sinistré. La plupart des activités du site sont tout simplement abandonnées, seul subsistera l'équipe travaillant sur les plates-formes de supervision des réseaux téléphoniques (NGOSS). Autre site où le volontariat seul risque de ne pas suffire : Les Ulis, qui se voit amputé de 25 % de ses effectifs.

Conflit de génération à Sophia

Les difficultés sur ces deux sites sont amplifiées par le refus actuel de la direction de mettre en place des mesures spécifiques pour les seniors. Lors des précédents plans sociaux du groupe, ces derniers avaient bénéficié de plans de retraite maison. Mais, faute d'un accord sur ce sujet - accord qui favoriserait les préretraites -, ces salariés, protégés par la loi, resteront majoritairement en poste. Eloignant un peu plus tout espoir d'éviter les licenciements secs. Selon Jean-Paul Vouiller, cet éventuel accord sur les seniors concernerait jusqu'à 600 salariés au sein des trois entités du groupe en France. Des négociations sur le sujet s'ouvrent la semaine prochaine. "Ce sujet est problématique par exemple à Sophia où il provoque de véritables conflits de génération", explique un délégué CFE-CGC.

Quotas de mal-notés : c'est reparti comme en 2002

Si la restructuration est aujourd'hui engagée, la direction française de HP voit se dresser sur sa route un nouvel obstacle : un procès le 23 octobre au TGI de Nanterre contre son système de notations des salariés. Selon les syndicats, le groupe demanderait aux managers de proximité de respecter des quotas de salariés mal notés (note I)... une pratique qui avait déjà valu à IBM France une violente réaction des syndicats et du gouvernement aux débuts des années 2000. Et à HP un premier procès. "En 2002, nous avions perdu une première procédure sur ce sujet car nous manquions de preuves. Mais nous disposons cette fois d'un message d'un dirigeant français réclamant 5 % de mauvaises notes", explique Jean-Paul Vouiller, qui se dit déterminé à aller en cassation s'il le faut. Si le système de notes est en passe de changer au sein du groupe (passant de 3 à 5 niveaux), le syndicaliste ne voit aucun changement de fond et dénonce un "système de plus en plus pervers".

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