Une loi encadre le prêt de main d'œuvre, mais sans soulager les SSII

L'Assemblée Nationale a adopté hier un texte de loi encadrant le prêt de main d'œuvre entre deux employeurs. Sans toutefois clarifier réellement la situation des SSII, toujours sous la menace du délit de prêt illicite de main d'œuvre.

L'Assemblée Nationale a adopté hier la proposition de loi visant à "faciliter le maintien et la création d'emplois". Cette dernière vise notamment à clarifier le prêt de main d'œuvre entre entreprises, consistant pour un employeur à mettre un ou des salariés à disposition d'une autre société, pendant une durée déterminée. Sans but lucratif, précise la loi confirmant la législation déjà en place. Un détail qui change tout pour le secteur des services informatiques, qui, suite au rapport Chaudron remis au ministre du Travail en début d'année, pouvait espérer une extension de la mesure à leurs activités de régie.

Les amendements au code du travail prévoient l'établissement d'une convention de mise à disposition entre les deux entreprises concernées et une notification écrite (ou un avenant au contrat de travail) pour le ou les salariés concernés. "Un salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir refusé une proposition de mise à disposition", précise encore le texte.

 
Télétravail obligatoire en cas d'épidémie
Le texte de loi précise également les modalités d'application du télétravail. La loi stipule ainsi que les employeurs doivent "prendre en charge tous les coûts découlant directement de l’exercice du télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils, ainsi que de la maintenance de ceux-ci". Et qu'ils sont tenus "d’informer le salarié de toute restriction à l’usage d’équipements ou outils informatiques ou de services de communication électronique et des sanctions en cas de non-respect de telles restrictions".
Si le télétravail reste basé sur le volontariat de l'employé, le texte de loi décrit également des circonstances exceptionnelles, "notamment de menace d'épidémie", dans lesquelles le recours à la pratique peut être imposé aux salariés. La grippe porcine est passée par là...
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France : un cadre législatif très strict

S'il encadre la pratique, le texte ne constitue donc pas une avancée pour les SSII, qui restent sous la menace du prêt illicite de main d'oeuvre pour leurs activités de régie. L'article L.125-3 du Code du travail stipule en effet que "toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d'œuvre est interdite sous peine des sanctions prévues à l'article L.152-3 dès lors qu'elle n'est pas effectuée dans le cadre des dispositions (…) relatives au travail temporaire…". Peines maximales encourues : deux ans d'emprisonnement et une amende de 30 000 €. Rien que ça. De facto, la loi votée hier apparaît surtout comme la poursuite du statu quo : le prêt à but lucratif reste réservé aux entreprises de travail temporaire.

"La France est, avec l’Espagne, un des pays les plus restrictifs en la matière : en Europe, l’Autriche, les Pays-Bas et la Suède autorisent très librement la mise à disposition de personnels ; l’Allemagne prévoit de nombreux cas d’autorisation ; la Belgique et Portugal laissent une grande marge de manœuvre dans la délégation de l’autorité à l’entreprise utilisatrice", signalait pourtant en janvier dernier le rapport Chaudron. Tout en fustigeant "les pratiques qui consistent pour le recruteur de l’entreprise utilisatrice à choisir un « candidat » parmi des CV que lui propose le représentant de l’entreprise prêteuse", ledit rapport proposait des pistes de réflexions pour faire évoluer ce cadre législatif. Notamment en autorisant le prêt de main d'œuvre (à but lucratif donc) aux entreprises "justifiant d'une expertise et d’une politique de développement des compétences". Un portrait dans lequel pouvaient se reconnaître nombre de SSII. Mais cette "expérimentation" n'a pas été retenue dans le législateur : les entreprises d'intérim ayant manifestement réussi à écarter toute remise en cause de leur monopole sur ce créneau.

"Il me paraît normal que le prêt à but lucratif soit réservé à des sociétés spécialisées", commente Ivan Béraud, secrétaire national de la F3C (Fédération Communication, Conseil, Culture) CFDT. "Ceci dit, le prêt de main d'œuvre à but non lucratif apparaît comme un bon outil anti-crise. Certaines entreprises pourraient se servir de la mesure pour partager leurs compétences, notamment sur des bassins d'emploi un peu spécifiques ou enclavés. Si les SSII acceptaient de se prêter les salariés, ce serait magnifique. Malheureusement, les employeurs ne veulent pas utiliser cette solution. Son utilisation restera donc marginale".

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