Transformation digitale des fonctions financières : le grand saut reste à faire

L'analyse prédictive, le RPA ou la blockchain peuvent transformer les processus financiers et générer de meilleures données pour augmenter les revenus et la satisfaction clients. Mais de nombreux facteurs freinent cette révolution numérique.

Selon Ash Noah, Directeur Général Apprentissage, éducation et développement de l'Association of International Certified Professional Accountants, la transformation numérique des entreprises doit viser prioritairement l'expérience client. « [Ce qui signifie] des changements dans la façon dont nous facturons le client, dans la façon dont il consomme nos produits et nos services, dans la façon dont il peut retourner le produit ou mettre fin au service puis le consommer de nouveau et le racheter », resitue-t-il. « Tout doit être centré sur le client ».

Dans ce contexte général « customer centric » (comme disent les Anglo-Saxons), la finance tente de se transformer pour mieux maîtriser la technologie et donner à l'entreprise une meilleure compréhension du client et de sa rentabilité.

« Et ce n'est pas une question d'automatisation ! Il s'agit vraiment d'avoir de meilleures données au sein du département finance pour le faire changer », lance Ash Noah.

D'une fonction back-end à « architecte de la valeur »

Par exemple, un système de point de vente (PoS, Point of Sale) peut être directement relié - ou non - à un système financier.

« Si le numérique ne fait pas passer votre finance du back-office à un rôle d'architecte de la valeur, je n'appellerai pas ça une transformation. »
Ash NoahAssociation of International Certified Professional Accountants

Comme le point de vente est le moteur de la facturation, s'il est relié aux outils numériques de la finance, il permettra de mieux comprendre et d'appréhender plus directement les prix, les moments où les clients achètent et les produits qu'ils achètent.

Dès que la finance a accès à ces données, son rôle stratégique peut changer. « La finance peut alors passer d'un rôle de back office qui garde les comptes, à celui de partenaire et de véritable moteur de revenus », prédit Ash Noah. « Donc de mon point de vue, si le digital ne fait pas passer votre finance du back-office à un rôle d'architecte de la valeur, je n'appelle pas ça une vraie transformation ».

Défis de compréhension

Un des freins majeurs à la transformation numérique des fonctions financières semblerait venir du fait que les financiers veulent toucher, sentir et compter. « La transformation numérique leur impose d'explorer de nouveaux territoires, où presque tout est immatériel et intangible », avance Ash Noah.

De nombreux responsables comptables et financiers n'auraient pas non plus suffisamment de compétences pour appréhender la technologie. Une partie de la puissance de l'intelligence artificielle et du Machine Learning leur échappe. Le constat n'est pas un reproche, mais il explique partiellement l'immobilisme technologique dans le domaine.

En fait, selon une étude de Chartered Global Management Accountant et d'Oracle, seulement 10 % des équipes financières estiment avoir les compétences nécessaires pour réaliser les ambitions numériques de leur organisation. « C'est l'une des principales raisons pour lesquelles cette transformation n'a pas lieu », tranche Ash Noah.

Défis des compétences

Il n'en reste pas moins que les directeurs financiers savent que monde change. Ils sont sous pression et tentent de comprendre quelles technologies peuvent être importantes pour eux. Et très connexe à cette question du « quoi ? », se pose la question du « qui ? » : comment s'assurer qu'ils ont les bonnes compétences en interne, les personnes bien formées et qu'ils embauchent les bons profils pour compléter leurs équipes ?

Cette problématique des compétences est un vrai défi. C'est en tout cas ce que constate Tony Klimas, directeur et responsable mondial des pratiques financières chez EY. « C'est un peu le problème qu'ils essaient de résoudre aujourd'hui », affirme-t-il.

RPA, cloud, analytique prédictif, blockchain

En ce qui concerne les technologies, la robotique et l'intelligence artificielle commencent à jouer un rôle dans de nombreuses fonctions back-office, de reporting ou en rapport avec les transactions - comme les créances clients, les dettes fournisseurs ou la gestion de trésorerie.

Mais selon Tony Klimas, l'une des technologies les plus prometteuses pour la finance est l'analyse prédictive.

« L'analytique prédictif est traditionnellement un des domaines les plus théoriques de la finance et de la comptabilité. Mais aujourd'hui, de vraies solutions opérationnelles existent », se félicite-t-il.

L'expert de EY évoque également la blockchain comme une technologie qui pourrait avoir des impacts très significatifs sur la façon dont les entreprises sécurisent leurs livres de comptes et leurs registres. Même si ces DLT n'en sont encore qu'à leurs tous débuts.

« Dans des contextes de type consortium où vous avez des réseaux de fournisseurs et de clients - ou même dans un cadre interentreprises - vous allez commencer à voir des blockchains mises en place pour résoudre les problèmes de fiabilité de la donnée comptable », anticipe-t-il. « Cela permettra de se concentrer sur d'autres choses, et de consacrer moins de temps à l'audit et à la réconciliation des comptes ».

Données, données, données, données

Cependant, aucun avantage ne sortira des technologies numériques si les données sont en désordre, prévient Steven Ehrenhalt de Deloitte.

Or « les données de beaucoup d'entreprises ne sont souvent pas vraiment bonnes - la faute à un manque de discipline, de processus d'acquisitions imparfaits ou de systèmes qui n'ont jamais vraiment été rationalisés ou intégrés », liste-t-il.

« Les données sont la base qui alimente tout le reste. Les financiers le savent parfaitement. Il faut commencer par là », invite-t-il. « Parce que si vous n'avez pas mis d'ordre dans vos données, il vous sera très impossible de tirer quoi que ce soit des avancées technologiques ».

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