IBM se sépare de l’infogérance pour mieux vendre du cloud hybride

La scission fera perdre à IBM un quart de ses revenus, mais lui permettra de se focaliser sur ce qui progresse le plus à son catalogue : les solutions de Red Hat pour migrer en cloud.

IBM annonce se séparer de sa division Managed Infrastructure Services, qui représente actuellement un quart de ses 78 milliards de CA annuels et qui est consacrée à l’infogérance des SI de ses clients.

L’entité devrait devenir autonome d’ici à la fin 2021, sous une nouvelle marque qui reste à définir et qu’on appellera, en attendant, NewCo. Cette scission devrait permettre au reste d’IBM de mieux se présenter comme un vendeur de solutions pour le cloud hybride et l’intelligence artificielle.

« Cette scission est le point culminant de notre stratégie qui vise à voir dans le cloud et l’intelligence artificielle des moteurs de croissance de plus en plus importants. Elle répond à la question : de quoi n’avons-nous plus besoin pour aller dans cette direction ? », a commenté Arvind Krishna, l’actuel PDG d’IBM, qui a succédé à Ginni Rometty en avril dernier avec l’ambition de recentrer IBM sur la vente de solutions technologiques.

Les projets de l’actuel PDG sont réputés être motivés par les résultats de Red Hat. Cet acteur, racheté en 2019, fournit des solutions très techniques pour migrer vers le cloud. Il est à date la division d’IBM la plus rentable.  

Se focaliser sur une opportunité de 1 000 milliards de dollars

« Les besoins de nos clients pour des services autour des applications et des infrastructures se diversifient, tandis que l’adoption de notre plateforme de cloud hybride s’accélère. »
Arvind KrishnaPDG, IBM

Selon lui, rien que le domaine du cloud hybride représenterait une opportunité de 1 000 milliards de dollars. Et, pour atteindre un objectif si élevé, il n’est plus question que les forces commerciales et les investissements se laissent distraire par les activités annexes. « Les besoins de nos clients pour des services autour des applications et des infrastructures se diversifient, tandis que l’adoption de notre plateforme de cloud hybride s’accélère. Par conséquent, nous sommes à point nommé pour créer deux leaders, chacun focalisé sur ce qu’il sait faire de mieux », a-t-il ajouté, lors de la conférence téléphonique avec des analystes, qui a suivi l’annonce.

Pour autant, IBM ne se débarrasse pas totalement de la prestation de services. Selon Arvind Krishna, les 1 000 milliards de dollars d’opportunité se répartissent en 230 Md $ pour la vente d’infrastructures cloud (serveurs, baies de stockage, réseau et systèmes d’exploitation), 450 Md $ pour la vente de logiciels, dont OpenShift de Red Hat, qui concrétisent le passage au cloud et plus particulièrement au cloud hybride, ainsi que 300 Md $ pour la vente de services d’accompagnement à la migration vers le cloud.

Rappelons que, selon les derniers résultats trimestriels connus, le CA global d’IBM baisse jusqu’ici de 5,4 % par rapport à l’année dernière, tandis que ses activités liées au cloud croissent, elles, de 30 %. Suite à l’annonce de la scission, le cours en bourse d’IBM a bondi de 7 %.

NewCo, un nouvel acteur pas nécessairement has-been

« IBM va désormais pouvoir accélérer sur les projets de transformation digitale de ses clients, tandis que NewCo va accélérer sur les efforts de modernisation des infrastructures des entreprises. Cela va favoriser l’innovation de part et d’autre », a pour sa part résumé Ginni Rometty, qui préside toujours le conseil d’administration du fournisseur. Elle dément qu’IBM conserve les technologies d’avenir et NewCo celles qui sont obsolètes : « NewCo sera de fait le leader mondial de l’infogérance, avec 4 600 clients dans 115 pays, dont les trois quarts des plus grandes entreprises ».

Certains analystes pensent que cette scission ne devrait pas avoir beaucoup d’effet sur les clients actuels d’IBM. « IBM et NewCo auront des milliers de clients en commun et ceux-ci ne devraient pas sentir de changement majeur au quotidien, si ce n’est un changement de nom sur certaines factures », assure Charles King, analyste chez Pund-IT.

D’autres estiment que NewCo pourrait lui-même s’emparer des problématiques cloud pour moderniser les infrastructures dont il a la charge. « Je ne serais pas surpris que NewCo rachète quelques startups en phase de croissance dans les domaines du cloud et de l’intelligence artificielle. Cela pourrait même être vu comme un moyen d’éviter à IBM d’investir encore dans des domaines à la marge du cloud », dit ainsi Daniel Elman, analyste auprès du cabinet d’études Nucleus Research.

« Il y a encore de vraies opportunités de rentabilité dans cette activité [d’infogérance], en utilisant des outils d’automatisation et en proposant de migrer l’existant vers le cloud. »
Ted SchadlerAnalyste, Forrester

« Le fait est que l’infogérance est une activité qui rapporte de moins de moins, car il s’agit de gérer l’informatique pour le compte des entreprises à un tarif toujours moins cher. Cependant, il y a encore de vraies opportunités de rentabilité dans cette activité, en utilisant des outils d’automatisation et en proposant de migrer l’existant vers le cloud. NewCo pourrait en définitive connaître une croissance assez intéressante », lance Ted Schadler, analyste chez Forrester.

(Article rédigé en collaboration avec nos confrères de TechTarget USA et ComputerWeekly UK)

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