IBM met 11 milliards de dollars sur la table pour acquérir Confluent

Après Red Hat, Apptio, HashiCorp, StreamSets et DataStax, Big Blue entame le rachat du spécialiste du streaming de données Confluent. Arvind Krishna, PDG d’IBM, défend une forte « compatibilité stratégique » autour du cloud hybride et de l’IA agentique.

L’information a été diffusée dimanche par le Wall Street Journal. Elle a été confirmée par Big Blue ce lundi.

IBM a officiellement confirmé son intention d’acquérir Confluent, contributeur principal au projet Apache Kafka et spécialiste du streaming de données. L’accord définitif porte sur une opération chiffrée à 11 milliards de dollars, soit 31 dollars par action.

Selon Reuters, c’est une belle prime par rapport au 8 milliards de dollars de valorisation de Confluent avant l’annonce du rachat. L’agence de presse avait rapporté en octobre que l’éditeur se préparait à sa mise en vente. Le rachat devrait être finalisé d’ici à la moitié de l’année 2026.

En attendant, Confluent conserve son indépendance et ses objectifs économiques. Les équipes techniques des deux entreprises ne pourront échanger qu’après le rachat finalisé. Ces dernières années, les marques des éditeurs sont restées, comme leurs offres commerciales. IBM a simultanément ajouté ou intégré les produits à son propre catalogue.

Sur LinkedIn, Arvind Krishna, PDG d’IBM diffuse un courriel envoyé en interne. Lui évoque une forte compatibilité avec les stratégies de cloud hybride et d’IA du géant de l’IT.

« Confluent accélère ce que nous faisons déjà pour nos clients en matière de données, d’open source, d’intégration et d’IA », écrit-il. « Il étend notre capacité à aider les clients à passer instantanément de la connaissance à l’action dans des environnements hybrides complexes », poursuit-il. « Il s’appuie aussi naturellement sur notre engagement de longue date à mettre les technologies open source les plus puissantes au service des entreprises – de Red Hat à HashiCorp et maintenant Confluent ».

En février, Big Blue a finalisé le rachat d’HashiCorp pour 6,5 milliards de dollars. C’est le contributeur principal du système d’infrastructure as code Terraform.

Il a également acquis le spécialiste d’Apache Cassandra, DataStax. Et ce n’est pas son premier investissement en matière de streaming de données, rappelle Cyrille Chausson, directeur de recherche Europe chez IDC et ancien rédacteur en chef du MagIT. « En 2024, la société a acquis StreamSets par l’intermédiaire de Software AG et l’a positionné comme l’outil d’intégration de données en temps réel », note-t-il, sur LinkedIn. « Confluent ajoutera une nouvelle couche à cette architecture avec les outils existants et Red Hat ».

Streaming de données, cloud hybride et IA agentique : la Sainte Trinité d’IBM et de Confluent

Pour mémoire, StreamSets ingère des données dans des entrepôts à partir de topics Kafka. Confluent, lui, mise sur le projet Apache Flink afin d’interroger à la volée des données diffusées en quasi-temps réel.

Comme Red Hat, Confluent a continué de miser sur ses déploiements on premise. Il a même renforcé les fonctions d’hybridation et prévoit de faciliter la gestion de sa plateforme sur site.

« Ils [les dirigeants d’IBM] comprennent l’open source et sa puissance, et ils travaillent avec certaines des plus grandes entreprises hybrides du monde », écrit Jay Kreps, cofondateur et CEO de Confluent à ses employés. « En unissant nos forces, nous pouvons mettre cette architecture à la disposition d’un plus grand nombre d’organisations ».

Mais au-delà de la prise en charge des environnements hybrides, Cyrille Chausson voit là un outil de plus dans la besace d’IBM pour aider ses clients à moderniser leurs systèmes d’information à l’ère de l’IA agentique.

« De nombreuses entreprises éprouvent encore des difficultés à moderniser leurs architectures informatiques pour les adapter au cloud », constate-t-il. « La plupart d’entre elles ont migré l’infrastructure, mais pas les fondements des applications ni les processus de développement et de livraison. Les systèmes hérités et la dette technique restent des obstacles de taille ».

Or la modernisation serait essentielle pour se préparer aux charges de travail d’IA. IBM, Confluent et une bonne partie des acteurs du marché croient que le passage à l’IA agentique est intrinsèquement lié aux flux de données. « Les agents IA et les flux de travail autonomes dépendent de signaux envoyés en direct, et non de données statiques », insiste Arvind Krishna.

Modernisation : « connecter » Confluent à IBM Consulting, un « défi majeur », selon IDC

 « L’ajout de Confluent à la pile IBM contribuera à faciliter la modernisation avec Red Hat OpenShift, Ansible, Terraform et d’autres », commente Cyrille Chausson. « Mais les entreprises devront réarchitecturer et dimensionner correctement l’infrastructure, en particulier le stockage, pour absorber les futures charges de travail IA, contrôler les coûts et fournir des performances pour le streaming ».

Justement, en matière d’IA agentique, Confluent a pris son temps avant de présenter son architecture orientée événements. Elle doit prendre en charge les systèmes multiagents, mais n’est pas finalisée, comme l’expliquait LeMagIT en octobre dernier.

Selon l’analyste d’IDC, l’intégration technologique ne devrait pas être trop problématique. En revanche, « créer un lien fluide avec IBM Consulting » sera un « défi majeur ». Il faudra non seulement préparer les migrations techniques, mais aussi accompagner les métiers.

« L’IA agentique implique un changement profond dans les modèles opérationnels. Elle pousse la transformation des processus, de l’organisation et de la gouvernance à ses limites, y compris la gouvernance humaine. La gestion du changement sera un facteur critique de réussite ».

L’opération n’est pas finalisée et « il reste beaucoup de détails à régler », indique pour sa part Jay Kreps.

Le risque d’une trop forte concentration

Pour l’instant, IBM répond avant tout à ses investisseurs qui, selon Reuters, lui reprochaient une croissance plus lente de ses activités cloud et logiciels.

« Cette démarche [le rachat de Confluent] s’inscrit dans la stratégie de croissance d’IBM », répond indirectement Arvind Krishna. « Nous utilisons autant la croissance organique que les fusions acquisitions ciblées pour renforcer les plateformes sur lesquelles nos clients comptent le plus : cloud hybride, automatisation, intégration, sécurité et IA ».

Justement, certains clients pourraient déplorer la trop grande concentration de solutions aux mains d’un seul fournisseur. Certaines banques, par exemple, ont déjà fortement déployé les mainframes IBM, les plateformes de Red Hat et de Confluent.

C’est un enjeu qui ne concerne pas uniquement les clients de Confluent. Le rachat en cours d’Informatica par Salesforce pour 8 milliards de dollars soulève les mêmes questions.

Mais ici, il faut ajouter la dimension open source. IBM a été accusé, par le passé, d’insuffler des changements de modèles de distribution de logiciels ouverts en sa faveur. L’épisode de la fin de CentOS a laissé des traces. « Gardez à l’esprit que Confluent réalise environ 60 à 70 % des contributions à Apache Kafka », estime Stanislav Koslovski, consultant IT, ancien ingénieur logiciel chez Confluent et contributeur du projet open source.

Crédits photo : Gaétan Raoul pour LeMagIT - Jay Kreps, cofondateur et CEO de Confluent, lors du Kafka Summit 2024 à Londres.

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