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SAS et le cloud : un numéro d’équilibriste pour la division française

Alors que SAS tient son événement annuel, LeMagIT se penche sur le cas de la division française de l’éditeur spécialisé dans la data science. Si, comme la maison mère, SAS France promeut une approche « cloud native », il n’en reste pas moins que la division doit s’adapter aux particularités de ce marché plus prudent quant à l’adoption de cette technologie.

La division française de SAS est intervenue lors d’un Ă©vĂ©nement en avril pour soutenir son partenariat avec Microsoft. En effet, Azure est le cloud de prĂ©dilection afin d’accueillir la version packagĂ©e de SAS Viya 3.5 et SAS Viya 4, une plateforme cloud native. Si, lors d’un webinaire orchestrĂ© par IDC, Jean-François Sebastian, directeur gĂ©nĂ©ral chez SAS France, vante les capacitĂ©s de la plateforme analytique sur Azure, il tient un discours plus nuancĂ© auprès du MagIT.      

De fait, la majorité des clients européens, et donc français, de SAS emploient ses solutions analytiques sur site. Pour l’éditeur, la transition vers le cloud demeure un phénomène récent qui aurait véritablement commencé il y a trois ans.

« Le marchĂ© français a subi un rĂ©el changement en 2018-2019, quand les GAFAM ont adoptĂ© une approche “top-down”, c’est-Ă -dire en passant par les PDG dans le but de repeindre du sol au plafond [les SI] aux couleurs du digital Â», raconte Jean-François Sebastian.

« Ce phĂ©nomène a affectĂ© SAS, les autres Ă©diteurs, mais Ă©galement les intĂ©grateurs. En 2019, nous avons observĂ© un coup de frein sur les investissements, puisque les budgets Ă©taient majoritairement attribuĂ©s aux fournisseurs cloud amĂ©ricains Â», constate-t-il.

En 2020, selon le directeur gĂ©nĂ©ral France, les Ă©diteurs â€“ dont SAS â€“ et les intĂ©grateurs ont remarquĂ© un regain d’intĂ©rĂŞt. « Les entreprises se sont aperçues que l’on ne pouvait pas traiter les enjeux du digital uniquement de cette manière, qu’il fallait des sociĂ©tĂ©s expĂ©rimentĂ©es pour les accompagner dans l’industrialisation de leurs solutions et des dĂ©ploiements cloud Â». PandĂ©mie oblige, cette tendance s’est intensifiĂ©e en 2021, tout du moins contractuellement, selon le dirigeant.

SAS prend ce virage cloud. Depuis l’annĂ©e dernière, cette stratĂ©gie se matĂ©rialise par une volontĂ© de simplifier les dĂ©ploiements. Jean-François Sebastian justifie ce point par la nĂ©cessitĂ© de dĂ©velopper des applications Ă  Ă©chelle industrielle et de traiter « toutes les donnĂ©es des entreprises dont le volume se calcule en centaines de tĂ©raoctets, voire en pĂ©taoctets Â».

Des partenariats avec Microsoft, AWS et GCP

Le partenariat avec Microsoft doit aller dans cette direction. Sur le papier, SAS adopte une approche centralisĂ©e de la donnĂ©e permettant depuis un data lake de traiter l’ensemble des donnĂ©es. « Les DSI que je rencontre ont des enjeux d’industrialisation, de performances, liĂ©s Ă  l’élasticitĂ© du cloud, et des besoins en sĂ©curitĂ©, ils veulent Ă©viter la rĂ©plication des donnĂ©es. Par ailleurs, ils souhaitent disposer de solutions ouvertes, capables de s’interconnecter avec des outils tiers, open source et propriĂ©taires Â», assure Jean-François Sebastian.

Ainsi, l’éditeur a rendu sa plateforme interopĂ©rable avec Azure Synapse Analytics, le successeur d’Azure SQL Data Warehouse, mais aussi avec les produits Microsoft 365. Mais Viya accueille surtout les applications de SAS dĂ©diĂ©es Ă  l’analytique, la visualisation de donnĂ©es, et le machine learning. Celles-ci doivent ĂŞtre plus faciles Ă  utiliser et Ă  dĂ©velopper via de la programmation visuelle. L’éditeur cible des analystes ou des data scientists « moins chevronnĂ©s Â». Les cas d’usage sont divers, mais l’éditeur n’a pas encore adaptĂ© l’ensemble de son portfolio applicatif sur ce cloud. Il entend fournir davantage d’applications prĂ©câblĂ©es sur la marketplace Azure.

Techniquement, SAS Viya sur Azure est une offre « self-managed Â» qui implique de gĂ©rer soit des VM (avec Viya 3.5), soit des clusters Kubernetes (avec Viya 4.0, renommĂ©e 2020.1). Viya peut Ă©galement dĂ©pendre d’une version managĂ©e depuis SAS Cloud, qui s’appuie elle aussi sur des ressources Azure. Des offres similaires seront disponibles sur Google Cloud et AWS. La mĂŞme architecture couplant traitements massivement parallèles et in-memory est accessible dans le cloud, sur site ou en mode hybride.

Cette architecture PaaS rĂ©clame une intervention des services IT. D’ailleurs, selon le dirigeant français, les entreprises confieraient la maĂ®trise d’œuvre des projets analytiques aux DSI. « Il y a deux-trois ans, j’avais des interactions avec des responsables mĂ©tiers. Aujourd’hui, 80 % de ces Ă©changes sont effectuĂ©s auprès de membres de la DSI Â», constate-t-il.

Des déploiements souverains à l’initiative des filiales locales

Mais toutes les entreprises et organisations ne sont pas prêtes à s’abandonner aux sirènes du cloud, pas totalement tout du moins.

En France, SAS est principalement auprès des grands comptes bancaires, de l’assurance et les organisations publiques. « Les banques dĂ©veloppent beaucoup de cas d’usage autour de la dĂ©tection et de l’investigation de la fraude Â», illustre le directeur gĂ©nĂ©ral chez SAS France. En ce sens, l’éditeur ne refuse pas le dialogue avec les fournisseurs cloud et les infogĂ©rants locaux.

« La question n’est plus de savoir si l’on va aller sur le cloud, mais plutĂ´t ce que l’on peut passer sur le cloud Â».
Jean-François SebastianDirecteur Général, SAS France

« La question n’est plus de savoir si l’on va aller sur le cloud, mais plutĂ´t ce que l’on peut passer sur le cloud. L’analytique pose une question de sĂ©curitĂ©, mais Ă©galement de propriĂ©tĂ© intellectuelle des donnĂ©es de l’entreprise Â», dĂ©clare Jean-François Sebastian. « C’est pour cette raison que le partenariat avec Microsoft n’est pas exclusif. Demain, SAS Viya 4 sera accessible Ă  partir d’autres technologies cloud. Dans les autres technologies cloud, il y a par exemple OVH pour rĂ©pondre aux besoins analytiques des organisations publiques. Nous travaillons dĂ©jĂ  avec ce fournisseur pour dĂ©ployer Viya 3.5 et adresser les problĂ©matiques des organismes de santĂ© ou de diffĂ©rents ministères Â».

Pour autant, une offre managée par un fournisseur cloud européen n’est pas au programme. SAS ne suit pas l’exemple de MongoDB qui a accepté de donner les clés d’un DBaaS à OVH, en France et Tencent, en Chine.

« Le groupe SAS travaille avec les gĂ©ants de l’IT et du cloud, mais ce sont les divisions locales qui dĂ©cident de collaborer avec des fournisseurs comme OVH dans le cadre de contrats spĂ©cifiques en association avec des intĂ©grateurs Â», prĂ©cise le dirigeant français.

Lors d’un entretien avec la presse IT française en amont du SAS Global Forum 2021, Jim Goodnight, PDG de SAS, rappelle que, globalement, 75 % des clients utilisent une version on-prem de SAS. Parmi les 25 % des clients qui ont adoptĂ© le cloud, certains misent sur des environnements « customs Â» autour de Viya, ce qui oblige l’éditeur Ă  maintenir une architecture Ă  la fois standard et ouverte capable de prendre en charge ces dĂ©veloppements personnalisĂ©s. Sur le territoire français, les acteurs de la grande distribution sont plus enclins Ă  adopter le cloud public.

De son cĂ´tĂ©, Jean-François Sebastian souligne que SAS collabore aussi avec des acteurs tels que IBM et sa filiale Red Hat Ă  la fois, pour dĂ©ployer sa plateforme analytique sur le cloud et on premise. Un client comme la France Mutualiste envisage d’adopter Viya sur OpenShift sur site avant d’éventuellement migrer vers le cloud.

SAS France devient « un porteur de projets Â»

« [...] Ce sont les divisions locales qui dĂ©cident de collaborer avec des fournisseurs comme OVH dans le cadre de contrats spĂ©cifiques en association avec des intĂ©grateurs Â».
Jean-François SebastianDirecteur Général, SAS France

Cette approche tĂ©moigne d’un changement dans la manière dont SAS France entend conduire son activitĂ©. « Il y a quelques annĂ©es, nous reprĂ©sentions un Ă©diteur qui vendait uniquement des produits et quelques prestations de services. Aujourd’hui, nous sommes porteurs de projets : nous sommes capables de nous engager sur des livrables, des rĂ©sultats Â», vante Jean-François Sebastian. « En revanche, nous ne sommes pas intĂ©grateurs : nous travaillons avec des intĂ©grateurs spĂ©cialistes du dĂ©veloppement de Viya comme Capgemini, Accenture, CGI ou encore Avisia et des sociĂ©tĂ©s de conseil tel KPMG Â», prĂ©cise-t-il.

Ces ESN demeurent importantes dans l’équation : les centres d’excellence SAS sont moins installĂ©s chez les clients que ces acteurs du service IT.

SAS France emploie 300 salariĂ©s et rĂ©aliserait un chiffre d’affaires annuel d’environ 100 millions de dollars. En 2020, l’éditeur a engrangĂ© 3,1 milliards de dollars et la rĂ©gion EMEA a gĂ©nĂ©rĂ© 36 % des revenus totaux attribuĂ©s Ă  la vente de logiciels.

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