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IoT et IA : Cognizant tente de s’imposer dans l’industrie pharmaceutique

Mi-juillet, Cognizant a annoncé l’acquisition de TQS Integration, un intégrateur irlandais spécialiste des infrastructures de données et de l’analytique auprès des groupes biopharmaceutiques. L’ESN compte conforter sa présence sur ce secteur et se positionner globalement comme un expert de la combinaison IT/OT pour ces sociétés intéressées par le concept d’industrie 4.0.

De prime abord, cette crise sanitaire mondiale profite aux industriels pharmaceutiques et aux fabricants de matériels médicaux. Si cela se vérifie chez certaines de ces entreprises (dont Pfizer BioNtech) qui connaissent une croissance forte à cause de la pandémie, elles doivent aussi faire face à des enjeux de taille.

« En un sens les thérapies contre la COVID – pas seulement les vaccins, mais un ensemble de traitement en cours de développement – ont accru les défis existants de l’industrie biopharmaceutique », déclare Srinivas Shankar senior vice-président et global markets lead, Life Sciences chez Cognizant auprès du MagIT. « Par conséquent, tous les fabricants de produits biopharmaceutiques – ceux qui participent à la lutte contre la COVID et peut-être ceux touchés par le manque de ressources – doivent améliorer l’efficacité de leurs actifs de production. À cet égard, la data science est essentielle », ajoute-t-il.

Selon le dirigeant, ce secteur dépend d’un écosystème de conception fragmenté. « Si vous observez l’industriel pharmaceutique moyen, il dispose probablement de 40 à 60 sites de production installés partout dans le monde ».

Par ailleurs, ces entreprises auraient des contrats de sous-traitance afin de produire leurs médicaments ou pour accéder aux ressources nécessaires à la fabrication.

De plus, selon un client du responsable, un seul bioréacteur utilisé pour constituer un lot de médicaments ou de vaccins générerait 3 milliards points de données. « Oui, 3 milliards », martèle-t-il. 

« Vous pouvez imaginer que cet écosystème fragmenté génère le besoin d’intégrer toutes ces données pour y appliquer des techniques analytiques, de machine learning, de deep learning, etc. pour optimiser des choses comme le rendement des lots, la supply chain ou de leurs équipements. Cela représente des gains énormes pour nos clients », affirme Srinivas Shankar.

Un hub irlandais consacré aux « life sciences »

« Maintenant plus que jamais, le moment est venu, parce que pratiquement tous nos clients biopharmaceutiques commencent à investir dans des usines dites intelligentes et leurs jumeaux numériques. »
Srinivas ShankarSenior vice-président et global markets lead, Life Sciences, Cognizant

Selon l’ESN, ces enjeux justifieraient l’acquisition de TQS Integration, un intégrateur irlandais fondé en 1998. Le montant de ce rachat n’a pas été dévoilé.

« Maintenant plus que jamais, le moment est venu [de réaliser ce type d’opération], parce que pratiquement tous nos clients biopharmaceutiques commencent à investir dans des usines dites intelligentes et leurs jumeaux numériques », martèle le dirigeant.

Cette décision découlerait d’une stratégie « réfléchie de longue date ». En 2019, avait déjà repris – là encore pour un montant non dévoilé – Zenith Technologies, un autre intégrateur et cabinet de consultance irlandais (présent dans 16 pays), spécialiste des systèmes industriels OT et IIoT auprès des acteurs « life sciences ».

« TQS Integration est complémentaire de cette capacité OT. Il s’agit de l’un des leaders susceptibles de fournir des services de traitement intelligent des données industrielles. C’est un spécialiste la centralisation et l’analyse de ces informations, même si TQS travaille avant tout avec neuf des dix plus grosses entreprises biopharmaceutiques », affirme Srinivas Shankar.

« Ce rachat fait de Cognizant un prestataire convaincant de services technologiques de manufacturing. Cela augmente nos capacités en matière d’intelligence artificielle appliquée à l’industrie », vante-t-il.

Tout comme Zenith Technologies, TQS Integration a une « présence significative » sur le marché de la fabrication d’équipements médicaux, indique le responsable.

Mais sous les grands mots, il faut détecter les véritables compétences de ces acteurs. Zenith Technologies connaît avant tout les machines employées pour préparer des substances et équipements médicaux parce qu’elle développe un savoir-faire autour du déploiement de MES (Manufacturing Execution System), le système logiciel central utilisé pour les piloter. De son côté, TQS Integration est considérée comme un expert des bases de données historiens PI de l’éditeur OSISoft, acquis pour cinq milliards de dollars en août 2020 par AVEVA, et des logiciels, des techniques s’appuyant sur ce format de données.

Il se trouve que Cognizant maintient un partenariat « de longue date » avec AVEVA.

« [Cet accord] va bien au-delà de l’industrie des sciences de la vie. »
Srinivas ShankarCognizant

« [Cet accord] va bien au-delà de l’industrie des sciences de la vie. OSISoft n’est pas non plus spécialisée auprès des acteurs biopharmaceutiques. L’entreprise était plus largement présente dans des secteurs comme la pétrochimie », rappelle Srinivas Shankar. « TQS est un spécialiste d’OSISoft dans le contexte “life sciences”, mais nous prévoyons d’étendre cette expertise à un certain nombre de secteurs industriels », ajoute-t-il.

TQS Integration ne fait pas de secret quant aux noms de ses clients, par exemple Gilead, Jansen, Novartis, Pfizer, Roche, GSK ou encore Sanofi. De son côté, Cognizant se veut plus discret et les cite au cas par cas.

Cognizant n’aurait pas de difficulté avec les possibles chevauchements d’accompagnement sur ce marché. « TQS Integration dessert les neuf plus grosses firmes biopharmaceutiques dans le monde, nous proposons nos services aux trente sociétés les plus importantes de ce secteur. Naturellement, vous pouvez vous attendre à un chevauchement de la clientèle. Pour nous, c’est une opportunité d’augmenter nos présences auprès de ces comptes communs », estime le dirigeant.

Les usines de ces entreprises sont majoritairement localisées en Irlande, en Allemagne, à Singapour ou encore Porto Rico. « Ce ne sont pas les seuls hubs de ce secteur, mais ce sont les principaux pays où l’on retrouve les industriels biopharmaceutiques et les équipementiers médicaux », considère Srinivas Shankar.

En outre, Cognizant a annoncé en juin 2021 un partenariat avec la division HealthCare de Philips pour bâtir des applications par-dessus la plateforme IoT HealthSuite (hébergée sur AWS), compatible avec une centaine d’équipements médicaux, principalement ceux du fabricant d’origine hollandaise.

Selon les propos de Jay Siegmund, CFO de Cognizant, lors de la conférence dédiée aux résultats du deuxième trimestre fiscal 2021, les revenus liés au pôle santé de l’ESN ont augmenté de 13 % pour représenter 1,325 milliard de dollars, soit 28,9 % du total du chiffre d’affaires de l’ESN à la clôture de ce Q2. Ce pôle comprend la fourniture de services aux cliniques et hôpitaux ainsi que le vertical life sciences.

Pour autant, Cognizant ne précise pas la part de son chiffre d’affaires en provenance de ses clients biopharmaceutiques et fabricants d’équipements médicaux. « Je me réjouis de notre dynamisme soutenu dans le domaine des sciences de la vie, qui nous permettra de franchir le seuil des 2 milliards de dollars de revenus annualisés dans le courant de l’année », déclare de son côté Brian Humphries, PDG de Cognizant.

Le PDG met notamment en avant le travail de son entreprise « en soutien de la transformation numérique » de Gilead qui passe par la collaboration de Zenith Technologies et des divisions existantes de Cognizant.

Cognizant parie sur l’avenir

En parallèle, Brian Humphries semble satisfait de l’activité IoT qui « s’est rapidement développée, et les revenus devraient désormais dépasser les 600 millions de dollars en 2021, soit presque le double de ce qu’elle représentait en 2019 ».

Pour autant, les rachats de TQS Integration, et de Zenith Technologies demeurent des paris sur l’avenir. L’IIoT et la data science sont deux disciplines que les industriels biopharmaceutiques et les équipementiers commencent à mettre sur pied.

« Le potentiel est relativement embryonnaire », reconnaît Srinivas Shankar. « De nombreuses entreprises sont en train de construire des usines intelligentes et de rééquiper leurs sites existants pour les rendre plus flexibles. Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. Cela varie d’une entreprise à l’autre », observe-t-il.  

« Je pense qu’il y a un bon niveau d’automatisation, en particulier chez nos clients du secteur des sciences de la vie, au niveau des sites de production. Mais ceux qui ont une vision intégrée de la fabrication pilotée par l’IA et le ML sont au début ou à mi-parcours de leur périple ».

Il ne faut pas oublier non plus que la concurrence est à l’œuvre. En mai 2020, Atos et Siemens ont annoncé un partenariat pour développer des jumeaux numériques ciblant les fabricants de vaccins. De son côté, le senior vice-président chez Cognizant perçoit Accenture comme le principal rival de l’ESN, tandis que Rovisys, un intégrateur système américain basé dans le Midwest, serait souvent confronté à TQS Integration.

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