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Process mining : les premiers pas d’Appian  

Appian mise désormais sur la complémentarité du process mining avec les outils de sa plateforme de BPM et d’automatisation, afin de permettre une gestion de bout en bout des processus. Pour l’instant, Appian Process Mining demeure un outil complémentaire à sa plateforme.

En août 2021, Appian rachetait Lana Labs, une startup allemande spécialisée dans le process mining. Le 24 janvier 2022, le spécialiste du BPM, du low-code et de l’automatisation a présenté la disponibilité générale d’Appian Process Mining, symbole de l’intégration des outils de Lana Labs dans la plateforme de l’éditeur.

Si Lana Labs était beaucoup moins visible que Celonis en France, la startup fondée en 2016 a les mêmes racines que son concurrent. Des trois fondateurs – Karina Buschsieweke, Thomas Baier et Dr Rami-Habbib Eid-Sabbagh –, les deux derniers sont passés par l’institut technologique Hasso Plattner, créé par le cofondateur de SAP.

Thomas Baier a participé avec de nombreux autres chercheurs et étudiants à la rédaction du « Process Mining Manisfesto », dirigé par Wil van der Aalst, l’actuel Chief Data Scientist de Celonis, considéré comme le parrain de la discipline.

« La communauté scientifique consacrée au BPM et au process mining est relativement petite », affirme Dr Rami-Habbib Eid-Sabbagh, directeur de la gestion produit chez Appian. « J’ai commencé mes études en 2002 avec Gero Decker, le cofondateur et CEO de Signavio, qui a fait son doctorat à l’institut Hasso Platner dans le même groupe que moi ».

Pour rappel, Signavio a été racheté par SAP au début de l’année 2021. « À la fin de notre doctorat consacré au process mining, Thomas et moi avons rencontré Karina dans un atelier d’entrepreneuriat. Nous nous sommes aperçus que peu de logiciels avaient adopté les innovations de notre discipline, ce qui a donné l’idée de lancer Lana Labs », raconte Rami-Habbib Eid-Sabbagh. « Cinq ans et demi plus tard, nous avons décidé de rejoindre Appian ».

Pourquoi la startup a-t-elle accepté l’offre de l’éditeur américain ? « Finalement, il s’agit d’accomplir la vision que nous avions au lancement de Lana Labs. Nous pouvons tout connaître des processus, leurs variantes, leurs fréquences d’exécution, etc., mais les clients se posent toujours la question ; “que fait-on ensuite pour agir ?” », explique le directeur. « Maintenant que notre solution est intégrée dans la plateforme Appian, nous pouvons découvrir les processus, les modéliser, les optimiser et automatiser les activités ».

Appian Process Mining : un outil qui a déjà fait ses preuves

La base du process mining est de découvrir et d’analyser les processus issus de systèmes qui stockent des journaux d’événements (ERP, CRM, MES, GPAO, etc.). Et comme ses concurrents, Appian Process Mining peut traiter les processus d’approbation (signature d’un contrat, génération de factures, etc.), d’order to cash, et de procure to pay, que l’on retrouve dans la majorité sinon la totalité des entreprises.

L’outil a également été conçu pour analyser la gestion documentaire (Content lifecycle Management), les cycles de vente, le meter to cash, les suivis de prêts hypothécaires, les mécanismes « d’issue to resolution » ou encore de changement de fournisseurs. Là encore, les éditeurs tels Celonis ou Signavio savent le faire.

Avec sa solution reposant sur Docker, déclinée en version cloud et on premise, Lana Labs s’était rapidement attaqué à des processus complexes, selon Rami-Habbib Eid-Sabbagh. « Dans l’industrie, Daimler a utilisé notre outil pour analyser et automatiser le processus de fabrication de voitures. Ce n’est pas si facile à faire, car il y a différents systèmes en place et donc des jeux de données différents à traiter ».

Le propriétaire de Mercedes s’est plus particulièrement intéressé aux ralentissements de production causés par des erreurs de montage ou des défauts sur les véhicules présents sur les lignes de montage. Daimler souhaitait ne pas déplacer les voitures lors de ces interventions, afin d’accélérer la cadence, à un coût moindre.

« Il fallait croiser les données en provenance de l’ERP, du MES et du logiciel GPAO. Cela a également permis d’optimiser les plannings de production, en fonction des modèles de véhicules et de leur similitude », explique Rami-Habbib Eid-Sabbagh.

Et si le cofondateur ne peut pas nommer tous ses anciens clients, un document édité par un cabinet de conseil italien pour le compte d’IEEE TFPM (Task force on Process Mining) démontre que Lana Labs s’est illustrée par le passé dans l’industrie, plus particulièrement dans le manufacturing et la pharmaceutique.

Ce n’est pas forcément la spécialité d’Appian, davantage présent auprès des services financiers et des banques. Lors de l’annonce du rachat, Matt Calkins, CEO d’Appian avait évoqué un client commun à Lana Labs : Telefónica. L’opérateur télécom utilise le process mining pour la gestion des abonnements et l’ajout de données aux forfaits mobiles. Certains cabinets de conseil et des ESN étaient également des utilisateurs des solutions Appian et Lana Labs.

Désormais, Appian assure que l’intégration des outils de process mining permet de suivre les processus de bout en bout, de leur conception à leur optimisation une fois déployée en production. Identification des ralentissements, amélioration des performances et des résultats, optimisation continue, voilà les promesses de l’éditeur avec cette nouvelle offre directement intégrée dans sa plateforme.

« Les concurrents peuvent avoir seulement le process mining, ou le process mining et la RPA, la modélisation et l’exploration des processus, mais personne n’a réellement tout dans une seule plateforme avec le niveau de profondeur que nous avons atteint », vante Rami-Habbib Eid-Sabbagh.

Sur le papier, l’offre d’Appian est intéressante. Pour animer son Execution Management System, Celonis fait appel à ServiceNow. Signavio est pleinement rattaché au monde SAP, tandis que TIBCO commence à proposer son outil de process mining à ses clients. Software AG propose d’automatiser les flux modélisés et explorés depuis ARIS avec WebMethods. Cependant, ces deux éditeurs sont plus reconnus pour leurs capacités d’intégration que leur suite BPM.

Un suivi de bout en bout encore très manuel

Ici, Appian met en avant un module no-code de préparation et de transformation de données – nommé Mining Prep – capable de se connecter à la plupart des sources de données (il faut néanmoins bâtir les connecteurs – des connecteurs vers Oracle, PostgreSQL, Microsoft MySQL et Powercloud) ou de charger des fichiers CSV. Pour rappel, un jeu de données étudié pour le process mining doit contenir au minimum des identifiants des cas (CASE ID) et des événements nommés et les horodatages associés.

Dans la pratique, il s’intègre par API à une application distincte, Process Mining. Celle-ci accueille les données transformées dans une base de données MariaDB (et les métadonnées dans une instance PostgreSQL) pour les analyser. Le fait que ces data store ne soient pas spécifiques à Appian facilite le traitement des données par d’autres outils, au besoin.

Il est à la fois possible de découvrir les processus ou d’importer des modèles BPMN depuis l’outil présent dans la plateforme.

Ensuite, depuis la même interface, un outil de visualisation des processus permet de comparer les flux découverts avec les modèles cibles. C’est un premier moyen d’observer les dérives et les variantes. Un onglet d’analyse des causes profondes permet d’identifier les raisons d’un goulet d’étranglement et « les déviations concrètes » dans un processus. Les usagers peuvent construire des tableaux de bord afin d’afficher les différentes métriques des processus et de suivre leur évolution. Il est également possible de prédire leur comportement dans le temps. « Si un problème intervient, nous avons un système d’alerte des déviations, ce qui peut accélérer la prise d’actions », affirme Rami-Habbib Eid-Sabbagh.

Toutefois, les analyses sont encore effectuées par des process analysts. « Engagez les parties prenantes et les propriétaires des processus pour influencer leur déroulement, si nécessaire », conseille la documentation d’Appian.  

Les responsables des projets doivent prendre les actions requises : automatisation des procédures, formation du personnel, déploiements de ressources IT, etc.

« Il y a des éléments sur la feuille de route pour améliorer les synergies avec les outils de la plateforme, mais nous ne pouvons pas les dévoiler dans l’immédiat. »
Dr Rami-Habbib Eid-SabbaghCofondateur Lana Labs

Une fois le nouveau processus défini, il devient le modèle de référence pouvant servir de matrice pour de prochaines optimisations. Naturellement, Appian espère que ses clients vont analyser les processus créés avec sa solution BPM, les amender, puis les automatiser avec ses outils.

Appian Process Mining ne fournit pas encore de recommandations sur des actions à prendre ou n’identifie pas les portions de code d’un flux BPM qu’il faudrait retravailler, par exemple. En clair, la technologie et les méthodes sont là, pas les automatisations. 

« Il y a des éléments sur la feuille de route pour améliorer les synergies avec les outils de la plateforme, mais nous ne pouvons pas les dévoiler dans l’immédiat », déclare Dr Rami-Habbib Eid-Sabbagh.

La mise à niveau incluant le process mining dans la plateforme n’entraîne pas de coût supplémentaire pour les clients d’Appian. Les clients existants de Lana Labs migreront progressivement vers la solution de l’éditeur américain.

 

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