Infogérance : le difficile démarrage de Kyndryl

La société de services, nouvellement indépendante depuis qu’IBM a jugé préférable de s’en séparer, affiche un premier CA peu convaincant. Son PDG veut croire que les géants du cloud viendront à sa rescousse.

Kyndryl, la société de services dédiée à l’infogérance dont IBM s’est séparée en novembre dernier, a récemment publié ses premiers résultats en tant qu’entreprise indépendante. Ils ne sont pas terribles : 4,6 milliards de dollars au quatrième trimestre, soit une baisse de 8 % par rapport à l’année dernière. Pour remonter la pente, elle annonce se recentrer sur les services les plus demandés, notamment la cybersécurité et la transformation digitale.

Sur l’ensemble de l’exercice, qui va d’avril 2021 à mars 2022, la société a enregistré un CA cumulé de 18,7 milliards de dollars, soit là aussi une baisse par rapport à l’année dernière, de 4 %.

S’adressant aux analystes financiers, Martin Schroeter, le PDG de Kyndryl, s’est montré optimiste quant aux chances de l’entreprise d’être compétitive. Libéré d’IBM, Kyndryl verrait ses opportunités de marché passer de 240 à 510 milliards de dollars d’ici 2024. Des opportunités que le PDG compte saisir grâce aux partenariats qu’il a signés avec les géants du cloud Microsoft, Google et AWS lors des deux derniers mois.  

« Maintenant que nous sommes indépendants, les tendances technologiques comme le cloud ne jouent plus contre nous, elles nous portent. »
Martin SchroeterPDG de Kyndryl

« Maintenant que nous sommes indépendants, les tendances technologiques comme le cloud ne jouent plus contre nous, mais, au contraire, elles nous portent », a-t-il affirmé lors de la présentation de ses résultats. En face, un parterre d’analystes financiers était curieux de savoir si l’infogérance de datacenters se pratiquait toujours de nos jours comme il y a vingt ans. « Nous n’avons plus la contrainte de travailler uniquement sur des équipements IBM historiques. Nous sommes libres d’élargir notre gamme de services et notre fourchette de technologies », a-t-il rassuré.

Une réponse qui convainc peu Judith Hurwitz, une analyste indépendante ayant assisté à la présentation des résultats. « Kyndryl est né d’IBM Global Technology Services au moment où cette entité était un problème pour IBM. Si cette scission avait eu lieu il y a des années, ils seraient dans une meilleure position aujourd’hui pour prétendre maîtriser les technologies modernes. Là, ils donnent l’impression de ne plus trop savoir sur quoi miser leur réputation », commente-t-elle.

« Il y a néanmoins une sorte de zone grise dans la concurrence avec IBM. »
Judith HurwitzAnalyste indépendante

Elle pointe un autre problème : Kyndril avait initialement déclaré qu’IBM ne lui ferait pas de concurrence. Or, il reste une unité dédiée aux prestations de services chez IBM, et celle-ci a aussi signé des alliances stratégiques avec les mêmes géants du cloud. « Même si ces alliances concernent plutôt les technologies de Red Hat, la situation n’est pas très claire pour Kyndril. Il y a une sorte de zone grise dans la concurrence avec IBM », ajoute-t-elle

Parier sur l’arrivée de contrats via les géants du cloud

Pour se relever, Kyndril doit donc passer de la simple offre d’infogérance d’infrastructures à des activités d’accompagnement plus ciblées. L’entreprise cite la cybersécurité, la migration en cloud, la résistance aux incidents, la transformation des applications.  

« Tous les PDG et DSI avec lesquels je parle sont extrêmement concernés par la cybersécurité », plaide Martin Schroeter. « Ils redoutent que ces menaces mettent en péril leurs activités, mais il leur est difficile de savoir comment se protéger et comment mettre en œuvre une solution. »

La stratégie du PDG est que ses trois nouveaux partenaires du cloud public certifient la compétence de Kyndryl sur ces questions et commercialisent ses prestations dans leurs catalogues de services. Martin Schroeter table sur un revenu d’un milliard de dollars pour cette seule activité.

Martin Schroeter promet de réduire les dépenses annuelles de 200 millions de dollars. Comment ? L’explication n’est pas très claire.

Dans un second temps, Martin Schroeter promet de réduire les dépenses annuelles de Kyndryl de 200 millions de dollars. Comment ? L’explication n’est pas très claire, car il s’agirait d’y parvenir en améliorant « considérablement » la qualité des prestations de services. Entre les lignes, le discours du PDG suggère que les équipes qui réalisent aujourd’hui un chiffre d’affaires en dessous de la moyenne n’auront plus l’occasion de le faire. Il ne parle pas explicitement de licenciements.

Il n’empêche… Éliminer les parties de ses opérations dont les marges sont jugées inférieures devrait permettre de mieux valoriser les autres, ce qui se traduirait par un gain supplémentaire de 75 millions de dollars.  

Dans ce paysage de promesses ambitieuses, il y a néanmoins deux bonnes nouvelles tangibles. Kyndryl a signé récemment avec le groupe BMW, pour assurer l’intégration de diverses technologies à ses serveurs de stockage, ainsi qu’avec Raytheon, l’équivalent américain de Thalès, pour intégrer dans son SI des solutions de cloud hybride.

Pour approfondir sur SSII, ESN

Close