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Vers des tensions sur le marché des cadres en informatique ?

Le recrutement sur les profils informatiques n’a pas pâti de deux ans de pandémie et du déclenchement de la guerre en Ukraine. Le secteur apparaît en forte tension, même si l’incertitude sur l’avenir persiste.

L’Apec (Association pour l’emploi des cadres) a publié fin avril son baromètre du 2e trimestre 2022 sur l’emploi des cadres. Ce dernier souligne une forte dynamique de l’emploi malgré deux ans de crises majeures. La tension sur le marché de l’emploi des cadres se serait même plutôt intensifiée : ainsi, 69 % des entreprises qui ont embauché des cadres au 1er trimestre jugent qu’il a été difficile de le faire – soit 8 points de plus qu’au trimestre précédent. Cette part était de 46 % au 1er trimestre 2021.

Les délais de recrutement se sont allongés. Au moment de l’enquête, 36 % des ETI et des grandes entreprises avaient des postes de cadres à pourvoir depuis plus de 3 mois.

Témoin d’une forte dynamique malgré la période difficile traversée, le volume d’offres d’emploi, au premier trimestre 2022, est supérieur à ce qu’il était au 1er trimestre 2019 : 168 000 offres d’emploi au premier trimestre 2022 contre 152 000 proposés à celui de 2019 (et 118 000 au premier trimestre 2021). Sur l’ensemble de cette période, le volume d’emploi des cadres aura globalement crû de 11 %, et de 16 % par rapport au 1er trimestre 2021.

« L’ingénierie/R&D, les activités informatiques et le conseil, traditionnels recruteurs de bataillons de cadres, se montrent très actifs et recrutent à des niveaux d’avant crise », note le Baromètre de l’APEC, notamment en Bretagne, Nouvelle-Aquitaine et PACA, où le niveau de recrutement peut même dépasser celui d’avant la crise.

Cette tension sur le recrutement des cadres a au moins deux conséquences. Une négative, sur la continuité des projets des entreprises : l’étude de l’Apec souligne que 45 % des entreprises qui prévoient de recruter des cadres au 2e trimestre verraient leur chiffre d’affaires baisser, si les projets sur lesquels elles travaillent n’aboutissent pas. Ce qui n’est pas en soi une bonne nouvelle.

Vers plus de mobilité ?

À l’inverse, les cadres eux-mêmes ne se plaignent pas de cette tension, et le marché est jugé plus favorable. Au 1er trimestre 2022, près de 45 % (+ 3 points) des cadres se déclarent « en veille » sur le marché, et « les cadres des ETI et des grandes entreprises sont particulièrement nombreux à s’intéresser aux opportunités d’emploi : 49 %, + 4 points », précise le Baromètre de l’Apec.

Beaucoup de cadres estiment donc que la période présente des possibilités d’opportunité : 56 % considèrent en mars 2022 que le changement d’entreprise est une opportunité ; ils étaient 41 % en février 2021.

A contrario, 59 % des cadres jugeaient que « changer d’entreprise était risqué » en février 2021 ; ils ne sont plus que 44 % en mars 2022. Le turn-over, traditionnel problème (ou opportunité) du recrutement dans le secteur informatique, pose donc de manière assez nette, le problème de la fidélisation des troupes.

Pourtant le désir de voir si l’herbe est plus verte ailleurs, reste, quand on pousse un peu la question, un vœu pieux : 13 % des cadres déclarent spontanément vouloir changer d’entreprise dans un délai de 3 mois en mars 2021, et toujours 13 % en mars 2022. Courageux, mais pas téméraires…

Le salaire, un point critique ?

Dans cette tendance, il est évident que, vu la tension sur le marché informatique, les DSI regardent à la loupe les tendances du recrutement sur les profils SI. Une autre étude, le Guide des Salaires au 2e trimestre 2022, fait par le cabinet de recrutement Robert Half, établit que 77 % des DSI prévoient des recrutements sur l’année à venir, et que 91 % des DSI se disent plus, ou aussi confiants pour les 12 prochains mois. Mieux encore, « 32 % la création de nouveaux postes », note l’étude.

Mais, vu les tensions sur le marché, 74 % se disent préoccupés par leur capacité à retenir les meilleurs profils. Plus précisément, 32 % s’inquiètent de ne pas pouvoir augmenter les salaires pour retenir leurs collaborateurs, et 31 % de ne pas être en mesure d’offrir une rémunération compétitive sur le marché.

La rémunération reste donc un point critique pour le recrutement, surtout lorsqu’une autre étude récente, celle de FED IT PULSE sur la rémunération, l’attractivité et la fidélisation des professionnels du secteur IT – récemment parue – note que, sur une offre jugée « similaire », la rémunération (citée par 66 % des répondants) intervient comme critère de choix avant la proximité géographique du poste (46 %) et encore avant l’intérêt des missions proposées (autonomie, nouveauté), à 43 %.

« Il est intéressant de noter que la rémunération reste le premier critère, quelle que soit l’expérience professionnelle des répondants. »
Étude Apec 2022

« Il est intéressant de noter que la rémunération reste le premier critère, quelle que soit l’expérience professionnelle des répondants », relève ainsi l’étude.

La juxtaposition de ces phénomènes fait craindre, à plus ou moins long terme, un risque de hiatus entre les attentes à court terme et des profils tentés de jouer la surenchère, ainsi qu’un marché certes en tension, mais qui n’est pas à l’abri d’un retournement.

Le Baromètre de l’Apec notait ainsi que, même si la confiance des entreprises dans leur carnet de commande resté élevée, (72 % ; 7 points au-dessus du niveau de l’année d’avant), les intentions de recrutement baissent tout de même de 9 points dans les ETI et les grandes entreprises.

Rien n’interdit donc aux cadres informatiques de profiter de la dynamique du marché, mais attention à ne pas lâcher la proie pour l’ombre. La conjoncture, après une crise mondiale sans précédents et une guerre sur le sol européen, reste fragile.

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