Tuxera : le stockage des équipementiers s’ouvre aux entreprises

L’éditeur finlandais développe des pilotes de stockage pour les smartphones, les satellites et le tableau de bord des voitures. Il décline son expertise tout terrain en un NAS très rapide pour l’IA et la vidéo.

Un centre de R&D bardé d’étudiants chercheurs uniquement voués au développement... d’un clone de SMB, le protocole de partage de fichiers de Windows. Telle est la description de Tuxera, un éditeur finlandais que personne ne connaît dans le grand public, alors que tout le monde utilise ses produits sans le savoir.

Il faut dire qu’avant de plancher sur une version améliorée de SMB pour tout le venant des entreprises, Tuxera est surtout ce spécialiste qui fournit à tous les constructeurs d’équipements embarqués le logiciel qui leur permet de relire un système de fichiers Windows.

« Quand vous voyez un appareil qui a la possibilité de lire ou stocker des données sur une carte SD en exFAT, il y a de grandes chances qu’il le fasse grâce à l’un de nos pilotes », lance Tuukka Ahoniemi, le PDG de Tuxera (en photo).

« Nous avons réalisé un chiffre d’affaires de 25 millions d’euros en 2022. Près de la moitié a été réalisé par la vente de nos logiciels dans les tableaux de bord des voitures, 22% dans des appareils grand public, 14% dans des équipements télécoms (dont les boxes), 3% dans des appareils militaires ou de l’aérospatial, 2% sur des équipements industriels », égrène-t-il, lors d’une rencontre avec LeMagIT, à l’occasion d’un événement IT Press Tour organisé à Berlin au début de l’été et consacré aux acteurs européens qui innovent dans le stockage.

Parmi ses clients, il cite BMW, l’équipementier automobile japonais Alpine, les fabricants de smartphones Samsung et HTC, les équipementiers industriels Rockwell Automation, Alcatel-Lucent, mais aussi Acer, Lenovo, Asus, Panasonic, Belkin, TP-Link et bien d’autres. Sans compter ceux qu’il n’a pas le droit de nommer.

25 ans d’expérience sur des implémentations exotiques

On pourrait se demander pourquoi tous ces équipementiers font appel à Tuxera, quand, en fin de compte, il s’agit juste la plupart du temps de fournir un système de fichiers FAT. Ce système a été écrit par Microsoft à la fin des années 70 pour les disquettes et évolue depuis au fil des capacités des nouvelles unités de stockage. En 2019, après avoir touché des royalties pendant des décennies sur le code source qu’il revendait à d’autres, Microsoft a transféré la propriété intellectuelle d’exFAT, l’évolution la plus récente, au consortium Open Innovation Network, qui chapeaute des logiciels Open source clés de l’écosystème Linux (entre autres Apache, Mozilla, MySQL, ou encore Python).

« L’intérêt de Tuxera est que nous n’avons pas notre pareil pour écrite un pilote FAT – ou d’autres systèmes de fichiers, dont NTFS – pour des matériels exotiques qui fonctionnent avec des systèmes d’exploitation exotiques. Par exemple, des boîtiers de mesure de la consommation d’énergie en milieu industriel qui fonctionnent avec un microcontrôleur à façon et doivent conserver leurs relevés pendant quinze ans. »

« Mais aussi un enregistreur vidéo temps réel pour les satellites en orbite, qui fonctionne avec le système temps réel VxWorks, avec un processeur SPARC 32 bits, sur lequel on ne peut utiliser que très peu de cycles d’horloge. Et aussi avec une mémoire NAND de 128 Go, sur laquelle il faut écrire de manière homogène pour qu’elle dure le plus longtemps possible et, surtout, pour fiabiliser son contenu malgré des conditions extrêmes », illustre Tuukka Ahoniemi.

Un accès NAS quasiment aussi rapide qu’un accès en mode bloc

Tuxera revendique 25 ans de savoir-faire dans la programmation des couches basses d’un système d’exploitation et 70 ingénieurs chevronnés en langage C – la moitié de son effectif – recrutés aux quatre coins du monde. Et c’est fort de cette expertise qu’il envisage désormais d’élargir sa clientèle à toutes les entreprises.

En l’occurrence, des pilotes pour gérer un système de fichier Windows aux pilotes pour gérer un système de fichier partagé avec un protocole Windows, il n’y aurait qu’un pas. C’est ainsi que Tuxea s’est lancé dans la réécriture du protocole SMB, baptisant sa propre implémentation « Fusion ».

« Quand vous comprenez comment optimiser les accès fichiers au niveau du noyau d’un OS, vous comprenez comment le faire via un protocole réseau. En l’occurrence, nous sommes capables de paralléliser au niveau du noyau de l’OS plusieurs flux SMB, ce qui nous permet d’atteindre des performances inédites. Et c’est particulièrement important pour les nouveaux types d’applications, notamment les moteurs de Machine learning », argumente Tuukka Ahoniemi, en suggérant que Fusion est de préférence installé sur des serveurs Suse Linux.

Et de faire une démonstration dans laquelle il compare l’accès d’un poste de travail à un cluster de stockage composé de 6 baies de disques, tantôt en passant par un NAS qui partage le contenu via l’implémentation Open source traditionnelle de SMB, tantôt via un NAS équipé de Fusion. Le NAS classique offre des débits de 2,5 Go/s en lecture et 2,2 Go/s en écriture. Le NAS équipé de Fusion atteint des débits de 8,4 Go/s en lecture et 11,6 Go/s en écriture.

« Sachant que le débit entre le NAS et les baies de disques est de 8,4 Go/s en lecture et 12 Go/s en écriture, vous comprenez que Fusion vous offre sur le réseau un accès SMB dont la vitesse correspond à 85% de la vitesse maximale du lien en mode bloc qui existe entre le NAS et ses disques externes. C’est inédit », avance notre interlocuteur.

Dans ces exemples, toutes les machines sont reliées via un réseau Ethernet en 100 Gbit/s.

Une infrastructure de stockage qui optimise les ressources

Autre exemple, cette fois-ci en passant par une connexion NVMe/RoCE entre le NAS et une seule baie de SSD. Tuxera revendique avoir développé son propre pilote RoCE et l’avoir ajouté à Fusion. Lorsque les deux NAS ne dédient qu’un thread CPU au décodage du trafic, Le poste de travail lit des données à la vitesse d’environ 1,8 Go/s via le NAS Fusion et 1,7 Go/s via le NAS classique. Avec quatre threads CPU, le NAS Fusion grimpe à environ 5,7 Go/s contre 2 Go/s pour le NAS classique. Avec 8 threads, le NAS Fusion dépasse les 8 Go/s, alors que le NAS classique reste à 2 Go/s.

« Sachant qu’il vous faut 4,5 Go/s pour rapatrier sur une station de travail une vidéo 8K en 24 images par seconde, nous pensons avoir la solution idéale pour adresser le marché des studios de montage, par exemple », indique Tuukka Ahoniemi.

LeMagIT apprendra à l’occasion de cette démonstration qu’au moins deux startups qui planchent sur le développement de baies de disques performantes, Weka et StorOne qui évoquent elles aussi l’exemple des studios de montage, doivent une partie de leurs bons résultats au fait d’avoir intégré le pilote Fusion à leurs solutions.

Tuxera ne se contente pas de proposer un pilote SMB plus performant. Il peut aussi proposer à ses clients un système de fichiers NTFS alternatif à celui offert par défaut sur les serveurs Windows. À l’instar de Fusion, celui-ci gérerait mieux la parallélisation des accès. Il hériterait aussi d’algorithmes mis au point dans le cadre des pilotes exFAT : très peu de cycles CPU consommés, des fonctions de backup et de restauration intégrées et, surtout, la possibilité d’installer ce NTFS sur des serveurs Linux. Au final, la promesse d’un datacenter moins cher.

« La prochaine étape va consister à proposer nos solutions en cloud. Nous pensons qu’en accélérant les transferts et qu’en réduisant la charge CPU, nous pouvons faire faire de substantielles économies aux entreprises qui migrent leurs applications sur des infrastructures IaaS facturées à l’usage », conclut Tuukka Ahoniemi.

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