« Parce que l’IA », Salesforce augmente le prix de ses forfaits

Hier, Salesforce a annoncé une modification de sa politique tarifaire en même temps que l’arrivée de nouveaux forfaits. L’infusion de l’IA dans son offre justifierait la hausse moyenne de 6 % des prix de ses solutions, alors même que ses chercheurs signalent que les performances des agents IA posent des « défis » quand ils ne sont pas « médiocres ».

Les add-ons Agentforce et Agentforce 1 Editions entrent en disponibilité générale pour Sales Cloud, Service Cloud, Field Service et Industries Cloud. Ces offres remplacent celles auparavant proposées par l’éditeur. Dans le même temps, le prix des éditions Enterprise (165 dollars par utilisateur par mois) et Unlimited pour les mêmes produits « sera augmenté le 1er août 2025 d’environ 6 % ». « Il n’est pas prévu de modifier la tarification des éditions Salesforce Foundations, Starter et Pro », précise Salesforce.

Les add-ons Agentforce, facturés 125 dollars par mois par utilisateur, sont des extensions pour les sièges Enterprise et Unlimited. Salesforce avait promis de rendre l’usage de l’IA générative et de ses agents « illimité » pour les employés. C’est justement ce qu’offrent ces extensions payantes. Les add-ons intègrent également des templates d’agents IA par rôle et par industrie, des fonctions d’analytique prédictive, d’IA générative et d’IA agentique, l’accès au prompt builder et à Tableau Next.

Agentforce 1 Editions, « à partir de 550 dollars par utilisateur par mois », inclut les fonctions des add-ons ainsi que des « bundles » spécifiques aux « Cloud » Salesforce « qui offrent des fonctionnalités étendues et une plus grande valeur ajoutée, le tout à un coût total inférieur ».

Pour rappel, le géant du CRM avait déjà annoncé en mai dernier l’arrivée prochaine des flex credits. Ces crédits permettent non plus de payer à la conversation les agents Agentforce, mais en fonction du nombre d’actions qu’ils ont réalisé. Agentforce 1 Editions en contient 1 million par org par an. C’est également cette édition « One » qui permet de convertir des licences pour sa plateforme en crédits IA. À cela s’ajoutent 2,5 millions de crédits « Data Services » par org par an pour Data Cloud. Enfin, cette édition donne accès à Slack Enterprise+, une nouvelle édition qui inclut une « IA adaptée aux grandes entreprises ». 

Slack est aussi affecté

L’outil collaboratif n’échappe pas à la hausse tarifaire. Ce n’était pas arrivé depuis 2022. Si l’édition Pro n’est pas concernée, Slack Business+ coûtera 15 dollars par mois par utilisateur par an au lieu de 12,5 dollars. Le paiement mensuel est fixé à 18 dollars par mois par personne. En revanche, les clients de Salesforce peuvent utiliser Slack et Salesforce « ensemble » à travers les apps Customer 360, même avec l’édition gratuite de Slack.

« Ces mises à jour dans l’ensemble de notre portefeuille sont conçues pour aider les organisations à acheter, utiliser et reconnaître la valeur des dernières innovations dans l’ensemble de leurs activités », vante Salesforce. « Cet engagement en faveur de l’innovation, alimenté par d’importants investissements continus dans la recherche et le développement, se traduit directement par les capacités et la valeur que nous apportons à nos clients et qui sont à la pointe du marché ».

Une hausse de prix justifiée par l’apport de l’IA agentique donc. Or, Salesforce Research minimise fortement la pertinence de cet argumentaire.

Des agents IA très perfectibles

Dans un article publié le 24 mai 2025, l’organisme R&D présente son benchmark CRMrena Pro et les résultats des LLM contre ces évaluations pensées pour la gestion de la relation clients. « Nos expériences approfondies révèlent que même les agents LLM les plus performants n’atteignent qu’un taux de réussite d’environ 58 % dans des scénarios à tour unique, avec une performance qui se dégrade significativement à approximativement 35 % dans des contextes à tours multiples », écrivent les chercheurs de Salesforce. « Cela met en évidence les défis en matière de raisonnement à tours multiples et d’acquisition d’informations ».

« Nous avons observé que tous les agents LLM testés performent médiocrement dans la plupart des compétences commerciales », poursuivent-ils. En « Les exécutions de workflows est la [tâche] la plus abordable. Les agents les plus performants dépassent un taux de réussite de 83 % dans les tâches à tour unique ». Ici, les chercheurs font référence au résultat d’un seul modèle : Gemini 2.5 Pro de Google. Par exemple, Gemini 2.5 Flash affiche un score de 67,5 % sur le même exercice, soit un peu plus qu’OpenAI o1 (67 %), tandis que GPT-4o obtient un score de 26 %. Pour rappel, l’on évoque là les résultats et les performances des LLM considérés comme les plus performants du marché. Ces tests concernent plus particulièrement un lot d’actions exécutées dans une org B2B de Salesforce. Les modèles s’en sortent légèrement mieux au moment de traiter des skills B2C. Des résultats cohérents avec les remarques remontées par les clients de Salesforce auprès de Forrester Research.

Enfin – et c’est beaucoup plus problématique – « les agents démontrent une faible conscience de la confidentialité qui, bien qu’améliorable par un prompt ciblé, impacte souvent négativement la performance des tâches ». Les LLM posent donc une menace en matière de conformité au RGPD. Ils verraient leur performance baisser en flèche parce qu’ils ne savent pas appliquer simultanément les consignes de la couche de confiance et la tâche qu’on leur réclame.

Une légère hausse des dépenses R&D, stables en proportion des revenus

Si l’IA n’est pas aussi bénéfique que l’affirme la communication de Salesforce, peut-on justifier cette hausse tarifaire par une augmentation du budget R&D d’une année sur l’autre ? Entre le premier trimestre 2024 (T1 fiscal 2025) et 2025 (T1 fiscal 2026), l’éditeur a maintenu le budget alloué à son pôle de recherche et développement : environ 12 % de ses revenus non GAAP. Dans un même temps, son chiffre d’affaires est passé de 8,58 milliards de dollars au T1 2024 à 9,29 milliards de dollars au T1 2025.

Dans les faits, au T1 2025, ses dépenses R&D ont atteint 1,46 milliard de dollars quand elles étaient de 1,38 milliard de dollars à la même période en 2024. Soit une hausse de 5,8 % entre ces deux bilans séparés d’un an. Un phénomène que les comptables de Salesforce expliquent par « une augmentation des coûts liés aux employés, y incluant la charge de rémunération à base d’actions ». Cela refléterait tout de même une « stabilité » par rapport à la même période l’année dernière. À demi-mot, ils semblent prévoir une légère hausse des coûts. « Nos effectifs en recherche et développement ont augmenté de 10 % au cours du trimestre clos le 30 avril 2025, principalement dans les régions où les coûts sont les plus bas », ajoutent-ils. Les auteurs du rapport tablent toutefois sur la « consistance » des dépenses de l’éditeur dans ce domaine.

Coté en bourse, Salesforce tient à sa marge et à ses investisseurs. Il ne faut pas non plus oublier le fait qu’il entend compenser le rachat d’Informatica pour huit milliards de dollars. Marc Benioff, son dirigeant, a aussi la volonté de pousser l’adoption d’Agentforce. Selon la présentation des résultats financiers du premier trimestre fiscal 2026 du 28 mai 2025, Salesforce a conclu « plus de 8000 contrats Agentforce », dont 4000 payants représentant environ 100 millions de revenus annuels récurrents. À la fin du mois de mai, 800 clients étaient en production.

Peu importe les raisons de cette hausse, « clients de Salesforce, sortez les calculettes », recommande en substance le cabinet d’analystes Constellation Research.

 

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