Next : Salesforce et Tableau éclaircissent (un peu) leur vision de l’analytique agentique

Si de loin, l’annonce de Tableau Next ressemble à un renommage en bonne et due forme, les experts considèrent plutôt que Tableau a trouvé la formule d’un produit mêlant la plateforme Data Cloud de Salesforce, sa couche sémantique, l’analytique et l’IA agentique. Reste que sa position dans l’écosystème des solutions Tableau est encore à préciser.

Dévoilée en préversion en septembre sous le nom de Tableau Einstein, Tableau Next est une plateforme analytique qui combine les capacités existantes de l’éditeur et de sa société mère, Salesforce, avec de nouvelles fonctionnalités, notamment des agents IA.

La plateforme, en disponibilité générale dans le cadre de l’abonnement Tableau+, vise à « automatiser les tâches répétitives, à fournir des informations de manière proactive et à permettre aux utilisateurs de prendre des décisions dans le contexte des flux de travail ».

Plus précisément, entre août et mars 2025, Salesforce et Tableau ont migré Tableau Cloud de tenants AWS Tableau à d’autres régi par la méta-infrastructure cloud de Salesforce, Hyperforce, toujours sur AWS. Au passage, les tenants Tableau Hyperforce pourront bientôt être hébergés sur Google Cloud à la demande des clients.

Passer du patchwork de fonctionnalités à un produit

Le fait d’être dans le giron technique de Salesforce permet de rapprocher Tableau des produits du géant du CRM, dont la plateforme agentique Agentforce.

Cette vision, Tableau l’avait déjà présentée en novembre 2024, lors d’un événement local à Londres. Il s’apprêtait à lancer une couche sémantique. Elle est entrée en disponibilité générale au mois de février 2025. Tableau+ devrait être l’offre qui rassemble Tableau Agent et Pulse, la couche de sémantique, un lien vers l’entrepôt Data Cloud, une place de marché interne (attendue cette année) et externe pour des jeux de données, des templates de visualisations, etc., et Agentforce. Tableau Next correspond à cet ensemble. Il est finalement présenté sous la forme d’un produit spécifique accessible à l’aide de l’abonnement +. Le nommage Next a été présenté pour la première fois en février 2025.

Selon David Menninger, analyste chez ISG Software Research, avec la transition du secteur de l’analyse vers l’IA agentique, Tableau Next montre que Tableau est en train de passer d’une plateforme de BI traditionnelle à l’IA.

« [L’appellation] Tableau Next représente la réingénierie de Tableau », avance-t-il. « Les flux de travail agentiques [décomposent] les données de Tableau et les tâches analytiques en composants individuels qui peuvent être assemblés dans une variété de flux de travail. L’objectif ultime est d’automatiser une plus grande partie des tâches d’analyse ».

Des agents IA qui semblent se substituer à Tableau Pulse et Agent

Avec l’arrivée de Tableau Next, Salesforce présente trois agents IA – Data Pro, Concierge et Inspector, actuellement en préversion. La marketplace interne devrait être disponible en 2025, sans plus de précision.

Data Pro, disponible en juin, est un agent de préparation des données qui fournit des suggestions pour des étapes telles que la transformation des données et prend automatiquement en charge une partie du travail. Concierge, également disponible en juin, est un agent d’interrogation et de réponse en langage naturel qui recommande des actions. Inspector, disponible d’ici la fin de l’année 2025, surveille automatiquement les données pour détecter les changements, analyse les tendances et fait des prédictions afin que les utilisateurs puissent prendre des mesures proactives.

Inspector est une fonctionnalité qui était naissante au sein de Tableau Pulse, mais qui deviendrait agentique. Les trois agents permettront de constituer des « applications analytiques » – rassemblés dans des espaces de travail – à partir desquelles il sera possible de prendre des actions dans des applications Salesforce et tierces (par exemple Workday).

Ces agents IA s’appuient sur la couche sémantique afin de générer des « résultats précis et pertinents ». En clair, elle est utilisée comme élément de contexte, à la manière d’un système RAG. En outre, comme Google Cloud avec Looker, Tableau utilise le framework Vega Lite, lui permettant de générer des graphiques à l’aide d’une syntaxe JSON. Ce que ne dit pas Tableau et Salesforce, c’est que Data Pro et Concierge s’apparentent à des déclinaisons d’Agent et de Pulse spécifiques à Tableau Next.

Une vision plus claire de ce qu’est Next, mais des questions subsistent

Cela dit, Tableau Agent et Pulse ne disparaissent pas. Agent est inclus dans les différentes briques de Tableau Cloud (Prep, Catalog, Cloud Web Authoring, Pulse) et n’est accessible que depuis l’abonnement Tableau+. Pulse est accessible via Tableau Cloud, peu importe l’édition. Et les porte-parole du groupe d’affirmer que Next, Cloud, Prep, Server et Desktop seront « interopérables ». L’éditeur n’a toutefois pas expliqué comment. « C’est la réponse que j’espère obtenir au cours de cette année », commente Tim Ngwena, consultant chez Aimpoint Digital – aka « Tableau Tim » sur YouTube. « La notion d’interopérabilité a un sens précis pour les data analysts, et je ne suis pas sûr qu’à la communication de Salesforce, le mot est réellement compris », poursuit-il. « Par exemple, est-ce qu’il sera plus simple de passer de Tableau Server à Tableau Cloud ? ».

En comparaison de ce que Tableau avait déjà montré, Tim Ngwena considère que la présentation de Next faites lors de Tableau Conference cette semaine à San Diego s’appuie enfin sur « un produit réel et non pas des mockups Figma ». « J’ai vu la même chose s’exécuter sur le pc d’un responsable produit, y compris les bugs résiduels ».

Southard Jones, directeur de la gestion produit chez Tableau a promis que Next ne serait pas seulement compatible Salesforce Data Cloud, mais avec d’autres data warehouse cloud, soit par des connecteurs bidirectionnels, soit par d’autres moyens. Il reste à adapter la couche sémantique de Next pour qu’elle s’adapte aux autres plateformes du marché, dont Databricks et Snowflake.

Par ailleurs, les recherches de Tableau montrent que l’IA agentique a le potentiel d’améliorer la pertinence, la fiabilité et l’actualité des données, selon Southard Jones.

« Les trois agents ont été choisis sur la base d’entretiens avec les clients et des recherches que nous avons effectuées », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse virtuelle le 11 avril. « Dans le produit, nous parlons de “tâches à accomplir” et nous voulons aider [les utilisateurs] à accomplir ces tâches de manière plus productive, plus évolutive et obtenir des résultats de meilleure qualité ».

Ravi Malick, vice-président senior et DSI mondial de Box, un client phare de Tableau lors de la conférence, a utilisé Pulse, et a expérimenté la préversion de Tableau Next. Aujourd’hui, il affirme qu’il prévoit une utilisation plus répandue et a souligné les avantages de Concierge.

« J’ai immédiatement pensé au nombre de questions que je pose à mon équipe et qui sont liées aux données, et la possibilité de [demander à Concierge] est enthousiasmante », affirme-t-il.

Pas d’agents IA sans bonnes pratiques et des protocoles

Selon Southard Jones, le prochain agent de Tableau pourrait aider les gestionnaires de données à développer leur couche sémantique.

Rebecca Wettemann, PDG du cabinet d’études Valoir, a toutefois suggéré qu’avec les capacités d’IA générative devenant courantes, les éditeurs tels que Tableau pourraient fournir davantage de conseils plutôt que d’ajouter de nouveaux outils. Les clients auraient besoin d’aide pour comprendre comment ils peuvent bénéficier de l’IA générative sans que la technologie prenne le dessus sur leur travail.

« Je m’attends à ce que Tableau fournisse davantage de compétences agentiques », avance Rebecca Wettemann. « Mais ce qui est encore plus important, ce sont les bonnes pratiques et la communication sur la façon dont les champions de Tableau peuvent utiliser ces capacités pour… montrer la valeur de ce qu’ils fournissent lorsqu’une grande partie de leur travail quotidien a le potentiel d’être automatisé. »

David Menninger, quant à lui, a déclaré que si Tableau fait désormais partie des éditeurs de solutions analytiques à l’avant-garde en matière d’IA générative, des défis subsistent.

« L’un des prochains grands défis liés à l’IA générative et agentique est le traitement multiagent », considère-t-il. « En tant qu’industrie, nous devons développer des protocoles entre agents. En ce sens, la prise en charge de [protocoles] ou d’autres normes industrielles sera essentielle ». Salesforce participe d’ores et déjà à l’initiative Agent2Agent de Google. Celle-ci est balbutiante.

De l’IA dans Tableau Server : Salesforce et Tableau tâtent le terrain

Si l’abonnement Tableau + et la mise en avant de Next laissent présager un avenir résolument porté vers le cloud, les porte-parole de Tableau affirmaient auprès du MagIT que le groupe n’abandonnerait pas Tableau Server.

Et, sûrement pour tester les réactions sur le marché, l’éditeur a présenté « Tableau Server with AI ». L’idée est de laisser la possibilité aux clients de s’appuyer sur le LLM et les frameworks open source de leur choix (LangChain, LlamaIndex, HayStack) afin qu’ils puissent développer des fonctionnalités IA similaires à celles que proposent Tableau. A priori, l’éditeur laissera le choix entre l’appel distant de LLM depuis les services des hyperscalers et leur déploiement sur site. Des démonstrations réalisées par les membres de la communauté avaient prouvé que ce lien entre Server et des LLM était possible.

« C’est important, car beaucoup d’entreprises ont des instances d’IA liées à Azure OpenAI ou Google Vertex AI et veulent pouvoir coupler cela avec Tableau Server », souligne Tim Ngwena.

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