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Donald Trump veut imposer 100 % de droits de douane sur les semiconducteurs
Le secteur des puces électroniques est bouleversé par les projets de l’Administration américaine d’imposer des droits de douane sur les semiconducteurs importés aux États-Unis.
Hier, le président américain Donald Trump a annoncé l’imposition d’importants droits de douane sur les semiconducteurs importés aux États-Unis, à moins que les entreprises ne s’engagent de manière substantielle à développer leur production sur le territoire américain.
« Nous allons imposer des droits de douane très élevés sur les puces et les semiconducteurs, mais la bonne nouvelle pour les entreprises comme Apple, c’est que si vous construisez aux États-Unis ou si vous vous êtes engagé à construire [des usines de semiconducteurs] aux États-Unis, vous ne serez pas taxé », a déclaré le président, comme l’atteste l’enregistrement d’un briefing diffusé sur YouTube par Bloomberg TV. Et de préciser que, dans le cas contraire, une surtaxe de 100 % sera appliquée à l’entrée de « puces et semiconducteurs » aux États-Unis.
Apple en élève modèle pour un retour des usines de semiconducteurs aux USA
La déclaration de Donald Trump fait suite à l’annonce faite par Apple en début de semaine d’un nouvel investissement de 100 milliards de dollars dans sa chaîne de production aux États-Unis. Un effort qui s’inscrit dans un plan de dépense de plus de 600 milliards de dollars au cours des quatre prochaines années.
L’American Manufacturing Program (AMP) d’Apple vise plus particulièrement à transférer une plus grande part de sa chaîne d’approvisionnement et de sa production dans son pays d’origine.
Selon l’entreprise, cela permettra d’augmenter les investissements localement et d’inciter les entreprises mondiales à y produire davantage de composants essentiels.
Cette stratégie dont Tim Cook, CEO d’Apple, est « fier » implique des partenariats « nouveaux et étendus » avec « 10 entreprises à travers les États-Unis ».
En avril 2025, le Bureau de l’industrie et de la sécurité du département américain du Commerce a lancé une consultation publique dans le cadre de la section 232 (enquête sur la sécurité nationale relative aux importations de semiconducteurs et d’équipements de fabrication de semiconducteurs).
Cette enquête vise à déterminer les effets sur la sécurité nationale des importations de semiconducteurs, d’équipements de fabrication associés et de leurs produits dérivés. Cela comprend, entre autres, les substrats et les wafers nus, les puces existantes, les puces de pointe, les composants microélectroniques et les éléments SME (Semiconductor Manufacturing Equipments : packages céramiques, éléments de refroidissement, connecteurs, etc.).
Bien que les résultats de cette enquête n’aient pas encore été publiés, il semble y avoir une inquiétude croissante au sein de l’Administration américaine quant au fait qu’elle ne détienne plus une position dominante sur le marché des semiconducteurs.
Lip-Bu Tan (CEO d’Intel) dans le viseur de Donald Trump
Grâce à la domination d’Intel, les États-Unis étaient autrefois considérés comme un leader dans le domaine, mais Intel n’a pas encore trouvé de réponse efficace au quasi-monopole de Nvidia dans le secteur de l’IA.
Dans son discours préparé pour la présentation des résultats du deuxième trimestre 2025 de l’entreprise, Lip-Bu Tan, qui a succédé à Pat Gelsinger au poste de PDG en mars 2025, a déclaré : « Si nous devons développer et consolider notre franchise dans le domaine des semiconducteurs, sur la base de nos processeurs x86 et de nos processeurs graphiques Xe, nous reconnaissons la nécessité de passer à un niveau supérieur d’abstraction, vers les systèmes et les logiciels ».
« C’est un domaine dans lequel Intel a traditionnellement été faible, voire totalement absent, mais nous avons l’intention d’incuber et de développer ces compétences et capacités importantes sous ma direction », a-t-il poursuivi. « Cela prendra du temps, mais il sera essentiel pour Intel de rester dans la course dans la prochaine vague de l’informatique. ».
Contrairement à Intel, Nvidia et AMD ne détiennent pas d’usines. Ces deux autres acteurs américains dits « fabless » conçoivent leurs puces (GPU pour Nvidia, CPU et GPU pour AMD) principalement aux États-Unis, mais les font majoritairement fabriquer par le Taiwanais TSMC. Lors de ses résultats, Intel a indiqué qu’il envisage de stopper son processus 18A à moins qu’il sécurise un accord conséquent avec un client externe. Et les analystes d’entrevoir pour Intel une stratégie similaire à Nvidia et AMD, ce qui impacterait l’ensemble du secteur et rendrait la filière américaine des semiconducteurs plus vulnérable.
En parallèle, Donald Trump a réclamé le départ Lip-Bu Tan. « Le PDG d’Intel est en proie à un grave CONFLIT d’intérêts et doit démissionner immédiatement. Il n’y a pas d’autre solution à ce problème », a-t-il affirmé sur son réseau social Truth Social.
Un message diffusé après que Tom Cotton, sénateur républicain et président de la commission spéciale sur le renseignement du Sénat des États-Unis, a fait parvenir une lettre le 5 août au président du conseil d’Intel, Franck Yeary, exprimant ses inquiétudes concernant les relations de Lip Bu Tan avec des industriels (dont Cadence Design Systems et Walden International) ayant des liens avec l’armée populaire de Chine.
Dans un message interne puis diffusé publiquement le 7 août, Lip-Bu Tan répond que « De nombreuses informations erronées ont circulé au sujet de [ses] fonctions précédentes chez Walden International et Cadence Design Systems ».
« Nous collaborons avec l’Administration pour traiter les questions qui ont été soulevées et nous assurer qu’elle dispose de toutes les informations nécessaires », écrit-il plus loin. « Je partage pleinement l’engagement du président [Trump] à promouvoir la sécurité nationale et économique des États-Unis, j’apprécie son leadership pour faire avancer ces priorités et je suis fier de diriger une entreprise qui joue un rôle si central dans la réalisation de ces objectifs ».
TSMC et Samsung pourraient échapper à la surtaxe, contrairement à ASML
Quant à TSMC et Samsung, ils échapperaient supposément aux droits de douane. Reuters a rapporté que les puces Samsung fournies à Apple proviendront d’une usine située au Texas, tandis que TSMC développe depuis 2020 un site de fabrication et de R&D en Arizona. En avril 2025, le groupe taïwanais a commencé les travaux de construction de sa troisième usine, qui devrait être opérationnelle d’ici la fin de la décennie. Certaines puces Blackwell de Nvidia sont également produites dans l’usine de TSMC en Arizona.
Ce n’est pas le cas du fabricant néerlandais ASML, producteur des équipements de photolithographie permettant la fabrication des puces, qui se prépare à l’impact des droits de douane américains.
Lorsqu’il a été interrogé sur les tarifs douaniers lors de la conférence téléphonique sur les résultats du deuxième trimestre 2025 de l’entreprise, le PDG d’ASML, Christophe Fouquet, a déclaré : « Tout d’abord, évidemment, lorsque nous envoyons de nouveaux systèmes à nos clients aux États-Unis, des tarifs douaniers pourraient s’appliquer. Le deuxième cas concerne l’acheminement de pièces pour la fabrication aux US. Le troisième élément affecte la livraison de pièces pour les opérations de service sur le terrain ».
Il existe également une quatrième possibilité, si des tarifs douaniers sont imposés sur les importations de semiconducteurs en provenance des États-Unis. « Nous essayons d’atténuer l’effet sur l’ensemble de l’écosystème. Nous travaillons avec la chaîne d’approvisionnement et avec nos clients pour au moins nous assurer que l’impact pour ASML soit aussi limité que possible », a-t-il ajouté.