Cegid ne fait plus de logiciel (mais des agents et un portail)

Cegid amorce un virage stratégique en se dirigeant vers une logique de « services » et de portail, le tout alimenté par l’IA agentique. Le but est de rendre cette technologie accessible aux PME et ETI. À la condition, toutefois, de passer massivement dans l’écosystème de l’éditeur français d’ERP et de SIRH.

« On vous l’a dit toute la matinée, chez Cegid, on ne vend pas de solutions ». C’est par cette formule assez provocante que le responsable produit (CPO) de l’éditeur français, Jean-Baptiste Auzou, a présenté le nouveau positionnement de la société lors de son évènement annuel 2025 où se sont par ailleurs succédé des personnalités allant de Frédéric Mazzella (président co-fondateur de Blablacar) à Cédric O.

Évidemment, Cegid continue de faire du logiciel. Mais l’intelligence artificielle et les agents ont (semble-t-il) tout changé.

Une approche IA agentique

« Vous l’avez remarqué, je ne parle pas de produits, de logiciels ou de progiciels », insiste le CPO. « Je parle d’agents, non humains, qui effectuent des tâches au quotidien. […] Demain, toutes les équipes seront majoritairement hybrides. Nous. Vous. On travaillera tous avec des agents non humains », prédit-il.

Jean-Baptiste Auzou n’hésite pas à parler de « force de travail » déjà active sur quelques fonctions. « Notre rôle aujourd’hui, c’est de vous aider à intégrer [les agents], à les piloter, pour que vous puissiez en tirer tous les bénéfices », résume-t-il. « Cette mutation existe déjà. Prenez la DAF. Toute la relance client est quasiment entièrement automatisée. Vous êtes déjà capable de demander à votre système de sortir une balance âgée de 30, 60, 90, 120 jours et de faire une relance automatique : par mail dès 90 jours, puis par SMS au Credit Manager du client qui a plus de 120 jours ».

« Il y a même des assistants numériques qui appellent », s’enthousiasme-t-il.

Pour illustrer cette évolution vers une « workforce hybride », le film de présentation de la nouvelle stratégie de Cegid a été entièrement généré par une IA. « Les équipes marketing ont travaillé avec des agents non humains pour produire des éléments. Et cela s’est fait dans un processus fluide et intégré. »

Une approche « portail »

La conséquence concrète pour Cegid est une petite révolution de palais.

Une révolution de portail, devrait-on dire. Car désormais, c’est cette approche que pousse l’éditeur d’ERP (PGI) et de SIRH (HCM) : une page qui centralise les « outils » – présentés sous forme de « services » – sans forcément se référer aux noms des logiciels dont ils sont issus.

« Le portail ou la page, appelez cela comme vous voulez. »
Jean-Baptiste AuzouCPO

« Dans le monde du SaaS, on ne vend plus de logiciels figés, on vend des agents qui exécutent et qui apprennent », martèle le CPO. « Prenez un processus du SIRH. Quand un salarié déclenchait une absence, la RH recevait un mail, ou un bout de papier qui déclarait les éléments. C’était un enchaînement de tâches manuelles. Aujourd’hui, l’employé poste son message, la RH reçoit un mail [et la demande est traitée] à travers une interface graphique ».

Le portail – « ou la page, vous l’appelez comme vous voulez » – est en résumé un ensemble cohérent qui regroupe les tâches opérationnelles qu’un employé doit faire.

« Tout est évidemment configurable. Si vous êtes manager, il y a les demandes de télétravail, de congés, de notes de frais, etc. Cette page unique harmonise l’ensemble des éléments et va structurer, derrière, plusieurs logiciels (payroll, gestion de talents, etc.). Mais vous avez une seule interface pour traiter l’ensemble des éléments ».

Le portail permet par ailleurs d’interroger la base documentaire de l’entreprise. « Combien de DRH se font poser des questions par des collaborateurs “À quoi ai-je le droit avec une naissance ? Ou sur un mariage ?” Ici, l’individu renseigne ses demandes, et il a les réponses automatiquement ».

Augmenter les équipes, pas les remplacer

La fonction Finance bénéficie du même type de page. « C’est la même chose avec la gestion de trésorerie, le recouvrement, les éléments DPO et DSO, la partie taxe et les justificatifs de TVA, etc. Et derrière, vous avez des fonctions [logicielles] qui sont interrogées, et des agents qui sont orchestrés par une IA agentique capable de traiter fonction après fonction. »

C’est l’enchaînement « le chaînage des connexions intelligentes entre les différentes actions, les métiers, les outils, les fonctions, et le contexte » qui changerait tout avec ces agents.

Le CPO prend l’exemple d’un DAF qui demande à l’outil, en langage naturel (en lui parlant donc), qu’il fasse une prévision de trésorerie, puis qu’il traite les éléments de rentrée d’argent, soit par de l’affacturage (avec un coût de 2 %), soit par de la relance. « À partir de là, [l’agent] calcule les hypothèses. En affacturage, ça va coûter ça ; en relance directe, ça va coûter ça. Et il fait un tas d’autres comparaisons entre les deux ».

« Ce n’est pas de la science-fiction », insiste Jean-Baptiste Auzou. « Vos métiers et vos équipes sont augmentés. Et non ! Elles ne sont pas du tout remplacées ! », promet-il.

Cette double approche (agentique et de portail) serait issue des retours et des demandes des clients de Cegid. « On ne l’a pas inventé. Promis », lance le CPO. Ce « nouveau Cegid » sera disponible pour la « saison 2025-2026 » (sic).

Permettre aux ETI de faire comme Veolia ou Schneider

L’objectif clairement affiché par l’éditeur est de surfer sur la même vague que les gros éditeurs (SAP, Oracle, IFS) en rendant accessibles ces « innovations », souvent complexes, aux PME et aux ETI.

« Notre vision, c’est d’apporter ces avancées aux PME, et pas uniquement aux grands groupes »
Jean-Baptiste Auzou CPO de Cegid

« Des entreprises comme Veolia ou Schneider Electric travaillent en interne autour de l’IA et de l’entraînement des modèles pour être capables de traiter les prévisions de trésorerie », compare Jean-Baptiste Auzou. « Ce que nous voulons offrir, c’est exactement le même pouvoir de pilotage, cette même capacité d’arbitrage et d’optimisation qu’ont Veolia et Schneider Electric, mais pas avec des DSI de 200 personnes. […] Notre vision, c’est d’apporter ces avancées aux PME, et pas uniquement aux grands groupes ».

Le potentiel de croissance pour Cegid paraît important dans la mesure où (dixit son CPO) seulement 3 % des dirigeants de PME utiliseraient l’IA (« ça fait quand même 97 % qui ne l’utilisent pas », lâche-t-il), et où les trois quarts des chefs d’entreprise de PME/ETI n’auraient pas encore perçu l’intérêt d’une telle évolution.

Tout mettre chez Cegid

Le revers de la médaille – pour le client – est qu’il faut passer massivement dans l’écosystème de Cegid (et de Microsoft puisque ces agents sont développés en bonne partie avec les technologies du géant américain) pour activer ces fonctions agentiques.

« Vous avez vu, je n’ai toujours pas parlé de produits. »
Jean-Baptiste AuzouCPO de Cegid

« Il faut être capable de se connecter au bon endroit et avoir des données de qualité certaines et fiables », justifie le CPO. « Sinon, vous n’aurez pas de réponse juste, contextuelle et efficace ».

Le vice-président de la stratégie marché, Mohamed Zaghou confirme.

« Oui, il faut être à 100 % chez Cegid, pour la simple et bonne raison que tous les cas d’usage IA sont intégrés dans les outils Cegid. Ce ne sont pas des outils supplémentaires. C’est vraiment des cas d’usage IA qui sont intégrés dans les SI Cegid d’origine. Donc oui, il faudra être client Cegid pour bénéficier des agents ERP, des agents qui vont être dans la trésorerie, etc. », confirme-t-il au MagIT.

Pour Cegid, l’IA agentique est donc également un levier d’action pour étendre son empreinte chez les clients.

« Et vous avez vu, je n’ai toujours pas parlé de produits », conclut Jean-Baptiste Auzou afin d’être sûr que tout le monde a bien compris que, désormais, Cegid se vit en agentique.

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