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Portrait-robot d’un « Agent IA »

Qu’est-ce que l’IA agentique ? La définition reste vague. Mais des points communs existent entre les différentes approches. Plusieurs experts les listent pour dresser un portrait plus clair de cette technologie d’automatisation riche de promesses.

L’intelligence artificielle agentique est peut-être le plus grand sujet IT de 2025. Tous les éditeurs sortent des « agents » (Salesforce, ServiceNow, Oracle, Workday, Adobe, Qualtrics, OpenAI, Anthropic, Microsoft, Google, etc.). Pourtant, la définition de ce qu’ils sont exactement reste floue.

« Je ne suis pas tout à fait sûr de savoir ce que signifie le terme “agentic” », témoigne Scott Brinker, fondateur de la conférence MarTech et VP chez HubSpot, « à ce stade, il est utilisé à tort et à travers ».

« On cherche encore à définir la fonction des agents [et] le ou les fournisseurs qui sont les mieux adaptés à chaque organisation », renchérit Lou Reinemann, analyste chez IDC. « Des agents différents, qui jouent des rôles différents, seront nécessaires en fonction des entreprises et de leurs besoins ».

Il n’y aurait donc pas un, mais des agents.

Un agent IA agit

Essayons de lever le brouillard en commençant par un peu de sémantique. Un « agent », étymologiquement, est une « personne qui exerce une action » (dixit le Larousse).

« Dans les agents IA, il y a une notion d’exécution. »
Thomas HussonForrester Research

Un agent IA va donc « agir », c’est-à-dire interagir avec un ou des systèmes – comme un CRM, un ERP, une base de données, une messagerie mail, un navigateur web, etc. – là où un assistant va, plus basiquement, répondre à une question ou générer un contenu (texte ou image).

« On peut se poser la question de ce que c’est que “cette révolution agentique”. Pour le dire simplement : ce sont de petits logiciels qui vont agir en votre nom – en tant que consommateur et en tant qu’entreprise – pour réaliser des tâches », résumait Thomas Husson, analyste et vice-président chez Forrester Research, lors d’une matinée sur ses Prédictions 2025. « Il y a une notion d’exécution », insiste-t-il.

Cette définition, assez large, est également celle du cabinet de conseils français AI Builders. « Les agents sont des applications qui utilisent les capacités de raisonnement des LLM (grands modèles de langage) pour actionner des outils et composer une réponse », explique Stéphane Roder, président du cabinet lors de la présentation de son AI Decision Matrix.

Un agent IA « réfléchit »

Le deuxième point souligné par Stéphane Roder est une capacité de « raisonnement ». Celle-ci doit être comprise comme la capacité à décomposer une requête en plusieurs étapes. Puis dans un second temps, à déterminer, en toute autonomie (lire ci-après), les bons outils pour gérer chaque étape – ou chaque sous-tâche.

Schéma d'un Agent IA par AI Builders
Les différens éléments d'un Agent IA

Une autre manière, plus théorique, de présenter les choses, est avancée par Ted Schadler, VP, principal analyst chez Forrester, lors d’un passage en Europe au début de l’année.

Pour lui, internet a été le virage des informations, c’est-à-dire de la manière de partager des données agrégées. Puis l’IA (dont l’IA générative) – a fait entrer l’informatique dans l’ère du savoir, avec la capacité de compulser et d’organiser les informations.

L’IA agentique – en croisant les savoirs et en les activant – marquerait le commencement d’une nouvelle ère. Celle de l’expertise (et de l’action).

Des workflows automatisés de bout en bout 

Un autre élément qui définit un agent est le fait qu’il prend en charge un processus (un workflow) de bout en bout et non pas une tâche isolée.

Photo de Ted Schadler de passage à Paris.
Cours magistral de Ted Schadler de passage à Paris.

C’est d’ailleurs un point sensible dans la mesure où de nombreux workflows s’appuient sur plusieurs plateformes. Or chaque éditeur sort aujourd’hui des agents qui « naviguent » dans sa plateforme. Mais quid des agents cross-plateforme ?

Phil Regnault, associé chez PwC, confirme. Pour lui, les utilisateurs de Salesforce utiliseront des agents Salesforce dans l’environnement Salesforce, et les utilisateurs d’Adobe des agents Adobe dans l’environnement Adobe, etc. Mais dans de très nombreux cas, des données extérieures aux silos spécifiques à chaque éditeur sont nécessaires pour que les « agents » puissent « agir ».

« Je n’ai jamais déployé Adobe dans un endroit où il n’y avait pas aussi du Salesforce et une myriade d’autres applications », assure-t-il. « L’interopérabilité – que ce soit au niveau de la couche de données, de la couche d’intelligence ou de la couche applicative – est importante pour que tout fonctionne ».

Liz Miller, analyste chez Constellation Research, confirme. Pour elle, les entreprises finiront inévitablement par utiliser plusieurs IA agentiques. Et il faudra bien que ces agents communiquent entre eux. Selon elle, la clé du succès résidera donc dans un schéma de données commun utilisable par tous les agents.

Un agent IA est autonome dans ses décisions

Un quatrième élément clé d’une IA agentique est son autonomie.

Contrairement à une automatisation classique qui repose sur des règles définies en amont, un agent est capable de « décider » où chercher et quelle action faire en fonction d’une demande.

« Il faudra s’assurer que ce sont les bonnes décisions qui sont prises par l’agent IA. »
Thomas HussonForrester Research

« Ils vont agir en autonomie, avec les données et avec les technologies. Et ils vont prendre un certain nombre de décisions », confirme Thomas Husson. « Mais vous imaginez bien, quand il y a un enjeu de décision, qu’une chose va être très importante. Ce sont les systèmes de contrôle pour s’assurer que ce sont les bonnes décisions qui sont prises et qu’on ne donne pas trop à faire non plus à l’IA », avertit l’analyste.

Vladimir Lukic de BCG va dans le même sens. « Je n’essayerai pas de définir les agents d’une manière qui fasse l’unanimité. Nous pourrions faire un long débat sur ce que c’est précisément », commence prudemment le directeur monde de l’expertise Tech and Digital Advantage du cabinet de conseils. « [Mais] on peut quand même dire que les agents ont de la mémoire. D’une tâche à l’autre, ils se souviennent du contexte. Ils observent et ils analysent. Quand les conditions changent, ils s’adaptent et ils décomposent les problèmes, ils planifient les étapes suivantes et ils peuvent ensuite agir en conséquence et accéder aux systèmes externes et internes ».

Cette autonomie n’est pas sans poser problème. « Deux points sont très débattus autour des définitions des agents », constate Vladimir Lukic. « Le premier est de savoir combien de règles sont codées en dur de manière prescriptive vs la capacité de “raisonner” (sic) de l’agent ».

La seconde est le degré d’automatisation des agents. Autrement dit « les humains restent-ils dans la boucle ? ». Et à partir de combien de présence humaine un agent IA redevient-il un assistant IA ?

Exemple d’Agent IA

L’IA agentique en est à ses tout débuts. Les premiers déploiements concernent surtout l’engagement client et les centres de contacts (support).

« Nous voyons les agents IA là où on les attendait : là où des workflows bien établis sont déjà en place. »
Vladimir LukicBCG

« Nous les voyons là où on les attendait : là où des workflows bien établis sont déjà en place », témoigne Vladimir Lukic. « Cette technologie permet de les faire plus efficacement. C’est une première vague naturelle où on les voit se déployer à l’échelle ».

La prochaine vague devrait concerner « les processus complexes qui impliquent la rédaction de nombreux documents et la collecte d’informations à partir de différentes sources », prédit-il.

Dans la banque et l’assurance par exemple, les agents humains doivent puiser des informations dans au moins trois ou quatre sources différentes. Les agents IA permettraient déjà d’accélérer ce type de processus.

« Dans un groupe [que nous avons vu], un professionnel de l’approbation de crédit reçoit 150 demandes par jour. Grâce à un agent IA, 130 d’entre elles sont traitées de manière entièrement automatique », illustre Vladimir Lukic. « L’humain n’en reçoit plus que 20 : celles qui posent problème et les plus difficiles à traiter. Cela permet d’établir des priorités et de concentrer ses efforts. »

Des projets complexes, mais à très forte valeur ajoutée

Les projets d’IA agentiques sont, par nature, complexes. Conséquences : pour Forrester, les trois quarts des entreprises qui essayeront de construire des « architectures agentiques » seules n’y arriveront pas.

« Elles vont échouer parce que nous sommes sur de nouveaux modèles, sur de nouveaux paradigmes et sur de nouvelles infrastructures », justifie Thomas Husson. « C’est extrêmement complexe à faire seul. Il y a de plus en plus de nouveaux partenariats qui se mettent en place entre des acteurs très différents (comme entre Accenture et NVIDIA)… Et tout cela commence à “disrupter” des acteurs traditionnels des suites logicielles. »

Mais quand ils sont déployés correctement, et à l’échelle, leur valeur promet d’être largement supérieure aux assistants liés à des suites bureautiques ou à un seul applicatif métier. Ces « vrais » agents IA pourraient multiplier la productivité par trois, voire par cinq, estime le BCG.

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