
Semiconducteurs : TSMC plus que jamais maître du jeu
Le fabricant taiwanais est à la tête de plus des deux tiers de la production mondiale. Ses bénéfices croissent de 60 %. Les évolutions techniques et géopolitiques radicales attendues sur le marché ne devraient pas affecter sa progression.
Tout va très bien pour le numéro 1 mondial des semiconducteurs. Le Taiwanais TSMC – qui grave les puces les plus puissantes pour Nvidia, AMD et autres Apple – annonce que son chiffre d’affaires a augmenté de 38,6 % en un an, et ses bénéfices nets de 60,7 %.
Cette progression a été mesurée entre les résultats trimestriels qui ont été publiés pour les périodes d’avril à juin en 2024 et en 2025. D’un trimestre à l’autre, le CA de TSMC a augmenté de 11,3 % entre mars et juin de cette année et le bénéfice de 10,2 %.
Le dernier CA trimestriel de TSMC est de 933,79 milliards de nouveaux dollars taiwanais [NT$ ou TWD], soit 27,31 mds d’euros, ou 31,77 mds de dollars US. Et son bénéfice trimestriel net est de 398,27 milliards de NT$, soit 11,65 mds €, ou 13,55 mds US$. TSMC estime que ces chiffres pourraient encore augmenter de 10 % à l’issue du prochain trimestre.
Selon Wendell Huang, le directeur financier du groupe, ces bons résultats s’expliquent tout simplement par la croissance explosive des demandes pour des processeurs et des GPU taillés pour l’IA. Il précise que ces composants-là ont représenté 60 % du CA.
Plus exactement, les puces gravées en 3 nm, soit les GPU Blackwell de Nvidia et MI350X d’AMD pour datacenters ainsi que tous les processeurs d’Apple, correspondent actuellement à 24 % de ses revenus. Celles gravées en 5 nm, qui comprennent tous les derniers GPU pour l’inférence et tous les processeurs d’AMD, représentent 36 %. Celles gravées en 7 nm pour les appareils mobiles pèsent quant à elles 14 % du chiffre d’affaires.
La concurrence K.O. espère se relancer avec la génération 2 nm
Comparativement, la branche semiconducteurs du Coréen Samsung (le numéro 2 du secteur) réalise depuis le début de l’année un chiffre d’affaires environ 13 fois inférieur à celui de TSMC. L’écart pourrait se creuser dans les mois à venir, car Samsung éprouverait en ce moment de grandes difficultés à moderniser ses chaînes de production. À cause de cela, les clients qui lui commandaient autrefois la fabrication de leurs processeurs, notamment Google et Qualcomm, partent les uns après les autres chez TSMC.
Samsung demeure néanmoins le no 1 sur le segment de la fabrication des mémoires DDR, HBM et NAND.
Selon une étude non encore publiée du cabinet d’études Trendforce (citée par le média coréen Chosunbiz), TMSC aurait actuellement 67,6 % de parts de marché, Samsung 7,7 %, le Chinois SMIC 6 %, le Taiwanais UMC 4,7 %, l’Américain Global Foundries 4,2 %. Par rapport à la précédente étude trimestrielle, tous ont perdu des parts de marché au profit de TSMC.
Mais les jeux ne sont pas encore faits. Selon le cabinet McKinsey, l’ensemble du secteur des semiconducteurs devrait investir 1 000 milliards de dollars d’ici à 2030 dans la construction de nouvelles usines et, ce, pour un revenu annuel qui, lui, dépasserait 1 000 milliards de dollars.
Deux enjeux motivent ces investissements. Le premier, technique, est de basculer dans la finesse de gravure inférieure à 2 nm, car cela apporterait un progrès plus important que les évolutions précédentes. À cette échelle, c’est la conception même des puces qui serait repensée, avec plus de circuits très différents, qu’il deviendrait possible de mieux assembler dans la même puce. Les gains d’efficacité – en matière de consommation, de performances, de dissipation thermique – pourraient dépasser les 15 %, contre moins de 7 % lors des dernières évolutions.
Si Samsung semble pour l’heure échouer dans cette voie, le fait de repartir d’une page blanche donne des ailes à d’autres acteurs. Certains estiment ainsi pouvoir revenir de très loin et même détrôner TSMC. Ce fut le cas d’Intel sous l’ère Pat Gelsinger et c’est a priori toujours le plan de son nouveau PDG Lip-Bu Tan. C’est aussi le cas au Japon où un consortium baptisé Rapidus, financé par l’État et ses grands industriels (Sony, NTT, SoftBank, Toyota…), a lancé la construction d’une usine « 2 nm » en 2023.
Taiwan durablement au centre du marché
Le second enjeu du marché des semiconducteurs est géopolitique. Il s’agit de multiplier les sites industriels en dehors de Taiwan pour plus de résilience en cas de nouvelle pandémie ou de guerre.
McKinsey est plutôt pessimiste quant aux projets d’implémenter des usines aux USA et en Europe, malgré les ambitieux plans CHIP Act d’aides publiques de part et d’autre de l’Atlantique. Selon le cabinet, ces investissements ne prennent en compte que la construction des sites, mais pas leurs opérations. Ils pourraient échouer parce que la main-d’œuvre est trop chère aux USA et l’énergie trop coûteuse en Europe, comparativement à celle de l’Asie.
De plus, les métaux nécessaires (terres rares, gallium, germanium, aluminium…) sont pour l’essentiel produits en Chine et leur transport jusqu’en Occident ne fera qu’aggraver le problème du coût de production des semiconducteurs en Europe ou aux USA.
Ainsi, le plan d’investissement de 165 milliards de dollars de TSMC dans la construction de six usines sur le sol étatsunien est tout sauf clair. Il est supporté par ses clients américains Nvidia, AMD et Apple qui y voient le bénéfice de ne pas payer les taxes sur les importations de semiconducteurs voulues par l’Administration Trump. Mais TSMC a d’ores et déjà prévenu que ses usines les plus modernes continueraient à être construites en premier à Taiwan et que sa production ailleurs coûterait 15 % plus cher.