Pega recentre sa stratégie sur la modernisation des flux de travail
Fraîchement nommé à la tête de Pegasystems France, Camille Journet dévoile les orientations de l’éditeur. Après avoir développé son activité autour du CRM, il replace les workflows au centre de son offre. Entre usage raisonné de l’IA générative, modernisation du legacy et investissement dans le secteur public français, l’ancien d’Oracle détaille également sa feuille de route locale.
Camille Journet, récemment nommé à la direction générale de Pegasystems en France, a près de 20 ans d’expérience dans la commercialisation de l’IT. Avant de rejoindre Pega, il a débuté sa carrière dans la distribution de solutions d’infrastructure (stockage, réseau). Puis il a passé sept ans chez Oracle et il est devenu directeur des équipes de ventes cloud pour Oracle Cloud Infrastructure (OCI). « Rejoindre Pega me paraît une suite logique, c’est comme si j’avais gravi une pyramide de l’informatique allant de l’infrastructure du plus bas niveau jusqu’au logiciel », s’amuse-t-il.
« J’ai rencontré beaucoup de clients et comme j’ai un profil assez technophile, j’ai pu prendre rapidement mes marques », considère-t-il.
Le dirigeant identifie déjà les enjeux pour l’éditeur. « Il y a un double niveau d’enjeu global et local qu’il faut réconcilier. Les entreprises IT américaines ont souvent un train d’avance intellectuel sur le marché », observe Camille Journet.
Du BPM aux « workflows d’entreprise »
Le directeur général France arrive à un moment important pour Pega qui recentre son activité autour du « workflow d’entreprise » et qui doit « accélérer la cloudification de ses actifs technologiques ». « Il s’agit de remettre un peu le focus sur cet aspect. Évidemment, nous continuons à proposer des solutions CRM, de support client et de marketing one-to-one, mais ce sont des options des flux de travail en quelque sorte ».
Pega ne préfère plus parler de BPM (Business Process Management). « Le BPM est très séquentiel. Dans la vie, on peut observer des boucles. Et la manière dont on gère des flux de travail a beaucoup changé ces dix dernières années », défend Camille Journet.
Les clients auraient suivi le mouvement avec l’éditeur. « Je n’ai pas rencontré de clients mécontents », assure-t-il. « Nos logiciels propulsent des processus “cœur métier” chez eux. Nous avons peu de problématiques technologiques », poursuit-il. « Ensuite, en fonction des clients, il y a un ancrage plus ou moins lié au service client. Ceux-là découvrent le métier de gestion des flux de travail de Pega et l’ensemble des capacités de la plateforme. Cela ouvre des opportunités intéressantes », note le directeur général France.
De la maîtrise de l’IA générative et argentique
Des opportunités qui sont évidemment liées à l’apport de l’IA générative et argentique ; des sujets à propos desquels Pega vante une position particulière depuis 2023.
« Je pense que nous sommes à un moment où l’IA est considérée comme l’équivalent de l’arrivée de l’électricité dans l’industrie. Il est entendu qu’elle va bouleverser la manière de faire », développe Camille Journet. « Dans ce bruit permanent où tout le monde veut faire de l’IA, Pega porte un discours que je ne trouve nulle part ailleurs sur le marché », ajoute-t-il.
« Je dirais que notre positionnement est presque clivant, mais j’utilise le mot positivement. Au lieu de dire que les agents IA vont tout résoudre, nous portons une vision réaliste. L’IA doit être maîtrisée et prédictible ».
« Je dirais que notre positionnement est presque clivant, mais j’utilise le mot positivement. Au lieu de dire que les agents IA vont tout résoudre, nous portons une vision réaliste. L’IA doit être maîtrisée et prédictible ».
Camille JournetDirecteur Général France, Pegasystems
Ainsi, selon les propos d’Alan Trefler, CEO de Pegasystems, les outils d’orchestration de flux de travail sont au cœur d’un système, tandis que les LLM et les prompts sont un peu plus sur le côté. Une logique fidèle aux principes de l’architecture « Center-Out » défendus par l’éditeur depuis quelques années. Celle-ci consiste à mettre la gestion des cas, l’automatisation des processus et la prise de décision au centre, tandis qu’en périphérie, l’on trouve les sources de données, les logiciels et les canaux cibles.
Dans Infinity 25, Pega est bien en train de développer des agents pour faciliter la compréhension des documents, rechercher dans des bases documentaires, mais aussi recommander le meilleur type de workflows et le contenu des tables. Cependant l’IA générative est surtout utilisée dans Blueprint, un outil de conception d’application et de processus.
« Blueprint permet d’accélérer la conception de flux de travail et comme il s’agit d’une phase créative, les hallucinations potentielles de l’IA générative ont peu d’impact », évoque Camille Journet. « Ensuite, vient le moment où des humains se mettent autour d’une table, observent le processus et en discutent, le modifient pour qu’il soit prêt à être déployé ».
« Nous avons beaucoup encadré la chose pour nous éviter la majorité des problématiques », considère le directeur France. « Nous essayons de faire rentrer les agents dans le cadre du workflow. Peu importe l’agent IA, qu’il soit développé avec Pega ou non, nous souhaitons les intégrer progressivement au centre des processus métier afin de réduire les interventions manuelles et automatiser les flux ».
En ce sens, l’éditeur a présenté AI Agent Fabric, un centre de gouvernance des agents IA développés avec Pega et d’autres plateformes.
Cette intention serait motivée par la nécessité de prouver aux clients les retours sur investissement, comme une augmentation de la productivité, l’automatisation complète de certaines tâches et le redéploiement des ressources humaines vers des tâches « à plus forte valeur ajoutée ».
Cela ne veut pas dire qu’il s’agit d’écarter les humains du processus de décision. « La plupart des dirigeants que nous rencontrons sont inquiets par la potentielle perte de compréhension des prises de décision. Ils ne veulent pas laisser la décision finale à l’IA », renchérit Camille Journet.
Accélérer les déploiements (et accroître le nombre de clients)
Blueprint est également la priorité de l’éditeur en matière de « go to market ». « Nous avons huit partenaires dans le monde, dont Capgemini, Sopra Steria, EY, Cognizant ou encore Tata Consultancy Services. Nous leur donnons un accès privilégié à Blueprint afin de le connecter à leurs bases de connaissances métier respectives et de créer des prototypes d’applications plus perfectionnés dans des domaines spécifiques », explique Camille Journet.
De fait, là où Pegasystems concentrait ses efforts de vente auprès de 400 grands comptes dans le monde, il cherche désormais à cibler plusieurs milliers de clients.
Outre la conception de nouvelles applications, Pega entend favoriser la modernisation des applications legacy, généralement basées sur du code COBOL, et les mainframes. Là encore, Blueprint a son rôle à jouer. Ici, il s’agit de « filmer » l’interface afin de recueillir les étapes clés des processus dans le but de les reproduire, in fine, dans une application Pega. Camille Journet défend l’idée qu’il est possible de moderniser les flux de travail un par un. En parallèle, l’éditeur tente, dans Infinity 25, de faciliter la mise à jour des front-end pour les développeurs, avec de nouveaux UI Kits.
Il s’agit donc d’accélérer les développements des applications, mais également leur déploiement.
« Cela s’explique aisément : nous proposons la plateforme Pega Cloud sur les marketplaces des fournisseurs cloud de GCP et d’AWS, ce qui allège son déploiement et sa consommation », affirme le directeur général France de Pega. De plus, les modèles d’engagement seraient plus prédictibles en matière de coût.
Sur la marketplace d’AWS, un environnement de production, et deux environnements sandbox Pega Cloud pour 500 utilisateurs maximum, est facturé 990 000 dollars par an.
Un focus sur le secteur public français à partir de l’année prochaine
Évidemment, cette croissance portée par les hyperscalers ne correspond pas forcément aux exigences de certains clients historiques de Pega, notamment dans le secteur public.
Le directeur France est en train de préparer sa stratégie en ce sens pour l’année prochaine. « Je ne peux faire aucune révélation, mais ce qui est sûr, c’est que nous allons continuer à investir dans ce secteur pour plusieurs raisons. D’abord, la sophistication de la plateforme Pega répond bien aux enjeux de modernité des administrations », vante Camille Journet.
« Nous continuons à proposer les déploiements on-premise et nous n’avons aucune volonté d’arrêter l’on-prem, au contraire ».
Camille JournetDirecteur général France, Pegasystems
Et de rappeler l’existence des solutions de modernisation et de conception « intelligente » présentées plus haut.
Ensuite, « Nous continuons à proposer les déploiements on-premise et nous n’avons aucune volonté d’arrêter l’on-prem, au contraire. Pratiquement tout ce que nous développons pour le cloud, nous le portons sur site. Pour l’IA, nous misons sur un modèle de cloud hybride », assure-t-il.
« Concernant les déploiements cloud, nous lancerons notre plateforme sur AWS European Sovereign Cloud avant la fin de l’année, en Allemagne ».
« Concernant les déploiements cloud, nous lancerons notre plateforme sur AWS European Sovereign Cloud avant la fin de l’année, en Allemagne ».
Camille JournetDirecteur général France, Pegasystems
Si Camille Journet remarque que les applications SaaS d’envergure sont très rarement disponibles sur un cloud estampillé SecNumCloud, il n’écarte pas cette possibilité pour la plateforme Pega.
« Nous sommes en train d’étudier S3NS, qui est une émanation de notre partenaire Google. Nous savons aussi déployer notre plateforme pour certains clients sur d’autres clouds, dont OVH. Nous l’avons déjà fait », complète le dirigeant.