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Infrastructures IA : OpenAI signe des contrats qui jettent le flou sur Stargate

L’éditeur de ChatGPT, au cœur du projet Stargate pour la suprématie des USA en intelligence artificielle, semble faire le tour des hébergeurs américains pour son propre compte et lance des chantiers de datacenters étiquetés Stargate au Moyen-Orient.

Le mégaprojet Stargate, qui doit incarner la surpuissance américaine en matière d’IA d’ici à 2029, avance mollement. OpenAI semble se retrouver seul à prospecter de la puissance de calcul et signe des contrats qui restent assez éloignés des chiffres annoncés en janvier à la Maison-Blanche. Par ailleurs, si son IA ChatGPT reste bien la pièce maîtresse de Stargate, les observateurs se demandent si ces contrats doivent encore être comptabilisés dans le projet.

OpenAI vient ainsi d’annoncer avoir réservé chez OCI, le cloud d’Oracle, 2 millions de GPU. Ils représenteront 5 Gigawatts de puissance électrique. Ils seront déployés aux USA, dans des datacenters qu’il faut encore construire. Ces GPU lui seront facturés 30 milliards de dollars par an. Sachant qu’il faut environ deux ans pour construire un datacenter, OpenAI devrait donc dépenser en toute logique entre 60 et 90 milliards de dollars dans le cadre de cet accord d’ici à 2029.  

Un peu plus tôt, en mars, OpenAI était allé chercher de la puissance de calcul chez CoreWeave, un ex-hébergeur de GPU pour le minage de cryptomonnaies, entretemps reconverti en hébergeurs de GPU pour l’IA. Ce contrat, plus modeste, est évalué à 11,9 milliards de dollars pour une durée courant jusqu’en avril 2029. OpenAI a proposé au début de l’été d’en prendre encore plus, pour une facture rallongée de 4 mds $, soit environ 16 mds $, toujours d’ici à avril 2029.

Encore loin des 500 milliards de dollars prévus

L’ensemble atteindrait donc 106 mds $ dans le meilleur des cas. On est encore loin des 500 milliards d’investissements annoncés par Donald Trump lui-même, dans la foulée de son investiture. En même temps, cette somme était sans doute surévaluée, car l’objectif de Stargate est de déployer des datacenters pour ChatGPT totalisant 10 GW de puissance électrique d’ici à 2029. Or, une simple règle de trois basée sur le tarif proposé par Oracle semble démontrer qu’une telle puissance serait plutôt facturée 300 mds $ sur cinq ans.

Et encore. Si on retranche les deux ans nécessaires à la construction des datacenters, Stargate ne coûterait plus que 180 mds $ d’ici à 2029. Sauf si OpenAI paie lui-même la construction des datacenters en question et celle des centrales électriques nécessaires à leur alimentation.

Crusoe estime qu’un campus de 1,2 GW coûte 15 mds $ à bâtir. Soit environ 120 mds $ pour 10 GW. Soit une facture globale de 300 mds $ d’ici à 2029. On tourne en rond.

Crusoe est l’opérateur qui a construit le seul datacenter déjà opérationnel de Stargate. Plus exactement, Crusoe l’avait construit en 2024, à Abilene, au Texas, avec une puissance de 200 MW, pour qu’Oracle puisse déployer 100 000 GPU initialement dévolus à OCI. Dans un second temps, Oracle a offert cette puissance de calcul à Stargate comme un investissement en nature dans le projet.

En manque d’argent aux USA, Stargate se déploie aux Émirats arabes unis

Reste à savoir si ces contrats font encore partie du projet Stargate, ou s’ils ont juste vocation à étendre l’activité commerciale de ChatGPT au seul profit d’OpenAI. Comme le fait remarquer le Wall Street Journal, l’actionnaire principal de Stargate, le Japonais SoftBank, qui avait promis à Donald Trump de fournir les 100 premiers milliards d’investissements, est aux abonnés absents.

Elon Musk, qui ne décolérait pas d’avoir été exclu du projet, avait accusé SoftBank de n’avoir pas plus de 10 mds $ à investir et de s’être adonné à des effets d’annonce sans lendemain devant le nouveau président des USA.

En mars, SoftBank s’était surtout contenté de racheter le fabricant de processeurs ARM Ampere pour 6,5 milliards de dollars. Cette opération ne semblait avoir d’autre intérêt que d’offrir la production des puces AmpereOne au projet Stargate, comme un investissement en nature. Comme l’a fait Oracle qui a préféré puiser dans les réserves d’OCI pour offrir les 100 000 premiers GPU, plutôt que dans son portefeuille.

En fait, le seul qui semble avoir véritablement fourni des fonds est l’investisseur émirati MGX. En conséquence de quoi, l’unique datacenter étiqueté Stargate en cours de construction sortira de terre en 2026… aux Émirats arabes unis. On ne peut plus vraiment parler d’effort pour soutenir l’IA sur le sol des États-Unis. Selon Bloomberg, OpenAI prospecterait aussi ailleurs au Moyen-Orient pour construire d’autres datacenters Stargate non américains.

La priorité d’OpenAI ? S’émanciper de Microsoft Azure

L’ambition d’OpenAI n’a jamais été claire. C’est son PDG, Sam Altam, qui a imaginé Stargate comme un moyen d’émanciper ChatGPT aux USA de son hébergeur historique, le cloud Azure de Microsoft. Une décision qui a suffisamment outré Microsoft pour que celui-ci refuse catégoriquement d’investir un dollar dans Stargate et laisse entendre qu’il pourrait à son tour s’émanciper de ChatGPT, à l’international.

À date, Microsoft CoPilot est toujours basé sur l’IA d’OpenAI, mais, depuis février, Azure est devenu le principal hébergeur des IA de Mistral.

Toujours est-il qu’OpenAI est désormais véritablement contraint d’étendre ChatGPT en dehors d’Azure, quel que soit l’endroit de la planète où il compte fournir le service. En juin, Reuters révélait qu’OpenAI avait signé un partenariat avec Google pour se faire héberger sur son cloud GCP, rival d’Azure. De manière ironique, Reuters ajoute que Google, qui propose sa propre IA Gemini sur GCP, n’a pas assez d’infrastructures pour exécuter ChatGPT et va donc louer celles de CoreWeave pour les relouer à OpenAI.

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