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IA agentique : le groupe Elior fait appel à IBM France

En marge d’un plan de transformation majeur, le spécialiste de la restauration collective monte une usine IA avec IBM France. Les projets d’IA agentique qui en sortiront seront, plus tard, intégrés au cœur de ce plan quinquennal.

Au début de mois de juillet, Elior Group a annoncé un partenariat avec IBM France afin de bâtir une « Agentic AI & Data Factory ». Un petit retour en arrière s’impose pour comprendre la démarche.

Elior Group est un spécialiste de la restauration collective et des services. Au cours de l’année fiscale 2024, il a réalisé un chiffre d’affaires de 6,05 milliards d’euros, dont 4,38 milliards imputés à la restauration collective. Il opère 20 200 restaurants et points de vente dans onze pays. Il revendique 133 000 collaborateurs.

En mai 2022, le Groupe Derichebourg, un spécialiste du recyclage de métaux industriels, est devenu le premier actionnaire d’Elior Group après l’acquisition d’une part importante de son capital. En décembre de la même année, Derichebourg est devenu actionnaire majoritaire d’Elior Group en échange de la cession de ses activités multiservices. Une opération effectuée en avril 2023.

Les prémisses d’un plan de transformation IT d’envergure

C’est à ce moment-là qu’Eric Cuziat, actuel DSI du groupe, a rejoint Elior. Il était auparavant directeur IT de la branche Derichebourg Environnement. Sa première mission ? Conduire l’intégration des systèmes informatiques de Derichebourg Multiservices avec ceux d’Elior.

« Nous nous retrouvons avec une hétérogénéité de systèmes en place », explique-t-il, auprès du MagIT. « Mais nous avons réalisé la prouesse d’intégrer environ 94 % de l’IT de Derichebourg Multiservices dans les environnements Elior en deux ans. Les 6 % restants ne sont pas repris volontairement dans cette phase ».

Ce n’est pourtant que la première étape d’un « plan de transformation majeur » consistant en « l’harmonisation de l’ensemble des systèmes d’information pour l’ensemble des pays du groupe afin d’en dégager toutes les synergies possibles ».

« C’est un plan quinquennal ambitieux. Nous avons déjà défini des socles technologiques sur lesquels nous allons nous appuyer pour le porter », déclare Eric Cuziat.

L’objectif ? S’affranchir des périmètres géographiques pour se concentrer sur les métiers dans le but de mieux servir les intérêts du groupe. « Le plan de transformation vise à répondre à nos enjeux de croissance, à préserver la rentabilité – ce qui est clé – tout en tenant compte des spécificités locales qui peuvent continuer d’exister ».

« Le plan de transformation vise à répondre à nos enjeux de croissance, à préserver la rentabilité – ce qui est clé – tout en tenant compte des spécificités locales qui peuvent continuer d’exister ».
Eric CuziatDSI Groupe, Elior

Un enjeu d’autant plus important que le groupe a largement diversifié ses activités. Oui la restauration collective (3,2 millions de convives servis en 2024) et le nettoyage sont ses activités principales, mais il fait aussi de l’accueil, de la vidéosurveillance, il détient une branche énergie, ou encore une agence d’intérim. « Nous avons aussi une activité beaucoup moins connue, mais qui est une pépite : Derichebourg Aeronautics services », ajoute Eric Cuziat. Cette division mène des prestations de sous-traitance de fabrication, en passant par les tests jusqu’à la modification des avions.

La DSI a conçu des SI pour chacune des grandes lignes de métier du groupe. « Il y a un “Core Model” qui s’applique à tout le monde. Ensuite, il y peut y avoir de petites divergences en fonction des secteurs d’activité et des métiers. D’autres activités, notamment sur la plaque nord-américaine, sont excessivement spécifiques », liste le DSI.

Des exigences qui ont déterminé des choix techniques stratégiques.

« Pour construire nos systèmes d’information, nous adoptons une logique de microservices, de gestion de middlewares, d’échanges de données, etc. – ce qui nous permettra de maintenir ces spécificités locales ».

Après un an passé pour en délimiter la portée, ce programme a effectivement démarré au mois de juin 2025.

Dans un même temps, le DSI observe les changements des usages provoqués par l’IA générative.

« Nous avons souhaité initier une démarche d’innovation au cœur même du programme de transformation », ajoute-t-il. D’où le partenariat avec IBM France.

« Déjà chez Derichebourg, je travaillais avec IBM et nous avons toujours eu de bonnes relations. IBM fait partie des compagnies les plus innovantes et c’était légitime d’infuser ces sujets d’innovation dans le plan de transformation », justifie Eric Cuziat.

Mais il ne s’agit pas d’attendre cinq ans avant de livrer des résultats et encore moins de faire de l’innovation pour le simple plaisir d’en faire. « Nous souhaitons livrer un certain nombre d’outils, de technologies dès l’année prochaine », indique le DSI.

Recueillir les besoins auprès des métiers avec IBM Consulting

Selon le directeur des systèmes d’information, ce n’est pas à la direction des systèmes d’information de dicter la nature des projets d’IA. « L’innovation ne vient jamais d’un groupe. L’innovation vient du local, des métiers ».

C’est la raison pour laquelle Elior entend faire participer 300 personnes à son programme d’innovation IA, en provenance de l’ensemble des activités et de pratiquement tous les pays où le groupe est présent.

Le groupe n’est pas novice en matière d’IA. Prédiction de la fréquentation des restaurants jusqu’à 30 jours à l’avance, réduction du gaspillage alimentaire, analyse des ventes et des comportements clients pour adapter les achats de matières premières et les menus, encaissement automatisé pour réduire l’attente… déjà, les cas d’usage pour son activité principale sont nombreux. « Nous avons plusieurs projets propulsés par du deep learning qui sont déployés dans une majorité de pays et que nous allons continuer à déployer dans nos autres points de présence », affirme Eric Cuziat.

Il y a toutefois un ensemble d’optimisations qui peuvent profiter aux métiers du groupe. Ceux-là sont majoritairement liés à l’IA générative. « En à peine trois semaines, lors des ateliers avec IBM, nous avons identifié 60 à 70 cas d’usage potentiels. Ces rendez-vous auront lieu jusqu’à la fin de l’été », précise le DSI.

« En à peine trois semaines, lors des ateliers avec IBM, nous avons identifié 60 à 70 cas d’usage potentiels. Ces rendez-vous auront lieu jusqu’à la fin de l’été ».
Eric CuziatDSI Groupe, Elior

Ensuite, il faudra prioriser les cas d’usage. « Nous restons concentrés sur l’expérience de nos clients, l’amélioration des opérations, l’aide aux fonctions support, dont les gestionnaires RH pour accélérer les recrutements (environ 100 000 par an avec les intérimaires) et répondre mieux aux attentes des collaborateurs ».

« Dans les ateliers de travail sur lesquels nous nous concentrons actuellement, avec les différentes BU, notre rôle est d’écouter le quotidien des collaborateurs et de pouvoir très rapidement identifier quels sont les sujets sur lesquels l’innovation va permettre d’alléger la charge administrative et apporter encore plus de valeur pour le groupe », confirme Carolina Camacho Rubiano, data and AI Executive Partner chez IBM Consulting.

Ces dernières années, la DSI d’Elior a mené des hackathons de quelques jours en partenariat avec les directions métier afin d’éprouver des cas d’usage potentiels.

« Nous avons pu valoriser un certain nombre d’usages, a posteriori, nous avons calculé le ROI qu’ils représentaient, nous avons industrialisé la mise en œuvre des solutions définitives avant de les passer à l’échelle ». « Cela nous permet de monter modestement en connaissance sur l’ensemble des piles technologiques ».

Elior cherche d’abord à acculturer, à communiquer auprès de ses collaborateurs et favoriser les échanges.

« L’Agentic AI & Data Factory » que le groupe est en train de bâtir avec IBM France mènera la qualification des cas d’usage, ainsi que le calcul du retour sur investissement. Et la préparation à la réalisation des projets sélectionnés aura lieu au dernier trimestre de l’année 2025. « Nous allons mettre en place une sorte de marketplace agentique dans laquelle nous allons pouvoir distinguer un socle commun, des briques technologiques permettant de déployer des agents IA “cross entité”. Et par la suite nous allons prendre en compte la spécificité de chaque secteur d’activité et pays pour les déployer » anticipe Carolina Camacho Rubiano. Les premiers agents IA devraient être déployés au cours du premier trimestre 2026.

IA agentique : des choix techniques à élaborer

« [...] À partir du moment où le moteur d’IA est entraîné, nous pouvons très bien redescendre le traitement sur des environnements on-premise ».
Eric CuziatDirecteur des systèmes d'information groupe, Elior

Concernant la pile technologique, « aujourd’hui le choix n’est pas arrêté », signale Eric Cuziat. « Nous ne sommes absolument pas fermés à l’utilisation de technologies IBM, mais le monde est vaste. Avec les équipes d’IBM Consulting, nous allons évaluer ce qui sied aux besoins d’Elior et de Derichebourg Multiservices ».

Le DSI reconnaît les attraits des services cloud pour mener ce type de projet, mais il considère que « le monde est hybride ».

« Le cloud hybride est, selon moi, important. Je veux aussi maintenir des compétences sur les technologies on-premise, car je ne sais pas de quoi sera fait l’avenir. Si demain, je dois rapatrier tout ou partie de nos solutions sur nos environnements internes, je le ferai », souligne-t-il.

« Soyons lucides, les capacités que le cloud offre pour entraîner ou développer des fonctionnalités d’IA sont considérables. Mais à partir du moment où le moteur d’IA est entraîné, nous pouvons très bien redescendre le traitement sur des environnements on-premise », poursuit-il.

« Nous avons des clients prestigieux qui imposent un haut niveau de confidentialité, et qui peut être demain nous empêchera de déployer quoi que ce soit sur le cloud ».

D’où l’exigence de bâtir une plateforme d’IA compatible avec ces exigences tout en s’assurant que les équipes IT d’Elior ont les compétences pour la maintenir. En filigrane, il faut acculturer les métiers aux changements que ces futures applications risquent de provoquer.

« Nous ne sommes pas en train de parler du déploiement d’un Copilot, nous cherchons à savoir comment intégrer l’IA agentique dans nos processus métier ».
Eric CuziatDirecteur des systèmes d'information groupe, Elior

IBM Consulting travaillera avec les équipes de gestion de données infusée au sein des entités du groupe.

« La responsabilité de la gouvernance des données est attribuée à une DSI spécifique qui en assure le leadership », assure Eric Cuziat. « En collaboration avec cette DSI, nous avons établi l’ensemble des principes directeurs de gouvernance. Avec elle, nous menons une démarche de coconstruction, tandis que l’exécution des projets est déléguée aux équipes des DSI locales ». 

Elior s’attend déjà à ce que ces agents IA traitent de grands volumes de données.

« Nous ne sommes pas en train de parler du déploiement d’un Copilot, nous cherchons à savoir comment intégrer l’IA agentique dans nos processus métier », conclut le DSI.

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