« Nous avons complètement changé la structure de Cegid » (Mohamed Zaghou)
Restructuration, harmonisation des SI, intégration de l’IA agentique, le vice-président stratégie marché de Cegid explique comment l’éditeur transforme ses solutions ERP et SIRH en portails unifiés et tente de préserver son autonomie technologique.
LeMagIT : Cegid a beaucoup parlé d’innovation lors de son évènement client. Pouvez-vous résumer les grandes lignes des chantiers sur lesquels vous avez travaillé et sur lesquels vous travaillez aujourd’hui?
Mohamed Zaghou : Nous avons deux principaux niveaux d’innovation.
Le premier est celui des innovations fonctionnelles (« traditionnelles ») sur nos ERP, nos outils de finance, de trésorerie, de paye, de RH. Le deuxième niveau est autour de l’intelligence artificielle et de l’intégration de l’intelligence artificielle (IA) sur chacune de nos expertises.
Notre nouvelle stratégie tourne autour de l’harmonisation. Nous sommes de plus en plus focalisés sur l’harmonisation de notre SI. Nous avons complètement changé la structure de Cegid pour casser les silos internes liés aux anciennes Business Units, qui étaient scindés par expertise.
Aujourd’hui, nous n’avons plus qu’une seule « BU Enterprise ». Elle regroupe l’ensemble des offres paye, finance, ERP et Talents. Cette nouvelle organisation va nous permettre d’avoir des chantiers d’harmonisation en matière d’intégration et de l’UX.
« Nous avons cassé les silos internes liés aux anciennes Business Units. Aujourd’hui, nous n’avons plus qu’une seule “BU Enterprise”. »
Mohamed ZaghouV-P stratégie marché, Cegid
Pour les innovations « traditionnelles », l’idée est de rajouter des fonctionnalités demandées par nos clients. Ce qui est intéressant avec l’IA ici, c’est que l’on a plein de cas d’usage qui varient : de l’aspect productivité jusqu’à l’aspect transformationnel.
Sur l’aspect productivité, cela peut être d’aider à gérer les arrêts maladie, par exemple, via un agent. Et sur l’aspect plus transformationnel, on est sur des agents qui vont interroger des Data Lakes pour répondre à des requêtes d’analytique et de reporting. Plutôt que de passer par un outil de Business Intelligence, l’IA va interroger directement le Data Lake qu’on est en train de bâtir.
Ce sont nos grosses initiatives pour les prochains mois et prochaines années.
LeMagIT : Cegid a également beaucoup mis en avant la notion de «portail»…
Mohamed Zaghou : Oui, et nous allons aller beaucoup plus loin en matière d’intégration et d’UX. Nous voulons nous assurer que nous avons une sorte de plateforme unifiée.
C’est ce que nous avons présenté en exemple avec un portail qui regroupait un outil de gestion de la paye, un outil RH et l’outil de gestion de travail et d’expense (gestion des dépenses)
Nous avons la volonté d’harmoniser et de mieux intégrer.
Indépendance des clients, et indépendance de Cegid
LeMagIT : Cegid se positionne désormais très clairement sur les agents. Tous les exemples étaient en revanche entièrement dans le «monde Cegid». Est-ce que, pour bénéficier de ces agents, il faut être à 100 % chez Cegid?
Mohamed Zaghou : Oui, il faut être à 100 % chez Cegid. Pour la simple et bonne raison que tous les cas d’usage IA sont intégrés dans les outils Cegid. Ce ne sont pas des outils supplémentaires. Ce sont vraiment des cas d’usage IA qui sont intégrés dans les SI Cegid d’origine.
Donc oui, il faudra être client Cegid pour bénéficier des agents ERP, des agents qui vont être dans la trésorerie, etc.
LeMagIT : Concernant votre partenariat avec Microsoft. Le fait d’utiliser un agent qui passe par Microsoft, ne crée-t-il pas une dépendance sur un élément du cœur de votre métier?
Mohamed Zaghou : C’est un peu la même relation qu’on a avec n’importe quel partenaire technologique en marque blanche. Il y a toujours cette relation de dépendance. Mais, plutôt que de parler de dépendance, je préfère parler de partenariat.
« Plutôt que de parler de dépendance, je préfère parler de partenariat. »
Mohamed ZaghouCegid
Pour vous donner un ordre d’idée, les coûts de Microsoft sont plutôt en chute libre qu’à la hausse. Au début, dès qu’on a commencé à exploiter et à jouer un petit peu avec le potentiel de l’IA, la retranscription (la reconnaissance vocale) coûtait extrêmement cher côté Microsoft. Aujourd’hui, les coûts sont largement accessibles.
Et je ne vois pas les coûts augmenter, sachant qu’on est au tout début de la technologie, et que Microsoft est dans une approche de volumétrie.
Donc plutôt que de dépendance à proprement parler, nous sommes plutôt dans une approche de partenariat.
LeMagIT : Certes, mais jusqu’ici la stratégie de Cegid était de travailler son indépendance technologique en externalisant uniquement les «commodités IA» (smart OCR, etc.) au prestataire (PaaS de Microsoft par exemple) et de choisir les modèles et de les entraîner en interne pour les fonctionnalités cœur de métier de Cegid. Est-ce toujours le cas?
Mohamed Zaghou : Tout à fait. Notre stratégie repose sur une architecture modulaire et évolutive de type microservices, qui nous permet d’optimiser en continu nos choix technologiques en fonction de la performance, de la souveraineté et de la conformité.
Pour chaque usage, nous opérons un arbitrage entre l’exploitation de composants externes (par exemple, des OCR ou moteurs de traduction proposés en PaaS par des hyperscalers comme Microsoft Azure, AWS ou GCP) et l’intégration de modèles open source, que nous hébergeons sur des instances dédiées, y compris bare metal pour certains cas sensibles.
Cette approche nous permet de garder la main sur nos briques cœur métier tout en respectant strictement le RGPD, l’AI Act, et en anticipant les évolutions réglementaires.
L’uniformisation de notre stack technique, notamment via la conteneurisation systématique de nos applications et le recours à des outils d’Infrastructure as Code, s’inscrit également pleinement dans cette volonté d’indépendance et de portabilité. Cela nous permet de rester agnostiques et de garder la flexibilité nécessaire pour faire évoluer notre infrastructure selon nos besoins ou ceux de nos clients.
Cette approche est aussi un levier clé pour nous adapter à l’urbanisation logicielle de nos clients, souvent complexes et hétérogènes, en facilitant les déploiements, la scalabilité et la conformité dans des environnements variés.
Hybridation technologique sur l’IA agentique
LeMagIT : Qu’en est-il pour les agents? Qu’est-ce qui est fait en interne? Qu’est-ce qui est du PaaS Microsoft?
Mohamed Zaghou : Notre approche des agents suit la même logique d’hybridation technologique et d’arbitrage à l’usage.
Certains cas d’usage font appel à des agents qui s’appuient sur des modèles fermés ou propriétaires (comme OpenAI/Mistral, via Microsoft Azure ou autre Paas), tandis que d’autres sont construits à partir de modèles open source comme LLaMA, que nous déployons sur des infrastructures hébergées en France ou dans l’Union européenne.
Cela nous permet de concilier agilité, maîtrise de la donnée, et conformité réglementaire, tout en explorant les nouvelles capacités offertes par l’évolution rapide des frameworks d’agents et des LLMs.