Datacenters pour l’IA : mais qui est donc Nscale ?

Inexistant il y a un an et demi, la chaîne de datacenters vient de lever près de 1,8 milliard en quelques jours, est désormais le partenaire officiel d’OpenAI pour déployer Stargate en Europe et le gouvernement britannique loue sa souveraineté. Un succès incompréhensible.

Et un second tour de table à 1,1 milliard de dollars ! Parmi les chaînes de datacenters qui doivent héberger des clusters de calcul pour l’IA en Europe, un nom que personne ne connaissait encore il y a quelques mois semble désormais polariser les annonces les plus ambitieuses : Nscale.

Officiellement, cette entreprise a été fondée en 2024 et n’a à son actif qu’un datacenter alimenté aux énergies renouvelables en Norvège. Mais, tout au long de l’année, elle a cumulé des succès dignes d’un champion accompli : partenaire d’OpenAI pour déployer Stargate en Europe, célébration par le gouvernement britannique. Investissement de 700 millions de dollars de la part de Nvidia. Et, cette semaine, un tour de table supplémentaire lui rapporte encore une fois et demi plus, de la part de Dell, Nokia et de divers fonds américains.   

LeMagIT a évoqué ce nom la première fois en juin, quand il apparaissait dans une liste d’opérateurs susceptibles de rattacher leurs GPU à DGX Lepton, la place de marché que Nvidia venait de lancer pour commercialiser sous sa marque des services de calculs piochés chez ses clients.

En août, on apprenait que Nscale devenait le partenaire privilégié d’OpenAI pour construire, en Norvège et au Royaume-Uni, les datacenters européens de son projet Stargate. Initialement annoncé comme un plan américano-américain de l’administration Trump pour asseoir sa domination mondiale en termes d’IA, Stargate s’est en effet avéré n’être qu’une marque de cloud dédiée à 100% à OpenAI, lequel est désireux d’émanciper ChatGPT de son hébergeur historique, Microsoft Azure.

Toujours est-il que Stargate dois désormais avoir une présence internationale et que Nscale, en tant qu’hébergeur pour l’Europe, est présenté comme le garant d’une souveraineté locale à l’épreuve des décisions américaines. Au Royaume-Uni, le gouvernement a même fait son éloge à l’occasion d’un discours relatif à son plan national pour l’IA : « Nscale est le seul fournisseur d'infrastructures d'IA souveraines qui dispose de l’intégralité de la plateforme nécessaire », disait-il. Josh Payne, le PDG de Nscale, a même été cité dans le communiqué de presse du ministère britannique des Sciences, de l'Innovation et de la Technologie (DSIT).

Il y a quelques jours, quand Nvidia annonçait entrer au capital de Nscale, cela pouvait encore passer pour un investissement un peu au hasard de la part du No 1 des puces pour l’IA, lequel semble fort occupé en ce moment à optimiser sa fiscalité. Sauf que cette opération a ouvert la voie à encore plus d’investissements encore.

Pour une société qui, selon le registre du commerce britannique, n'a été constituée qu'en mai 2024, la taille de ses partenaires technologiques et la haute estime dont elle semble jouir auprès des gouvernements anglais et norvégiens sont pour le moins curieuses. D'autant plus que, au Royaume-Uni, Nscale est présenté comme une société britannique, que l’essentiel de ses datacenters est en Norvège et que la majorité de ses dirigeants sont basés aux États-Unis.

D’où vient Nscale ?

Nscale Global Holding Limited, c’est la raison sociale qui apparaît sur le site web de l’hébergeur, a été constituée au Royaume-Uni le 29 mai 2024 selon Companies House, le registre du commerce britannique. La société compte sept administrateurs, dont quatre résident aux États-Unis, deux au Royaume-Uni et un en Australie.

Parmi les administrateurs britanniques figure le PDG Josh Payne. Il est également le seul administrateur répertorié comme personne exerçant un « contrôle significatif ».

Nscale serait issue d'une autre société, Arkon Energy, également fondée par Josh Payne et une autre personne, Nathan Townsend. Arkon Energy est à la fois un fournisseur de puissance de calcul spécialisé dans le minage de cryptomonnaies et un constructeur de datacenters alimentés par des énergies renouvelables, en Norvège, plus un aux États-Unis, dans l'Ohio.

En décembre 2023, Josh Payne s’est félicité sur LinkedIn qu'Arkon Energy ait obtenu un financement de 110 millions de dollars, qu'il qualifiait de « plus important tour de table privé pour une plateforme d'extraction de bitcoins » de cette année-là. Ce financement devait servir, d’une part, à tripler la puissance énergétique du datacenter américain pour la porter à 300 MW et, d’autre part, à ouvrir la voie au lancement de sa plateforme de services cloud dédiés à l'IA dans ses datacenters norvégiens.

En février 2024, Arkon Energy a tenté, en vain, d’entrer à la bourse Euronext d’Amsterdam via une fusion inversée avec une société-écran connue sous le nom de BM3EAC.

Neuf mois plus tard, en novembre 2024, alors qu’Arkon Energy et BM3EAC annonçaient leur divorce, le premier se séparait aussi de la filiale anglaise Nscale enregistrée au Royaume-Uni juste avant l’été précédent. Sur son profil LinkedIn, Nathan Townsend mentionne toujours qu’il travaille à la fois pour Arkon Energy et Nscale, mais le site web d'Arkon Energy semble avoir complètement disparu d'Internet.

Que fait réellement Nscale ?

Nscale se présente comme un hyperscaler dédié à l’IA, qui fournit les datacenters, les systèmes et les applications dont les secteurs privés et publics auraient besoin pour concrétiser leurs projets d'IA. Son datacenter principal est celui de Glomfjord, en Norvège, qui serait alimenté par l'hydroélectricité. Nscale affirme également avoir un « pipeline mondial de datacenters écoresponsables » en cours de développement.

En juillet 2024, Nscale a racheté l’entreprise belge Kontena, spécialisée dans la fourniture de datacenters modulaires pour le calcul intensif.

En janvier 2025, Nscale a annoncé qu’il prévoyait d'investir 2,5 milliards de dollars dans le secteur des datacenters au Royaume-Uni d’ici aux trois prochaines années, en commençant par le rachat d’un premier bâtiment britannique à Loughton, dans le sud-est de l’Angleterre. En l’état, ce datacenter est équipé d’une puissance de 50 MW. Nscale annonce qu’il pourrait porter sa puissance à 90 MW et qu’il devrait entrer en opération d'ici à fin 2026.

Dans les mois qui ont suivi, Nscale a également déclaré son intention de construire plusieurs datacenters modulaires au Royaume-Uni, au cours du second semestre 2025.

Après s’être associé avec OpenAI pour lancer les chantiers des Stargate norvégien (290 MW) et britannique, Nscale participe en ce moment à l’appel d’offres lancé par Microsoft pour créer le plus grand supercalculateur d'IA du Royaume-Uni, à Loughton.

Le mystère du succès reste entier

En décembre 2024, Nscale annonçait avoir levé 155 millions de dollars à la suite d'un tour de table de série A « sursouscrit ». Selon la société, ce financement lui permettrait d'accélérer son expansion en Europe, mais aussi en Amérique du Nord. Cette annonce, qui succédait apparemment à un premier apport de 30 millions de dollars lors de la scission avec Arkon Energy, s’accompagnait d’un communiqué pour le moins ambitieux dans le contexte d’une entreprise qui n’avait officiellement que sept mois d’existence :

« Depuis son lancement discret en mai 2024, Nscale a connu une demande insatiable en matière d'infrastructure d'IA, augmentant rapidement son portefeuille de centres de données écoresponsables en Europe et en Amérique du Nord, de 300 MW à 1,3 GW, avec 120 MW prévus pour 2025. »

Est-ce ce communiqué qui a incité le gouvernement britannique à voir en Nscale l’enfant du pays sauveur de l’IA souveraine ? Le mystère n’est pas levé.

Si l’on sait peu de choses concernant les raisons qui ont poussé Nvidia à y investir 700 millions de dollars, il est en revanche notoire que le tour de table à 1,1 milliard de dollars de cette semaine a été organisé par la société d’investissement norvégienne Aker.

Celle-ci était déjà le partenaire d’Arkon Energy sur le chantier de ses datacenters norvégiens, construits sur les vestiges des infrastructures industrielles dans le nord du pays. Infrastructures qui servaient notamment de relais aux raffineries offshore suite à la découverte de pétrole en mer du nord dans les années 60. Des raffineries construites, d’ailleurs, par Asker.

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