jijomathai - stock.adobe.com

Comment les DSI peuvent déjouer le greenwashing des fournisseurs IT

À l’heure où presque tous les acteurs technologiques revendiquent des engagements « verts », les directions informatiques doivent apprendre à distinguer les véritables démarches de durabilité des simples annonces marketing. Mais comment faire ?

Les promesses écologiques foisonnent dans le secteur IT. Serveurs « neutres en carbone », clouds « alimentés à 100 % en énergie renouvelable », datacenters « durables » : la com marketing est omniprésente. Et beaucoup d’entreprises ont envie d’y croire, car ces affirmations s’alignent sur les objectifs de leurs comités de direction et les attentes de leurs clients.

Mais l’écart entre ces déclarations et la réalité reste souvent considérable. Derrière les slogans, il y a peu de transparence et beaucoup d’exagération. Pour les DSI, le défi est de faire le tri entre ce qui est crédible et ce qui relève du simple marketing.

Les signaux d’alerte du greenwashing

Un premier réflexe consiste à observer attentivement la façon dont une entreprise parle de durabilité. Un langage vague doit immédiatement éveiller la méfiance. Les termes « écologique », « vert » ou « durable » n’ont de valeur que s’ils s’accompagnent de données mesurables.

L’entreprise réduit-elle effectivement ses émissions, ou se contente-t-elle de les équilibrer sur le papier ?

Le deuxième indice, plus subtil, est la communication sélective. Certains fournisseurs mettent en avant la consommation énergétique de leurs datacenters, mais passent sous silence les émissions liées à la fabrication du matériel, à la logistique ou à la fin de vie des équipements. L’absence de vision globale est souvent plus révélatrice que les chiffres affichés.

Autre alerte fréquente : la dépendance excessive aux mécanismes de compensation carbone. Ces outils ont un rôle, mais uniquement en complément d’une réduction réelle des émissions à la source.

Lorsqu’un fournisseur revendique la « neutralité carbone » sans expliquer comment il réduit concrètement sa consommation énergétique, il faut s’interroger sur la sincérité de l’engagement.

Pour les DSI, la question centrale est donc simple : l’entreprise réduit-elle effectivement ses émissions, ou se contente-t-elle de les équilibrer sur le papier ?

Comment vérifier les promesses environnementales

La vérification demande de la rigueur et un certain esprit critique. Lorsqu’un fournisseur affirme que son cloud fonctionne grâce aux énergies renouvelables, il ne faut pas hésiter à lui demander des précisions : quelle proportion provient d’achats directs d’électricité verte ? Quelle part repose sur des certificats ? Quelles vérifications indépendantes confirment ces chiffres ?

Des cadres de référence existent. Le Greenhouse Gas Protocol (GHG Protocol), la norme ISO 14064 ou encore l’initiative Science Based Targets (SBTi) fournissent des standards reconnus à l’échelle internationale.

Un fournisseur aligné sur ces standards offre généralement des données plus fiables. À l’inverse, un discours sans référence normative, ou des chiffres trop simplifiés doivent inciter à la prudence.

La régularité de la publication est également un indice clé : un rapport annuel vérifié par un tiers inspire davantage confiance que des communiqués ponctuels. La constance fait souvent la différence entre une véritable stratégie environnementale et une campagne marketing opportuniste.

Transparence : la ligne de démarcation entre marketing et réalité

Une transparence imparfaite vaut souvent mieux qu’un vernis de perfection.

La transparence est la frontière entre communication et action.

Un fournisseur réellement engagé partage ouvertement ses données, il explique sa méthodologie et il reconnaît ses limites. Aucun acteur n’est parfait : les émissions liées aux serveurs, aux chaînes logistiques ou à la production de matériel sont inévitables. Mais admettre ces difficultés tout en présentant un plan crédible de réduction renforce la confiance.

Les fournisseurs qui détaillent les zones d’incertitude de leur chaîne de valeur et qui précisent comment ils comptent les combler témoignent d’un sens de la responsabilité supérieur à ceux qui revendiquent des émissions nulles sans fournir de ventilation précise.

Une transparence imparfaite vaut souvent mieux qu’un vernis de perfection.

Renforcer les compétences internes

Malheureusement, les DSI ne peuvent pas se contenter des déclarations de leurs fournisseurs.

Vous devrez former vos équipes afin qu’elles aient les connaissances nécessaires pour interroger et vérifier ces données. Cela passe par une formation de base sur les standards de durabilité et la comptabilité carbone, notamment la distinction entre les émissions Scope 1, 2 et 3.

Instaurer une culture du questionnement est essentiel. Chaque chiffre doit susciter des interrogations : d’où vient-il ? Qui l’a vérifié ? Couvre-t-il l’ensemble du cycle de vie du produit ou seulement une partie ?

Ces réflexes incitent les fournisseurs à aller au-delà du discours et à fournir des éléments concrets.

Les directions IT ont aussi intérêt à échanger avec leurs pairs, dans d’autres secteurs. La durabilité n’est pas un domaine concurrentiel : les retours d’expérience et les bonnes pratiques peuvent être partagés au sein de groupes ou d’alliances professionnelles. Cela permet d’éviter les erreurs coûteuses et de renforcer les exigences collectives envers les fournisseurs.

Éviter toute complicité involontaire

Un risque est moins visible, mais il est réel : devenir complice de greenwashing en relayant des informations non vérifiées.

Lorsqu’un DSI communique, en interne ou en externe, sur les prétendues performances environnementales d’un de ses fournisseurs sans validation préalable, il peut involontairement diffuser des informations trompeuses.

Aucune affirmation environnementale ne doit être relayée publiquement avant vérification.

Ce comportement expose l’entreprise à des critiques, voire à des sanctions réglementaires. La directive européenne Green Claims de février 2024 impose des règles strictes pour vérifier scientifiquement toutes les allégations environnementales faites par des entreprises. Un décret français de 2022 allait déjà dans le même sens pour lutter contre l’écoblanchiment. S’y conformer limite les risques juridiques et protège la crédibilité de l’organisation.

Une règle simple peut être instaurée : aucune affirmation environnementale ne doit être relayée publiquement avant vérification.

Même en interne, les déclarations doivent être traitées comme provisoires tant qu’aucune preuve documentée n’a été examinée. Garder une trace écrite du processus de vérification constitue une protection supplémentaire si une controverse venait à surgir.

Au-delà des géants du numérique

Les grands acteurs du cloud et du numérique dirigent souvent l’attention médiatique sur leur durabilité. Pourtant, de plus petites entreprises se montrent parfois plus sincères et ambitieuses dans leurs efforts. Leur taille les oblige à davantage de transparence : le risque de réputation lié à des promesses non tenues serait trop lourd à supporter.

Ces fournisseurs plus modestes n’ont pas toujours les moyens de campagnes de communication spectaculaires, mais leurs démarches environnementales peuvent être plus tangibles.

Cela ne dispense pas pour autant d’un examen rigoureux : qu’il s’agisse d’un hyperscaler mondial ou d’un hébergeur régional, les mêmes questions doivent être posées.

Les chiffres sont-ils publics ? Ont-ils été vérifiés par un tiers ? S’appuient-ils sur des standards reconnus ? Ces éléments sont les seuls à même d’établir la confiance.

Responsabiliser tout l’écosystème IT

La capacité d’une entreprise à évaluer les engagements de ses fournisseurs ne relève pas seulement d’une exigence de conformité. Elle participe à la transformation du secteur.

La capacité d’une entreprise à évaluer les engagements de ses fournisseurs […] participe à la transformation du secteur.

Lorsque les DSI demandent des preuves, ils encouragent les fournisseurs à adopter de meilleures pratiques et ils contribuent à une évolution collective vers des technologies réellement durables.

En fin de compte, la responsabilité ne s’arrête pas au choix des partenaires : elle s’étend à la manière dont les entreprises communiquent auprès de leurs clients, des régulateurs et du grand public.

En imposant rigueur, transparence et redevabilité à leurs fournisseurs, les DSI peuvent à la fois protéger leurs organisations et pousser l’ensemble du secteur technologique à progresser vers une durabilité plus authentique.

Pour approfondir sur Green IT