jijomathai - stock.adobe.com

La boîte à outils de Forrester pour débusquer le greenwashing

À l’heure où les grands acteurs IT rivalisent de promesses « vertes », Forrester propose une grille de lecture pour tester la crédibilité des engagements environnementaux des fournisseurs de la DSI.

Les déclarations de durabilité se multiplient dans l’IT. Mais comment distinguer les démarches authentiques du greenwashing ?

Ce n’est pas un petit problème. Une étude de la Commission européenne réalisée en 2021 est arrivée à la conclusion que, 42 % des allégations environnementales étaient exagérées, trompeuses ou fausses, et que plus d’une entreprise sur deux ne fournirait pas de preuves vérifiables de leurs affirmations.

En attendant la directive européenne Green Claims, de nouvelles règles interdisent déjà l’usage de termes vagues ou de mentions comme « climatiquement neutre » quand elles reposent uniquement sur des compensations carbone non prouvées.

Chez Forrester, nous prévoyons que 2026 marquera un tournant pour la durabilité. Un tournant qui distinguera clairement la durabilité de façade des stratégies climatiques réellement intégrées.

Pour distinguer les deux, voici une méthode pour évaluer les arguments marketing des fournisseurs et éviter toute complicité involontaire avec le greenwashing.

1. Identifier les signaux d’alerte dans le marketing environnemental

Rechercher les signaux faibles de greenwashing doit être un réflexe pour tout responsable IT. En examinant les rapports de durabilité de vos principaux fournisseurs, soyez alerté par :

  • Un langage flou et non étayé. Les termes « écologique », « vert » ou « neutre en carbone » sans précision sur la méthode, le périmètre et les données probantes.
  • Des indicateurs vagues. Si un fournisseur se contente de notions générales d’« efficacité » sans indiquer de chiffres (au minimum pour les émissions de Scope 1 et Scope 2), il faut creuser.
  • Des promesses de « 100 % renouvelable » fondées uniquement sur des certificats et une dépendance excessive aux compensations carbone. Ces approches masquent souvent une stratégie de décarbonation fragile. Les compensations ont un rôle, notamment pour les émissions difficiles à éliminer, mais la transparence et les actions concrètes demeurent essentielles.

2. Vérifier les affirmations et comparer avec les standards

L’évaluation selon des normes reconnues garantit que l’entreprise mesure les bons indicateurs. Après avoir repéré les signaux d’alerte, approfondissez en :

  • Demandant un inventaire auditable des gaz à effet de serre (GES). Exigez des inventaires conformes aux normes ISO 14064-1 et au GHG Protocol, qui incluent les émissions des Scope 1, 2 et 3, avec méthodes et facteurs d’émission explicités. Vérifiez également la présence d’une validation par un tiers indépendant.
  • Validant les allégations sur les produits. Renseignez-vous sur les méthodologies d’analyse du cycle de vie (ACV) et de calcul de l’empreinte carbone produit (ISO 14067).
  • Demandant des indicateurs standardisés pour les datacenters. Pour les fournisseurs cloud ou de colocation de datacenter, réclamez les métriques PUE (Power Usage Effectiveness) et WUE (Water Usage Effectiveness) conformes aux standards ISO/IEC 30134 et ISO WUE.

3. Exiger une vérification indépendante

Une validation par un tiers garantit la fiabilité des données et des processus de reporting. Outre la conformité des compensations carbone et le respect des normes ISO sur la neutralité, recherchez :

  • Une assurance sur les données non financières. Demandez une vérification externe selon des référentiels comme ISSA 5000 (PwC) pour attester la qualité des données et des contrôles.
  • Des objectifs validés par la Science Based Targets initiative (SBTi). Priorisez les fournisseurs ayant des cibles de court terme et de neutralité carbone validées par cet organisme.
  • Des signaux de qualité de divulgation. Le CDP (Carbon Disclosure Project) met l’accent sur la transparence des émissions, y compris celles du Scope 3, et sur la gouvernance climatique. Vérifiez si le fournisseur publie ses résultats via le CDP.

4. Responsabiliser les fournisseurs et éviter d’amplifier le greenwashing

Fixez des exigences claires à vos partenaires. En commençant par placer la barre plus haute pour le cloud et les datacenters. Privilégiez des labels crédibles comme EPEAT ou TCO Certified, génération 10. Intégrez des clauses environnementales dans vos codes de conduite fournisseurs.

Par ailleurs :

  • Élaborez un cadre de « green software ». Avec la montée en puissance de l’IA, mesurez les émissions des logiciels à l’aide de la norme Software Carbon Intensity (SCI) de la Green Software Foundation, désormais reconnue par l’ISO, et adoptez des principes de conception « carbone conscient ».
  • Définissez les bons indicateurs pour la circularité. Le numérique s’inscrit dans une économie circulaire plus large. Mesurez le succès de vos initiatives avec des indicateurs comme la quantité de matériaux dangereux évités en décharge ou l’empreinte carbone incorporée par appareil.
  • Comprenez le double rôle des technologies émergentes. L’IA, par exemple, peut à la fois favoriser la durabilité et en compromettre les gains selon les usages. Seule une analyse des cas d’usage et de l’échelle d’application permet de trouver le juste équilibre.

Abhijit Sunil est analyste senior chez Forrester. Ses recherches portent sur le Green IT, les stratégies de durabilité, l’optimisation des centres de données et du cloud, les technologies émergentes et l’action climatique, le marché des services professionnels de durabilité, l’organisation et le reporting environnementaux, ainsi que le ROI et la valeur métier des investissements dans la durabilité environnementale.

Pour approfondir sur Green IT