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DRAM, SSD : attention à la pénurie qui se prépare
Les hyperscalers et les fabricants de serveurs commandent trop de composants mémoire pour leurs infrastructures d’IA que ce que le marché peut produire. Résultat : les prix explosent dès ce mois-ci et une pénurie pourrait s’installer jusqu’en 2027.
Alerte sur les pénuries de mémoire DRAM, NAND et sans doute aussi HBM. Selon les derniers rapports financiers des divers fournisseurs de ces composants, la demande de la part des fournisseurs de cloud dépasse l’offre disponible. Et le problème n’est que plus amplifié par la récente interdiction de l’administration Trump de faire fabriquer ces composants dans des usines chinoises.
Le plus important fabricant de ces composants, Samsung, a annoncé la semaine dernière dans la presse coréenne qu’il allait se focaliser sur la production de puces de DRAM au détriment des NAND dans ses usines Pyeongtaek et Hwaseong (toutes deux en Corée du Sud) qui fabriquaient jusqu’ici les deux types de composants.
La raison évoquée est que la mémoire vive constitue pour l’instant la demande la plus forte de la part de ses clients. Cette explosion du besoin en DRAM procéderait de la nécessité nouvelle d’avoir beaucoup de mémoire dans les serveurs pour charger des modèles d’IA dont la taille – plusieurs dizaines de Go chacun – dépasse de loin celle des applications web classiques. Et l’on ne parle là que de couvrir les besoins en inférence, soit l’utilisation par des entreprise d’une IA préentraînées.
De toute façon, cette pression sur les DRAM aura nécessairement un impact sur les mémoires HBM internes aux GPU conçus pour l’entraînement. Il s’agit des mêmes circuits dans les deux cas ; ils sont gravés sur les mêmes chaînes. La différence se fait ensuite, dans la manière dont ils sont assemblés sur un bus de communication. Celui de la HBM est très large, car il est conçu pour s’interfacer directement avec les broches d’une puce de calcul, alors que celui des barrettes de DDR5 est plus réduit pour s’accommoder d’une portion des connexions derrière un chipset.
+60% sur le prix des DDR5, et +100% d’ici à fin 2026
La demande pour gonfler la mémoire des serveurs est actuellement telle que le prix des composants de DRAM DDR5 augmente de 60% sur les marchés de gros dès ce mois. Les prix sont fixés à chaque fin de mois par les fabricants selon la demande. Mais de manière inhabituelle, Samsung a retardé de quinze jours la publication de ses derniers tarifs pour prendre la mesure de la situation.
Selon Tobey Gonnerman, le dirigeant du grossiste en mémoire Fusion Worldwide, cité par l’agence Reuters, « la plupart des fabricants de serveurs et d’exploitants de datacenters doivent désormais accepter qu’ils n’obtiendront plus en temps voulu leurs composants de mémoire et que les tarifs pour un accès premium aux stocks sont déjà... extrêmes ». En l’occurrence, une puce DDR5 de 32 Go se négocie à présent 239 dollars, contre 149 $ fin septembre. Il faut à présent compter 135 $ pour une puce de 16 Go et 1194 $ pour 64 Go.
Un point particulier est que Samsung, comme son concurrent et compatriote SK Hynix, a récemment rénové ses chaînes de fabrication pour graver des mémoires avec une meilleure finesse de gravure, soit la génération 1c chez Samung (entre 11 et 12 nanomètres) et la génération 1b chez SK Hynix (entre 12 et 13 nanomètres). Problème, la jeunesse de ces procédés découle sur de nombreux ratés en production. Chez Samsung, seuls 50 à 70% des circuits de DRAM gravés sur un wafer sont fonctionnels, contre 80% d’ordinaire.
Un autre phénomène aggravant est la volonté récemment affichée par Nvidia de ne plus utiliser sur ses GPU pour l’inférence que de la mémoire LPDDR5, d’ici à fin 2026. Il s’agit d’un type de mémoire plus économe en énergie que la DDR5 normale, ce qui permettrait aux GPU de Nvidia d’être moins énergivores. Mais la LPDDR5 est aussi plus compliquée à fabriquer. Toujours selon Tobey Gonnerman, cité par Reuters, la généralisation de la LPDDR5 dans les machines de calcul reviendrait à doubler le prix de la mémoire dans les serveurs.
Selon les analystes, le prix des composants de DRAM ne devrait pas se stabiliser avant la mi-2027.
Une pénurie sur les SSD aussi
Enfin, le fait que Samsung et SK Hynix démontent leurs chaînes de fabrication de NAND pour installer à la va-vite des chaînes de fabrication de DRAM devrait, par ricochet, créer une pénurie de SSD dès la fin de l’année 2026.
Le premier à avoir tiré le signal d’alarme est le fabricant de SSD Phison dans son dernier rapport financier publié plus tôt ce mois-ci. Selon son PDG Khein-Seng Pua, le prix d’un circuit de NAND TLC de 1 térabit (il en faut huit pour faire 1 To) se négocie à présent à 10,70 dollars sur le marché de gros, contre 4,80 $ cet été. En fait, tous les SSD que Phison produira en 2026 sont déjà vendus et, de fait, les prix continueront d’augmenter jusqu’en 2027.
Dès le lendemain, son concurrent SanDisk annonçait au média Digitimes Asia que tous ses fournisseurs de puces NAND sur le marché avaient augmenté leurs prix de 50% entre octobre et novembre. En précisant là aussi qu’il lui avait fallu attendre exceptionnellement 15 jours pour obtenir la mise à jour des tarifs mensuels.
Selon les analystes, la production des SSD ne fait pas que souffrir d’une probable baisse de la production chez Samsung. Elle doit aussi répondre à une demande de plus en plus forte de la part des fournisseurs d’infrastructures d’IA qui préfèrent désormais les SSD aux disques durs pour charger plus rapidement en RAM les dizaines de Go que pèsent les LLM. Ainsi, Transcend, Innodisk et Apacer Technology, qui assemblent tous trois les circuits de NAND sous forme de puces avant de les revendre aux fabricants de SSD, viennent d’afficher des résultats financiers inédits : +27%, +64% et +70% d’augmentation de leurs ventes en un an, respectivement.
En réaction à cette pénurie soudainement annoncée, le fabricant de serveurs et de PC Lenovo vient d’annoncer à Bloomberg qu’il se pressait de constituer dès maintenant un stock de composants DRAM et NAND suffisant pour peupler toutes les machines qu’il entend fabriquer d’ici à la fin 2026. Le média économiste relate que son concurrent Acer aurait même dépêché une délégation pour aller acheter les composants directement à la sortie des usines de Samsung, sans passer par les grossistes habituels de la chaîne logistique.
