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Detect IA Tag : la RATP chasse les graffitis avec sa Computer Vision

La direction Innovation de la RATP expérimente et déploie différentes applications de l’intelligence artificielle, notamment pour détecter automatiquement les graffitis sur les voitures, former à la relation client ou sur ses opérations de maintenance.

Plusieurs grands acteurs français des transports investissent dans l’intelligence artificielle, à l’image de Getlink (Eurotunnel), de SNCF Voyageurs, d’Air France.

La RATP, elle, est le plus gros producteur de données d’Île-de-France. Pour valoriser ce patrimoine, la Régie des transports parisiens s’appuie d’ailleurs sur une stratégie Data Mesh. La donnée lui permet ainsi d’entraîner des algorithmes, notamment des modèles d’IA générative.

Les finalités métiers poursuivies avec l’IA sont multiples comme le suggère une présentation de projets développés par sa direction Innovation. En 2024, le groupe en totalisait 300 projets, chiffre Gilles Tauzin, qui dirige cette direction.

Trois axes sont priorisés : l’expérience utilisateur, le collaborateur et l’excellence industrielle. Parmi les 300 projets de 2024, 50 % concernent les deux premiers domaines (25 % pour l’excellence industrielle).

L’innovation vise également à soutenir la croissance à l’international du groupe, ajoute Gilles Tauzin. « Nous sommes le troisième opérateur mondial de transport en commun », se félicite-t-il.

Des « caméras intelligentes » pour détecter les graffitis

Afin d’illustrer ses ambitions, en amont de l’édition 2025 de VivaTech, la RATP a présenté publiquement le projet « Detect IA Tag », qui fait appel à des algorithmes de Computer Vision et des « caméras intelligentes » pour détecter les graffitis sur les métros parisiens.

Le « dispositif » est installé en tunnel afin de scanner le matériel roulant lors de son passage, explique Steeve Raterron, head of Artificial Intelligence Projects. L’objectif au travers de ces développements est d’outiller les agents, « qui aujourd’hui détectent manuellement » les graffitis.

La détection en station en heures de pointe par les agents est complexe à réaliser quotidiennement. La tâche suit donc une fréquence hebdomadaire ou bi-hebdomadaire. L’apport de l’IA doit permettre à terme de passer d’une tâche « ponctuelle » à une « tâche quotidienne » en accélérant la détection, puis le nettoyage des matériels, déclare le responsable IA. La détection doit aussi se traduire par une remontée d’alerte auprès des équipes de sécurité pour l’allocation de moyens humains.

Detect IA Tag, conçu en interne grâce à une expertise Computer Vision

Pour concevoir ce produit d’IA, la RATP « a développé une expertise en computer vision ». Cette compétence « permet de répondre à de nombreuses problématiques dans le groupe », se réjouit Steeve Raterron.

Detect IA Tag est ainsi issu à 100 % de développements en interne. Cela vaut pour les algorithmes, mais aussi pour le hardware associé. « En sept secondes, nous sommes capables d’analyser un train qui passe et de fournir instantanément la surface de graffiti du train », explique Steeve Raterron.

« Les données générées – comme la surface graffitée, l’horodatage ou l’état par voiture – sont envoyées sur notre plateforme IoT groupe. »
Steeve RaterronHead of Artificial Intelligence Projects, RATP

Depuis le début de la phase de test sur la ligne 7, ce sont 150 000 voitures qui ont été analysées par le dispositif (activé à la demande) couplant caméras, algorithmes et edge computing. À terme, la RATP entend déployer son système sur l’intégralité des lignes, en commençant « rapidement » par la ligne 6.

Pourquoi du edge computing ? Pour la protection de la vie privée. Les images captées par les caméras masquent (par déformation) volontairement les passagers. Les vidéos sont conservées en local, mais temporairement. Le capteur en tunnel est alimenté grâce à la technologie Power over Coax (PoC). L’information captée remonte jusqu’à un local technique à proximité.

« Aucune donnée n’est enregistrée en local. La vidéo est conservée uniquement durant la période de l’analyse. Les données générées – comme la surface graffitée, l’horodatage ou l’état par voiture – sont envoyées sur notre plateforme IoT groupe. »

Edge computing et numérique responsable

L’architecture edge fait donc appel à un calculateur « déporté ». Un choix justifié par des raisons de sécurité ferroviaire, précise Steeve Raterron au MagIT. L’installation d’équipements informatiques dégageant de la chaleur (jusqu’à 45° pour une carte programmable Jetson) n’est pas envisageable. La maintenance IT est en outre ainsi facilitée.

Le transporteur revendique par ailleurs une approche numérique responsable. La détection ne s’effectue pas en continu, mais « uniquement en heures de pointe ». En outre, la configuration edge computing, est conçue pour minimiser la consommation. « En pic, nous sommes à 10 watts » pour un système actif trois à quatre heures par jour, confie le responsable.

En ce qui concerne la localisation des caméras, la RATP préfère la tenir secrète pour ne pas en informer les auteurs de graffitis et assurer « la sécurité du dispositif ». Steeve Raterron précise juste qu’elles se situent dans les tunnels et qu’elles ne permettent pas de filmer les voyageurs sur les quais.

Les conditions sont malgré tout suffisantes pour la détection avec un taux d’efficacité estimé à 99 %. Sur le calcul de la superficie des tags, le taux de précision atteint lui 95 %.

Apprentissage via une base annotée de 11 000 graffitis

Concernant la phase d’apprentissage, la RATP a exploité des images libres de droits. Pour cette étape clé du développement d’un modèle, la RATP a conçu une base de données composée de plus de 11 000 graffitis, sur des surfaces hétérogènes, annotées manuellement.

« L’idée a consisté à apprendre à l’algorithme à identifier un tag […] ce qui nous permet à présent de disposer d’un algorithme fonctionnant sur n’importe quelle surface. »
Steeve RaterronHead of Artificial Intelligence Projects, RATP

« En nous entraînant uniquement sur du matériel roulant, nous ne serions pas parvenus à obtenir des résultats aussi performants. L’idée a donc consisté à apprendre à l’algorithme à identifier un tag […] ce qui nous permet à présent de disposer d’un algorithme fonctionnant sur n’importe quelle surface », détaille l’expert IA.

Dans une optique de déploiement à l’échelle et de mutualisation des usages, la direction innovation ambitionne de concevoir un système de computer vision « universel ». Il s’agirait de concevoir un capteur, qualifié « d’IoT++ », capable de traiter « plusieurs problématiques » : tags et mesure de l’affluence, par exemple.

Detect IA Tag n’est qu’un projet parmi d’autres de la RATP qui embarque de l’intelligence artificielle. La régie l’exploite également pour la maintenance du matériel roulant (à l’image de Getlink) et pour la formation des agents à la relation client, en combinant réalité virtuelle, NLP, voix de synthèse et LLM (ChatGPT).

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